Test | Command & Conquer : Tiberian Sun
09 nov. 1999

Une suite un peu à la traîne

Testé par sur
Command & Conquer : Tiberian Sun

Kane est de retour, et il n'est pas content. Encore une fois, le GDI et le NOD vont pouvoir se mettre sur la tronche grâce à ce nouvel épisode de Command & Conquer 2: Tiberian Sun. Pourvu de nombreuses améliorations par rapport au premier opus, le petit dernier de Westwood est toutefois bien plus proche d'une simple évolution que d'une révolution, et en souffre énormément. À l'époque d'Age of Empires 2 : The Age of Kings et de Homeworld, le très ancien concept de Command & Conquer a bien du mal à trouver sa place.

L'histoire continue

Longtemps attendu par certains, laissant d'autres complètement indifférents, la suite de Command & Conquer n'a clairement pas rendu les joueurs complètement hystériques dans l'espoir de mettre leurs petites mains sales dessus. Forcément, si le premier épisode était excellent à sa sortie, l'ombrage fait par Warcraft 2 sorti peu après, ajouté à l'absence totale de créativité de la part de Westwood (Red Alert, Command & Conquer Gold, le double foirage de la suite du génialissime Lands of Lore) ont quelque peu terni l'image de l'ancienne petite boîte qui monte. En fait, on avait même plutôt l'impression que Westwood s'était fortement engagé sur la pente descendante. Quoi qu'il en soit, quatre ans après C&C : Tiberian Dawn, la suite est enfin là, annoncée comme une évolution majeure aussi bien dans la série C&C que pour les jeux de stratégie temps-réel en général. Blabla trucmuche, le baratin marketing habituel en somme. C'est donc dans une indifférence toute relative, en n'en attendant rien mais en espérant tout de même qu'il soit le mieux possible, que le jeu peut enfin être testé et qu'un verdict peut être donné. Et là, les choses se compliquent. L'indifférence disparait pour être remplacée par... par quoi au fait? En voilà une bonne question, plus qu'à y trouver une réponse.

Au commencement était l'aube

La suite débarque, mais y a-t-il du monde pour l'attendre ?

Tiberian Sun est donc la "vraie" suite de Command & Conquer : Tiberian Dawn. "Vraie" puisque Red Alert sorti entre-temps, bien que faisant officiellement partie de la série, n'était qu'une resucée de Tiberian Dawn dans un univers différent. Tiberian Sun (TS) quant à lui, se situe dans le même univers que le premier jeu, quelques années plus tard. Le Tiberium, substance extra-terrestre d'origine inconnue, s'est répandu sur toute la surface de la planète, déposant ses cristaux hautement énergétiques un peu partout. Le Global Defense Initiative (GDI, les gentils petits gars de l'armée US, car les petits gars de l'armée US sont toujours gentils) et les restes de la confrérie du NOD (les vilains méchants pas beaux sortis d'on ne sait où) se battant toujours pour s'éliminer mutuellement. Kane, le leader du NOD dans Tiberian Dawn et considéré comme un dieu par ses disciples, a été tué dans la destruction de son Temple et un agent du GDI, le Général Hassan, a été placé à la tête de la confrérie pour en contrôler les agissements.

"Oh my god! They've killed Hassan!"

NOD lives... again.

Telle est du moins la situation pendant les premières secondes de l'introduction de TS. Rapidement, Hassan se fait éliminer par le commandant Slavik aidé par sa charmante assistante, et le GDI sollicite les services du commandant Michael McNeil pour l'éliminer à son tour. Ce sont ces deux personnages dont vous revêtrez le rôle selon le camp que vous choisirez. Si l'histoire ressemble jusqu'à présent à un bête "gentils contre méchants", c'est normal, ce n'est encore que la surface (les choses seraient trop simples sinon). Kane étant plutôt en forme pour un mort, il réapparait aux commandes du NOD, en ayant fait quelques découvertes très intéressantes liées aux origines du Tiberium et à de sombres histoires de mutation. De plus, un troisième 'camp' fait son apparition sous la forme des Oubliés. Des humains exilés depuis fort longtemps, eux aussi de retour et eux aussi liés étrangement au Tiberium. Du coup, la bête histoire des gentils contre les méchants devient un véritable scénario avec ses questions et ses rebondissements. Comment Kane a-t-il survécu? Qui sont vraiment les Oubliés? Quel est le secret du Tiberium? Le GDI et le NOD vont-ils fusionner pour former le GOD et diriger le monde? Kane est-il le fils caché de Kojak? Et surtout, le Tiberium peut-il se fumer? Telles sont les questions vitale auxquelles il va falloir répondre.

Eh oui, Kane est de retour.

