Test | Les Fourmis (2000)
20 juin 2000

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Les Fourmis (2000)

Neuf ans après Sim Ant de Maxis, Microïds revient à la charge avec l'appui scientifique du sieur Bernard Werber, auteur à succès -- mais non moins excellent -- d'une série de trois livres sur les fourmis. Les Fourmis, le jeu, est avant tout un soft orienté stratégie temps réel, transposé dans l'univers passionnant de l'empire myrmécéen. Le jeu en vaut-il la peine? Tout à fait, non sans quelques défauts.

Rien à faire, les jeux de stratégie en temps réel sont un genre qui s'épuise de plus en plus vite, et, malgré les succès phénoménaux de Starcraft et Brood War, on ne peut pas dire que ces derniers aient été franchement innovants d'une manière ou d'une autre, malgré leur aspect fun que nous ne nous permettrions pas de remettre en doute. Les Fourmis est donc une bouffée d'air frais dans un style de jeu qui commence lentement à sentir la naphtaline. Le jeu n'est cependant pas d'une nouveauté totale, car Maxis, les spécialistes des Sims en tout genre (Sim City, Sim Farm, Sim Life, Sim Ta Maman En Short, Sim Machin, Sim Truc ou, plus récemment, The Sims) avaient déjà produit leur mouture du simulateur de fourmilière : il s'agissait du vénérable Sim Ant, datant de 1991, un jeu hélas quelque peu occulté par la sortie de l'encore plus vénérable Civilization (mes deux premiers jeux PC, snif).

L'empire à nos pieds.

Pour l'avoir réessayé récemment, Sim Ant est toujours aussi fun, et malgré des graphismes franchement démodés il n'en reste pas moins encore un excellent jeu. Cela étant, il y avait encore de la place pour des innovations, ce à quoi Les Fourmis a relativement bien su pallier. Basé sur l'univers de Bernard Werber, le célèbre écrivain-journaliste scientifique, Les Fourmis ne se veut pas seulement un jeu à vocation ludique, mais aussi encyclopédique, car gorgé d'informations sur la vie de ces adorables petites bêtes, toutes espèces confondues : rousses fédératives, noires, naines, rouges, tisserandes, moissonneuses et tant d'autres. En l'occurrence, comme dans les romans de Werber (Les Fourmis, Le Jour des fourmis, la Révolution des fourmis), les héroïnes sont les fourmis rousses, espèce très largement répandue dans toute l'Europe et dont l'étude a prouvé qu'elles possèdent un niveau "technologique" particulièrement avancé pour de "bêtes" fourmis.

Formica rufa,

nom scientifique de la fourmi rousse fédérative ; que sont donc ces petites bêtes qui vivent par milliers, par millions, partout dans nos sous-sols, dans nos maisons, jardins et forêts? Plus qu'un bête insecte, les fourmis sont de très loin, avec les termites, les insectes sociaux les plus développés, sur beaucoup de plans. En nombre et en évolution tout d'abord : la population mondiale de fourmis, toutes espèces confondues, est estimée à quelques milliers de milliards, et le temps que vous lisiez ce paragraphe, quelque 700 millions d'entre elles seront nées de par le monde. Douées d'un système de communication olfactive très développé, les fourmis "discutent" entre elles par odeurs et qui sait de quoi elles pourraient bien "parler", hormis nourriture, combats et reproduction ; la question reste ouverte.

Il est costaud lulu.

Elles peuvent transporter 60 fois leur poids et ont dompté des formes vivantes telles que pucerons pour se nourrir, scarabées pour se déplacer par voie aérienne ou même des plantes carnivores pour se défendre. Inutile de s'étendre davantage sur des aspects scientifiques, les fourmis méritent largement notre intérêt plutôt qu'un coup de semelle ; il était temps qu'on sache enfin leur rendre hommage, tout d'abord par le biais de livres "populaires" à vocation didactique (comme ceux de Werber), et a fortiori par le biais d'un jeu vidéo dédié à un beaucoup plus large public que la littérature.

Le jeu.

Les Fourmis vous met donc aux commandes d'une fourmilière de rousses fédératives, avec pour mission les tâches que la reine Belo-kiu-kiuni -- une des héroïnes du premier tome écrit par Werber et reine-mère de la capitale de l'empire local -- voudra bien vous assigner. Cela pourra aller du contrôle "alimentaire" d'une zone à l'assaut d'une colonie de guêpes, via quelques missions "d'espionnage", ou encore à la défense contre les assauts d'une mante religieuse (ce superbe gros, gros insecte vert, carnivore et agressif qui bouffe à peu près tout ce qui bouge). Vos missions seront donc relativement diversifiées, nous y reviendrons.

