Test | Pandora Tomorrow
24 avr. 2004

Splinter Cell version 1.5

Testé par sur
Aussi disponible sur
Tom Clancy's Splinter Cell : Pandora Tomorrow
  • Éditeur Ubisoft
  • Développeur Ubisoft
  • Sortie initiale 1 avr. 2004
  • Genre First Person Shooter

Demain Pandore, c'est un bon jeu d'infiltration qui rabaisse Metal Gear Solid 2 au stade de gentil Pac-Man, comme le disent si bien les mauvaises langues. Comprendre : dans Pandora Tomorrow, on ne passe pas son temps à mater une petite carte minuscule qui affiche en haut de l'écran les cônes de vision bêtement restreints d'ennemis maniaco-compulsifs. Non, dans Pandora Tomorrow, on zieute en caméra libre (pas mal), on progresse lentement (souvent) et on meurt bêtement (beaucoup). Puis on recommence. C'est donc de l'infiltration, de la vraie infiltration, sans grosses explosions spectaculaires ni conversations philosophiques follement romanesques, ce qui, honnêtement, manque quand même un petit peu. Surtout pour une suite, d'excellente facture certes mais pas aussi léchée qu'on aurait pu l'espérer.

Ne passons pas à côté des choses simples

Fatalement, dès qu'on entame une partie de Demain Pandore, on ressent à la fois un étrange bonheur à réveiller des sensations enfouies depuis un bail et un petit pincement au coeur, en les retrouvant justement à l'identique. Au fond, Pandora Tomorrow pose la cruelle question de la suite avec son lot de questions métaphysiques : ceux qui ont raté le premier vont-ils être largués ? (Non) Ceux qui ont plié le premier dans tous les sens, une main dans le dos et les yeux bandés, vont-ils craquer à nouveau ? (Pas sûr) Et puis, est-ce vraiment une suite ? (Oui et non) C'est idiot ces histoires de suite, on se retrouve toujours à mater à la loupe la fiche technique, à regarder ce qu'il y a de nouveau, à compter les niveaux, les mouvements inédits, les améliorations du moteur physique, comme un mari jaloux le listing téléphonique du portable de sa femme. En fait, on oublie d'en profiter bêtement, primitivement pour ainsi dire, d'y jouer sans se demander si c'est neuf-neuf ou neuf-vieux, d'y jouer simplement, en y prenant du plaisir, sans se demander si ce plaisir est inédit ou nostalgique.

Que je t'aime

Dès qu'on balaye les suspicions mercantiles, une évidence s'impose : Sam Fisher nous manquait. Sa souplesse de gorille voûté quand il avance accroupi, le sifflement des lunettes de vision nocturne, la liberté et la souplesse de la caméra libre, la prise d'otages qu'on assome ensuite vilainement, les lampes à péter les unes après les autres pour plonger un couloir dans le noir, tout ça, ça manquait cruellement. Car depuis Splinter Cell, aucun bon jeu d'infiltration n'a réussi à s'imposer. Les rares tentatives étaient décevantes, comme ce Mission Impossible : Opération Surma, pas mauvais mais pas jubilatoire non plus, petit clone triste vite oublié. Alors ça fait du bien de retrouver ce gameplay solide et réussi. Bien sûr, il faut supporter les lenteurs inhérentes au genre : il faut aimer entendre dix fois les mêmes répliques de deux piétons balourds, parce qu'on est mort trente secondes après et qu'on se retape l'intégralité du script, la méchante punition. Il faut aimer les patrouilles mécaniques des gardes, détecter la lacune, jouer avec le décor pour les attirer ailleurs, avec une bouteille, une canette, une lampe explosée, un interrupteur activé, un distributeur fracassé ou un petit sifflotement innocent qui les met sur leurs gardes mais les attire inévitablement vers le petit trou noir d'un joli silencieux.

Des nouveautés, quand même

Très pratique, le sifflement rend presque le jeu trop facile. En s'y prenant bien, on peut attirer un unique garde à l'écart, loin des autres, et lui régler son compte d'une manchette bien placée ou d'un petit projectile en plomb. En comparaison, les autres nouveautés sont plus ou moins anecdotiques. Sam peut passer de l'autre côté d'une porte rapidement, quand il est adossé à la paroi ; là encore, c'est utile. Il peut aussi tirer alors qu'il est suspendu à un tuyau mais honnêtement on ne s'en sert jamais en solo. Et enfin, il est capable d'atteindre un rebord surélevé en faisant le grand écart, puis un dernier petit saut. C'est tout, et c'est un peu décevant même si sa palette d'actions était déjà considérable dans le premier opus. Pour être honnête, il faut aussi signaler un menu rapide de sélection des armes et des graphismes parfois améliorés, comme dans la jungle avec ces hautes herbes qui ondulent joliment, cachant malicieusement quelques mines rieuses. Ah, et les alertes sont mieux fichues ; à la première, les gardes enfilent un kevlar, à la seconde, un casque, à la troisième, hop, Game Over. Pour, le niveau d'alerte retombe quand on est redevenu discret. Contre, les niveaux zéro alerte sont encore nombreux. Et frustrants. Avec ça, c'est sûr, l'impression de jouer au premier épisode reste très présente. Ca peut révolter les anti-libéraux, mais objectivement, vu la qualité du précédent opus, ça n'est pas un si grand mal que ça.

