Test | Pacific Drive
21 févr. 2024

Road-trip au pays de l'angoisse et de la fascination

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Pacific Drive

Pacific Drive, c'est un peu l'ovni de ce début d'année. Le titre commence de plus en plus à faire parler de lui au fil de sa campagne de communication et sa démo de pré-sortie. Premier fruit du travail acharné de Ironwood Studios à l'équipe expérimentée – anciens de grosses licences comme Infamous, Bioshock, Halo et encore bien d'autres – il s'annonce déjà comme survitaminé avec son esthétique singulière et son ton énigmatique. Il est dorénavant temps de voir si l'aventure en a suffisamment sous le capot.

L'histoire

Pacific Drive vous emmène aux frontières de la rationalité en vous plongeant dans une région fictive de Nord-Ouest américain : la Zone d'Exclusion Olympique. C'est ici que se sont déroulées des recherches autour d'une nouvelle technologie prometteuse à la fin des années 1940. Cette dernière aux propensions utopiques connaît évidemment un destin tragique menant à divers événements paranormaux. Après 30 ans, toute la zone est évacuée, n'y laissant plus qu'un no man's land isolé par un rempart de plusieurs centaines de mètres. Ce n'est que bien plus tard que vous intervenez. Au volant de votre véhicule, vous effectuez une livraison dans le coin avant d'être malencontreusement happé par une force surnaturelle en provenance du mur que vous longez à ce moment-là. À partir de cet instant, vous allez être aidé par les quelques scientifiques n'ayant pas pu s'échapper à temps de la zone. Celle-ci n'est pas des plus pacifiques puisque la voilà infestée de ce que vos interlocuteurs appellent anomalies. Ces dernières sont des entités surnaturelles aux propriétés uniques. Comment quitter la zone ? Que s'est-il passé ? Comment êtes-vous arrivé là ? Vos contacts sont là pour vous aider, si bien sûr vous leur rendez la pareille.

Véritable brassage d'esthétiques, Pacific Drive croise la retro new wave aux interfaces ASCII et aux classiques du cinéma hollywoodien sci-fi pop des années 80. C'est tout d'abord une réussite visuelle qui vient flatter vos rétines grâce à ses intentions artistiques. Que ce soit dans son ambiance, son sound design ou ses lumières, le titre a un goût certain pour tirer subtilement ce qu'il faut pour trouver le juste équilibre dans ses inspirations. Il fait aussi appel à votre nostalgie par son parti pris très old school en iconisant le véhicule qui va vous suivre tout au long de votre aventure. De quoi rappeler la DeLorean de Retour vers le futur ou l'Ectomobile de SOS Fantômes. Il en serait presque à regretter l'absence d'un mode photo lorsqu'un paysage nocturne teinté de néons et de phares traversant la brume apparaît devant vous. Mais immersion oblige, tout est fait pour vous laisser impliqué dans votre aventure, notamment en vous laissant entendre les notes résonnant des superbes musiques passant à la radio. Par ailleurs, c'est en faisant entrer dans l'arène des entités toutes plus intrigantes les unes que les autres que le jeu tire son étrangeté. Le mystérieux répond constamment à l'appel, de quoi rappeler Lost pour les sériephiles. Le tout carbure à une mythologie bien fournie comprenant pour une bonne partie les diverses anomalies qui ne sont pas sans faire penser à l'extravagance de Control. L'univers est complet et vous réserve bien des surprises.
Un bouillon de nostalgie sans tomber dans le cliché

Le principe

Le brouillard peut vous jouer des pièges : les anomalies y sont très peu visibles.