Pas mal.

Sans être à la pointe des moteurs graphiques, on peut dire que celui des Fourmis n'est pas mauvais du tout, compte tenu de ce qu'on lui demande, même s'il n'est pas transcendant, voire même un peu simpliste. L'univers du jeu est en 3D totale, ce qui permet donc des mouvements de caméra libres. Vous pouvez tourner, zoomer et bouger dans les zones où vous évoluerez, que vous soyez sur ou sous terre. L'environnement est riche d'arbres, fleurs, petites mares, ruisseaux, débris organiques (nourriture potentielle) ou formes vivantes (agressives ou non), et paraît vivant et réaliste. Vous rencontrerez limaces, chenilles, papillons et autres insectes inoffensifs, mais aussi coccinelles et mantes religieuses qui n'auront pour autre but que d'essayer, en gros, de vous bouffer.

Vivant.

Les bestioles ne sont pas toutes très réussies graphiquement, et les plus ratées sont sans doute vos fourmis, qui, bien qu'en 3D (pas de sprites), manquent cruellement de détails et d'animations. Excepté le mouvement des pattes quand elles se déplacent, bien peu de choses viennent agrémenter leurs actions. Une fourmi artilleuse, en réalité, fait par exemple passer son abdomen sous son corps pour faire gicler son acide vers l'avant ; rien de tout ça n'apparaît effectivement à l'écran, et de maigres points blancs émanent de vos artilleuses lorsqu'elles s'attaquent à l'ennemi, sans autre fioriture graphique. Mais, comme dit plus haut, l'aspect vivant du jeu frappe l'esprit quand on le découvre pour la première fois. Les zones où vous évoluez sont parsemées de fleurs diverses et d'herbages plus ou moins touffus, sans oublier de petits ruisseaux qui s'assèchent et se remplissent selon les saisons, vous permettant de les traverser si besoin est.

Bucolique...

Le tout est très bien rendu et donne au jeu exactement l'ambiance dont il avait besoin. Des insectes volants ne manqueront pas de passer au-dessus de vos antennes, et vous croiserez parfois le chemin d'une chenille. La diversité de la faune rencontrée est tout aussi intéressante, avec gendarmes (aussi connus sous le nom de soldats, vous savez ces petits insectes d'un centimètre environ, joliment ornés de motifs noirs sur fond rouge qu'on rencontre un peu partout, mais particulièrement dans les espaces verts ou en forêt), papillons divers, coccinelles ou autres coléoptères.

Bzzz.

Bref, côté ambiance visuelle, le tout est très agréable ; dommage cependant que la faune que vous contrôlez, combattez ou observez soit paradoxalement nettement moins détaillée que la flore ambiante. Toujours est-il que ceci ne serait pas grand chose sans le son. Là, rien à dire, l'ambiance sonore de Les Fourmis est particulièrement réussie. Les sons ambiants, couplés aux graphismes évoqués tout à l'heure, donnent au joueur "l'impression d'y être". Les oiseaux, grillons et criquets chantent, les insectes volants font bzzz, on entend le tapotement des pattes des insectes rampants, l'eau couler, le tout étant bien sûr d'excellente qualité (sans grésillement, sans parasite, sans friture). Du côté de vos fourmis, elles travaillent dur et on entend le cliquetis de leurs mandibules lorsqu'elles récoltent de la nourriture ou des matériaux de construction pour l'intérieur de votre fourmilière.

Paf dzim boum.

Les bruits des combats ne sont en revanche pas du tout réalistes, en comparaison un combat entre deux fourmis ne fait évidemment presque pas de bruit. Votre reine meurt dans un cri déchirant qui est plutôt celui d'une humaine que d'un animal, et c'est d'autant plus saugrenu lorsqu'on sait qu'aucune fourmi n'a de moyen de produire un quelconque son vocal. Lorsque vous sélectionnez un groupe de soldates, elles réagissent aussi par différents couinements totalement surréalistes, mais qu'à cela ne tienne, il fallait de toute manière quelque chose pour montrer qu'elles sont bien sélectionnées. Pas réalistes, ces sons sont simplement utiles, il fallait le préciser. Enfin le jeu bénéficie aussi d'une musique d'excellente facture, de qualité presque cinématographique, et on pense tout de suite à Total Annihilation dont la musique était indéniablement une des meilleures du genre.

Pas simple.