Et des oublis, aussi

Plus gênant, les principales failles de Splinter Cell n'ont pas été corrigées, contrairement à ce que certains enthousiastes ont pu écrire ici ou là. Les niveaux sont toujours aussi linéaires et scriptés, au point qu'on se demande parfois où les développeurs veulent que l'on passe, au lieu de se frotter les mains en réfléchissant à la façon dont on veut franchir un obstacle. Ca manque souvent d'options donc, comme quand on voit cette bâche qui refuse obstinément de s'envoler pour envelopper des gardes trop curieux ; c'était pourtant possible sur le tanker de Metal Gear Solid 2. Au lieu de jubiler, très rapidement, comme un bon gros chien de Pavlov, on traque les petits détails : ici, une canalisation, là, une lampe près d'un ouvrier, plus loin, une grille à escalader... C'est décevant, ce syndrôme des portes fermées, des couloirs artificiellement bouchés, des ruelles bloquées, voire, plus finaud, des mitrailleuses fixes bloquant une rue ou un couloir. Et inutile de chercher à finasser : les scripts ne tolèrent qu'une faible liberté. La protection d'Ingrid dans l'avant-dernier niveau est à ce titre cauchemardesque. La brave petite dit exactement ce qu'il faut faire : passer à gauche et sniper les méchants. Et là, pas question de flinguer les lumières de son côté ou de passer à droite, ça ne marche pas. Enfin, si, mais on meurt...

Des hauts, des bas

Le level design est un peu paresseux ; ça manque de multipath tout ça. Sans compter que certains passages sont à pleurer, tellement ils sont mal faits ; je pense par exemple à la conversation de Sadono qu'on entend de vive voix mais qu'il faut quand même espionner sous peine de Game Over immédiat, en se tirant une caméra-glue dans le pied. Ou à ce bagagiste qui surveille un tapis roulant et qu'il faut électrocuter. Quand on le voit se tourner de côté la première fois on se dit, chouette, je passe ! et paf ! c'est là qu'il se retourne. Alerte. Game Over. Il fallait l'électrocuter on vous dit, pas passer en fourbe, ni essayer de péter son néon. C'est ballot, quand on ne sait pas, on se fait avoir une fois, deux fois... On recommence certains passages *vraiment* lourds entre quinze et vingt fois, et là, le moral en prend un coup. Surtout quand on a déjà fini Splinter Cell, qu'on a théoriquement son petit brevet d'espion, ses petites médailles de barbouze aguerri. Maintenant, à côté de ça, certaines situations sont vraiment excellentes. On joue à chat avec Sadono par exemple, dans un studio d'enregistrement, après l'avoir coursé sur six niveaux : terrible. Ou on active la visée thermique pour repérer les petits malins qui se sont injectés un vaccin, histoire de les flinguer en épargnant les civils au milieu desquels ils se sont glissés : très rigolo aussi. La vision thermique permet même de repérer une jambe de bois, un petit détail amusant également.

Investissement, sécurisation

Du coup, en solo, les impressions sont partagées pour ceux qui connaissent bien le premier Splinter Cell. Les niveaux ne sont pas toujours à la hauteur, le dirigisme énerve parfois. Mais bon, globalement, les quinze-vingt heures qu'on passe sur la campagne solo sont quand même défoulantes, il faut être aigri ou de mauvaise foi pour le nier. C'est sûr, pour une suite, Pandora Tomorrow aurait mérité un meilleur traitement ; surtout quand on voit de quelle façon le premier opus a renouvelé le genre par sa vraisemblance, son austérité parfois. Là, l'éditeur rentabilise, sans prise de risque, sans remise à plat du gameplay. Pas de multipath. Toujours des scripts. Seule l'histoire fait des progrès avec un contexte géopolitique moins touffu. Le scénario impose un héros original, protégé par les coups de fil qu'il passe tous les jours et sans lesquels un virus se propagerait sur le sol américain, situation très bien exploitée puisqu'il faut l'espionner longuement sans jamais l'abattre. Alors évidemment ça manque toujours de trahisons, de rebondissements, de déclarations d'amour passionnées, c'est pas un grand film d'action américain donc. C'est pas spectaculaire, c'est juste crédible. Et puis, quand même, un effort a été fait : à un moment, on peut tuer ou non un agent double. Mais ça méritait d'être mieux exploité.
Résultat

En fait, c'est du côté du multijoueur qu'il faut chercher l'innovation. Limité à quatre joueurs en Live, le multi propose des affrontements en vue subjective avec un armement puissant pour un camp, et en vue de dos avec l'avantage de la vitesse pour l'autre. Encore faut-il avoir le Xbox Live évidemment, mais quand c'est le cas ce mode rattrappe largement l'arrière goût un peu amer de la campagne solo. Tout le monde l'a rabâché mais c'est vrai, Pandora Tomorrow vaut vraiment le coup quand on pense y jouer en solo ET en multi ; autrement, à moins de découvrir la franchise, on peut légitimement hésiter à remettre 50 ou 60 € sur le tapis, même si on est très fan. C'est pas l'expérience inoubliable que tout joueur digne de ce nom se doit de vivre à un moment donné sous peine d'excommunion irrémédiable, c'est juste une bonne suite qui a le mauvais goût de ne pas innover et, pire encore, de ne rien changer à la recette initiale, efficace mais perfectible. Les retrouvailles sont agréables, on passe du bon temps ensemble mais au fond, ça manque un peu de conversation, au bout d'une petite dizaine d'heures émoustillantes, on n'a plus grand chose à se dire ; vivement une suite du coup, une vraie, qui remette une bonne claque dans la gueule comme le premier opus en son temps.

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