Si Pacific Drive se voyait désosser de tous ses artifices, des piliers de jeu assez classiques seraient visibles. C'est l'éternel combo du loot, craft, survie auquel vous avez affaire. Mais heureusement, le titre parvient à aller bien au-delà de cette proposition. La simple boucle qui consiste à explorer pour trouver des ressources afin d'améliorer ses équipements pour aller ensuite explorer plus loin se voit affubler d'une superbe couche de gameplay à vous en faire oublier son squelette. Tout commence dans son garage. Celui-ci va rapidement devenir votre zone de confort, au point d'avoir parfois envie d'y rester pour écouter la musique – excellente bande-son encore une fois – passant à la radio. Entre vos sorties, vous allez pouvoir remettre votre véhicule en état. Prenez par exemple le pistolet de votre pompe à essence pour remplir le réservoir de votre voiture. Si vous manquez de pièces ou d'outils, un atelier est disponible pour fabriquer votre nécessaire. À vous maintenant de ramener à bout de bras cette porte qui va venir remplacer l'ancienne. Et ce n'est pas une raison pour entreposer le matériel obsolète au sol. Si votre équipement est trop fragile, vous avez toujours la possibilité de rechercher diverses améliorations. Il est aussi possible de personnaliser votre voiture avec les peintures, stickers et autres accessoires que vous avez pu ramasser sur votre chemin. Enfin, c'est aussi le bon moment pour vous plonger dans un peu de lecture en prenant compte de l'encyclopédie fournie en informations intéressantes. Vous allez notamment y apprendre à quoi correspond telle avarie sur un élément de votre moyen de locomotion. Une fois remis sur pied, il est temps de regarder la carte pour établir un nouvel itinéraire de sortie. Retournez dans votre voiture, et pied au plancher.

Votre activité principale est de partir en mission d'exploration, que ce soit au volant ou à pied. Tout d'abord pour récupérer du matériel, mais aussi pour effectuer les tâches qui vous sont confiées. Cet aspect donne lieu à une progression se rapprochant d'un système rogue-lite. Vous traversez différentes zones qui, même si elles restent les mêmes, vont être radicalement différentes en termes d'effets de zone, d'anomalies présentes et de facteurs météorologiques. Le plus important est de savoir que la prise de risque est récompensée. Le maître-mot est la vigilance constante puisque l'ennemi principal est l'environnement, et il sait être inattendu. Sachez qu'une seule de ses anomalies peut retourner complètement la situation en la faisant virer à la catastrophe. Certaines sont seulement des zones endommageant la voiture, d'autres des petites bestioles se jetant sur votre carrosserie pour surcharger votre batterie et vous faire perdre le contrôle. Vous allez passer beaucoup de temps à slalomer à vive allure entre une surface qui pourrait crever vos pneus et une créature qui pourrait vous tracter jusqu'à une zone où la gravité est réduite à zéro. Certaines anomalies peuvent cependant être bénéfiques, mais c'est à vous de le découvrir. De véritables leçons sont à apprendre des diverses rencontres puisqu'il est nécessaire de les connaître toutes pour mieux les appréhender par la suite. L'expérimentation a la part belle, et parfois l'unique solution est de foncer dans le tas pour comprendre ce qui se dresse devant vous. Rassurez-vous, le carnet de bord est assez complet pour ne pas vous perdre au milieu de toutes ses informations. Le jeu prend une toute autre dimension lorsque vous découvrez que les anomalies peuvent interagir entre elles, surtout quand c'est à votre avantage.
Parfois l'unique solution est de foncer dans le tas pour comprendre ce qui se dresse devant vous

La conduite

La voiture est remise à neuf. Il est temps de repartir !