Ce sont donc des airs de type philharmonique qui vous accompagneront au cours des onze missions que vous devrez accomplir (sans compter le mode escarmouche), et cela apporte au jeu une dimension un peu épique qui renforce encore plus l'ambiance déjà suffisamment bonne. En revanche, gros point noir du jeu, qui était aussi celui de Sim Ant, la prise en main est loin d'être évidente si on ne lit pas le mode d'emploi fort complet, contrairement à un Starcraft dont la prise en main est quasi-instantanée et horriblement facile. Si vous entreprenez de ne pas lire le mode d'emploi, il faudra vous attendre à une ou deux défaites avant de commencer à maîtriser les subtilités de l'interface, pas si subtiles que ça au demeurant car supposées vous permettre de contrôler la production de fourmis, de déterminer l'occupation de vos ouvrières (entretenir les salles de la fourmilière, récolter de la nourriture, s'occuper de la reine, etc.).

La fourmilière.

Quand il s'agit de déplacer vos bataillons de soldates, la tâche est fort simple à accomplir, car il suffit de cliquer avec le bouton gauche pour leur dire où aller. Diverses icônes en bas de l'écran vous permettent de fusionner des groupes de soldates, d'en faire une armée, de diviser cette même armée, ou encore de faire rentrer vos soldates en mode "panique meurtrière" qui les rend beaucoup plus dangereuses mais les fait mourir après un court laps de temps. La gestion des salles de votre sous-sol n'est pas non plus aisée, et vous aurez du mal au début à déterminer ce qu'il faut ou ne faut pas immédiatement construire. L'opportunité de l'utilisation des entrepôts est par exemple évidente, alors que d'autres le sont moins. Vos fourmis semblent aussi parfois récalcitrantes à accomplir certaines tâches, malgré les ordres que vous leur donnez via le menu prévu à cet effet.

Dur dur...

Il devient donc très vite difficile de coupler entretien de votre fourmilière avec les aspects strictement militaires du jeu, pourtant largement dominants dans les missions que vous aurez à accomplir. D'une part il faut construire des nourrices, des constructrices, des cultivatrices pour accomplir les différentes tâches dans votre antre sous-terrain (nourrir les larves, entretenir les salles et les couloirs ou encore s'occuper des champignons que vous cultiverez à partir d'un certain stade). A cela s'ajoute la production obligatoire de grands nombres de soldates de différents types ; tout ceci n'est au final pas très facile à réaliser de concert et rend le jeu d'autant plus difficile, d'autant que vos ennemis sont en général organisés en début de mission et ne vous laissent pas beaucoup de répit avant de vous attaquer. Vous affronterez donc, en bonne fourmi, toutes sortes d'insectes. Il s'agira principalement de guêpes, d'abeilles et de fourmis rouges, naines, ou même esclavagistes (oui, ça existe aussi dans la réalité).

Paravespula vulgaris.

Il vous suffira le plus souvent de vous en défendre, mais vous devrez parfois infiltrer leur colonie, ou simplement les anéantir ; quoi qu'il en soit, ce sera rarement facile, pour les raisons évoquées plus haut. En revanche, malgré une apparente bonne diversité des objectifs qui vous sont donnés, la manière de vous organiser de mission en mission sera toujours la même : 1) produire des nourrices/constructrices 2) quelques soldates 3) d'autres nourrices/constructrices 4) agrandir votre fourmilière 5) produire vos meilleures soldates en masse 6) tout balancer à l'ennemi pour être sûr de gagner, quels que soient vos objectifs. A une exception près, certaines missions vous demandant en effet simplement de contrôler un certain nombre de zones de ressources (nourriture ou matériaux). Dernière information à propos du jeu proprement dit : la nourriture sert à produire des fourmis (travailleuses ou soldates), et les matériaux à construire des salles pour votre fourmilière.
Les Plus
  • C'est relaxant, c'est cool, ça change
  • L'ambiance graphico-sonore
  • Pas trop facile
  • Les aspects didactiques
Les Moins
  • Répétitif
  • Prise en main peu évidente
  • Peut-être un poil trop difficile
Résultat

donc, Les Fourmis s'avère être un relativement bon jeu, péchant toutefois par une prise en main pas forcément évidente au premier abord, et une certaine répétitivité qui pourra lasser certains. L'ambiance du jeu est en revanche non seulement très réaliste, mais aussi très relaxante, malgré le stress occasionné par la véritable épée de Damoclès qu'est la présence des ennemis sur la carte. Qu'à cela ne tienne, le bruit des oiseaux et des insectes vous changera des mitrailleuses ou des infects gargouillements des Zergs, et Les Fourmis saura, nonobstant ses quelques défauts, vous délecter par une bonne grosse bouffée d'air frais et forestier. Ce uniquement si vous savez apprécier les qualités de cet air ainsi que l'univers du «pas-grand». Enfin, "l'encyclopédie" fournie avec le jeu regorge d'informations sur ces petites bêtes, ce qui est profitable à lire si vous ne les connaissez pas déjà.

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