Votre voiture est votre meilleure alliée, il va falloir la chérir. Elle vous permet de vous déplacer, vous protéger et stocker des ressources. Vous allez découvrir par la suite qu'elle a même plus d'un tour dans son sac grâce à différentes capacités. Cependant, c'est aussi votre deuxième pire ennemi. Votre maîtrise du véhicule va être mise à l'épreuve. Dans la panique, il ne faut pas oublier de désenclencher le frein à main après avoir tourné la clé, sous peine de faire du sur-place. Et il n'est plus qu'à espérer que votre réservoir ne soit pas vide et votre batterie pas en rade, puisque vous n'avez pas le temps de vous en occuper tout de suite. Vous allez devoir cibler avec votre curseur les différents éléments de contrôle dans votre habitacle. Ce n'est au premier abord qu'un détail, mais ces actions à effectuer manuellement apportent tout le sel des situations de tension franchement réussies. Chacune est lourde à effectuer : elle peut nécessiter un appui long d'une touche puis d'une animation qui peut prendre son temps. L'idée est judicieuse et fonctionne avec brio lorsque vous souhaitez vous enfuir dans la précipitation.

Un travail de détail est fait sur toute la mécanique automobile. En se gardant de s'éloigner du gameplay arcade, Pacific Drive apporte beaucoup d'éléments à prendre en compte sur la gestion de sa voiture. La mécanique est "lourde" d'utilisation, ajoutant un impact et une condition réelle au tas de ferraille auquel votre vie tient. Une bonne partie de vos ressources cérébrales vont être prises par ces éléments. Cette proposition de gameplay est d'autant virtuose qu'elle est superbement introduite. Pendant la première séquence, vous roulez à bord d'une voiture en parfait état sur une route goudronnée. Lorsque l'histoire commence et que vous êtes happé dans la Zone d'Exclusion Olympique, votre véhicule se casse. Seule solution : cette épave qui semble toujours fonctionnelle. Le bitume a maintenant laissé sa place à la boue. Peu à peu, le jeu intègre les différentes mécaniques : rouler hors de la route, allumer le moteur alors qu'une anomalie s'en prend à vous, effectuer la maintenance du véhicule.
Votre voiture est votre meilleure alliée, il va falloir la chérir

L’ambiance

Il y fait bon vivre parfois.

Si le gameplay automobile est parfaitement orchestré, c'est au niveau de l'ambiance que Ironwood Studios sait montrer son expertise. Jamais des séquences non scriptées n'ont autant donné une impression d'une mise en scène hollywoodienne, à en remercier les mécaniques des anomalies. La tension ambiante rappelle à s'y méprendre le cinéma de Spielberg, un des maîtres du genre. La sensation d'être insignifiant au milieu d'un monde qui nous dépasse à la façon de La Guerre des Mondes – où les engins extra-terrestres ne peuvent être vaincus, la seule solution est la fuite – est constante. Il est presque impossible de riposter face aux anomalies, et l'ultime recours est de se faire discret, ou dans le pire des cas prendre la fuite. C'est un sans-faute en termes d'ambiance puisque chaque recoin respire son univers. Pacific Drive inspire un stress maximal, notamment avec son sound design terrifiant. Heureusement, les moments de peur savent laisser place à des instants doux en vous laissant profiter des somptueux visuels. La colorimétrie et les jeux de lumière offrent de superbes scènes de jour comme de nuit. Un champ de blé sous une lumière dorée a rarement été aussi poétique au milieu d'un monde aussi étrange. Ce qui est certain, c'est que l'expérience est unique et l'immersion fonctionne du tonnerre.
La sensation d'être insignifiant au milieu d'un monde qui nous dépasse

Pour qui ?

Certaines rencontres ne présagent rien de bon.

À première vue, Pacific Drive peut faire peur. Beaucoup d'interfaces sont très chargées et donnent une impression de complexité. Cependant, cette sensation l'est beaucoup moins une fois le jeu pris en main. La quantité d'éléments à prendre en compte est introduite petit à petit. Et si la charge s'avère être trop lourde à encaisser sur le moment, le carnet de bord répertorie toutes les informations nécessaires. De quoi se faire un petit récapitulatif entre les sorties. Par ailleurs, il est aussi possible d'avoir des difficultés à suivre un dialogue non doublé en français pendant que vous conduisez – des discussions en anglais, à la façon d'un Grand Theft Auto, mais en plus abordable – mais il sera tout de même possible de les consulter a posteriori dans le carnet de bord encore une fois. Frileux d'interface bien fournies et anglophobes, n'ayez crainte puisqu'il vous est toujours laissé l'opportunité de rattraper une information manquée. Il est à noter qu'à l'instar de The Legend of Zelda : Breath of the Wild, ce fameux petit carnet vous permet d'être rempli au fil des rencontres avec les différents éléments qui composent le titre. À vous la collectionnite.

Pacific Drive propose une durée de vie conséquente. Il est probablement possible de parcourir l'aventure en ligne droite pour ne se contenter que de la trame principale, mais ce serait passer à côté du cœur de jeu. La contrainte de son esprit simili rogue-lite impose un certain rythme. Votre temps de jeu se retrouve alors découpé en sessions pendant lesquelles chaque sortie va vous imposer une durée. Abandonner en cours de route, et c'est votre progression qui est perdue. Cependant, ces séquences d'exploration peuvent très bien durer 20 minutes comme 1 heure. Il est finalement assez aisé d'être flexible en choisissant entre une sortie plus courte pour un jeu plus léger, ou plus longue pour un jeu plus intense.
Il vous est toujours laissé l'opportunité de rattraper une information manquée

L'anecdote

Plus que quelques mètres avant de rejoindre ce faisceau jaune qui vous rapatrie au garage.

C'est arrivé face à la station service, aux horizons d'une zone immensément peuplée d'anomalies, que j'ai décidé de m'y aventurer. L'objectif : récupérer le plus de matériel possible. Après avoir garé ma voiture sur le bas-côté et pénétré dans le bâtiment, je me rends compte que celui-ci est entouré de deux anomalies qui patrouillent. Redoublant de discrétion, je fais le tour sans trouver de quoi me satisfaire. Au moment de regagner mon véhicule, je presse le pas pour éviter une éventuelle rencontre. C'est à l'instant d'allumer le moteur qu'une de ces créatures se jette sur moi pour me happer en direction de la zone de danger. Seules quelques secondes me séparent de la zone à risque, juste assez pour voir le stress monter en moi et mes manœuvres échouer. En un rien de temps, je me retrouve enchaînant les tête-à-queue sans comprendre ce que je vois. Ce n'est qu'à l'arrêt que je me rends compte que je suis bel et bien au milieu d'une zone contaminée et encerclée d'anomalies toutes plus agressives les unes que les autres. De toutes mes forces, je presse l'accélérateur pour y échapper. La course-poursuite éclate, et me voilà à slalomer entre les obstacles et ces étrangetés qui se jettent sur mon pare-brise. C'est non sans mal que je regagne une zone de sécurité où le chaos laisse place au calme.
Des instants de jeu hollywoodiens
Les Plus
  • Des séquences de jeu non scriptées à la mise en scène hollywoodienne
  • Les anomalies et leur osmose
  • La voiture
  • Les musiques aux sonorités rock et synthwave
  • Des visuels très cinématographiques, un bel hommage au cinéma des 80s
  • Une mythologie profonde et mystérieuse
  • La courbe d'apprentissage qui réserve de belles surprises
Les Moins
  • Les visuels auraient mérité un mode photo
Résultat

Ironwood Studios est composé d'une équipe de talent, et ça se voit. La réalisation, aussi brillante qu'une carrosserie chromée, se prête à des situations de jeu hollywoodiennes. Pacific Drive est une juste balance entre tension et émerveillement. L'énorme travail orchestré sur les systèmes balaye totalement l'aspect bien connu de certaines mécaniques. Et sans aucun passif, le titre se veut déjà iconique avec notamment sa voiture dont la figurine pourrait avoir sa place à côté de ses semblables les plus cultes toutes droit sorties du cinéma des années 1980. L'ambiance est tellement réussie que vous aurez envie de lancer le jeu ne serait-ce que pour vous détendre dans votre garage à écouter la playlist rock et synthwave de la radio.

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