Comme dans Command & Conquer premier du nom, les réponses en question (désolé) sont apportées au travers de scènes cinématiques qui séparent chaque mission. Mais là où les vidéos de Tiberian Dawn étaient plutôt comparables à un équivalent filmé des scènes intermédiaires de Wing Commander 2 (un gogo devant une caméra qui raconte sa vie), celles de TS sont plutôt du gabarit de Wing Co 3 à 5, nettement plus proches d'un véritable film. On en arrive à se demander si on ne va pas se retrouver de la même manière avec Command & Conquer : le film. Côté acteurs, un seul est de retour de l'ancienne équipe : Kane bien évidemment, toujours joué par Joe Kucan (qui a au passage gagné des galons dans la hiérarchie de Westwood). Du côté des nouvelles têtes, à nouveau à la manière de Wing Commander, Westwood s'est rapproché de l'industrie du cinéma en faisant appel à des acteurs d'Hollywood. Citons en particulier James Earl Jones (qu'on ne présente plus) dans le rôle du Général Solomon, aux commandes du GDI, ou encore Michael Biehn, habitué aux rôles de gentils et courageux soldats (Terminator, Aliens, Rock) et qui se retrouve, Ô surprise, dans le rôle du gentil et courageux McNeil. Sortira-t-il vivant de l'histoire au contraire des films? Encore une question à ajouter à la liste. Dans un tout autre registre, Oxanna, l'assistante de Slavik est jouée par Sarah Buxton, qui joue une garce dans la série Sunset Beach (un tout autre registre j'ai dis) et qui est bien évidemment une garce dans Tiberian Sun.

Après le casting, le tournage

Des acteurs récupérés d'un peu partout avec des rôles qui correspondent globalement à l'image donnée par leurs rôles 'habituels', un scénario assez tortueux pour être intéressant et un univers qui a déjà fait de nombreux adeptes (notamment grâce au style sadique, sanglant, sans remords, bref jouissif, du NOD), Tiberian Sun dispose déjà de sérieux atouts pour ceux qui aiment particulièrement les scènes cinématiques dans les jeux. Un petit point négatif (ou gros, ça dépend des personnes) vient cependant se glisser là-dedans, car si le jeu des acteurs est correct la plupart du temps (correct sans plus, à de nombreux moments, ça rappelle plus une mauvaise série B qu'un film), le doublage en français est, comme à son habitude, complètement plat. L'impression que les doubleurs se sont emmerdés pendant l'enregistrement transpire tellement à travers les voix qu'on a mal pour eux. Mais bon, c'est un problème tellement courant avec les VF, jeux comme films, que le seul conseil qu'on puisse donner est toujours le même : si l'anglais ne vous pose pas de problème, fuyez les VF et foncez sur les VO.

Oui, il y a aussi un jeu dans ce jeu.

C'est bien gentil toutes ces vidéos intermédiaires, mais si c'est tout ce qui constitue le jeu, autant le sortir chez Cryo. Heureusement, c'est loin d'être le cas. Malheureusement, pour ceux qui espéraient que Tiberian Sun soit une révolution, c'est raté puisqu'il s'agit tout au plus d'une simple évolution. Westwood a appliqué à la lettre la formule "on ne change pas une recette qui marche", pour le meilleur mais (surtout) aussi pour le pire. Le joueur de Command & Conquer 1 ne sera pas dépaysé, l'interface qui a été trainée de Dune 2 à Tiberian Dawn puis à Red Alert est encore et toujours là. On aurait pu espérer que Westwood ferait preuve d'un minimum d'imagination à ce niveau-là, Dune 2 remonte à 93 tout de même. Même système de panneau de contrôle sur la droite de l'écran, mini-carte en haut, construction en-dessous, toujours sur deux colonnes, bâtiments à gauche et unités à droite. L'écran de jeu lui-même est passé d'une vue du dessus à un vue inclinée à 45 degrés, et si le style graphique est clairement similaire au précédent volet, le système d'affichage est lui complètement différent. Le terrain et les unités ne sont ni en 2D (à la Starcraft) ni en 3D (à la Total Annihilation), mais en Voxel.

Dessine-moi un Voxel

Ce procédé consiste en gros à utiliser plusieurs images 2D pour simuler un objet 3D, alliant le réalisme de la 3D à la rapidité de la 2D. Ainsi, le terrain est composé de 11 couches différentes, ce qui laisse de la marge pour toutes sortes d'interactions, comme des cratères creusés par des explosions, des ponts pouvant être détruits, des ombres du décor pouvant dissimuler des unités, des tunnels allant d'un bout à l'autre de la carte ou tout simplement des modifications sur la vitesse de déplacement des troupes dans les pentes. Côté unités, le Voxel permet de leur faire faire des mouvements typiques d'unités 3D (style TA), avec certes un peu moins de réalisme (mouvements moins fluides), mais aussi moins d'utilisation du processeur. Elles tournent, s'inclinent et s'animent de manière tout à fait correcte, exception faite des plus petites unités, l'infanterie en particulier. Le Voxel n'a pas vraiment été prévu pour de petits objets, et on comprend vite pourquoi en voyant certaines de ces unités, au mieux bien moins réussies que les plus grosses et au pire carrément ridicules. Toujours dans le domaine du graphiquement ridicule, il faut mentionner le Tiberium lui-même. Désormais décliné en deux versions (vert et bleu), il apparait à l'écran comme une espèce de masse de pixels digne des jeux en 16 couleurs. Si les petites unités peuvent paraitre moches, ce n'est rien en comparaison de ça. Mais ne soyons pas non plus trop négatifs, si le niveau graphique du jeu est assez bas dans les domaines évoqués, il est globalement meilleur que dans Red Alert. Après tout, si le Voxel a ses faiblesses, il permet tout de même d'allier la rapidité d'animation de la 2D au réalisme de la 3D.

Quoi de neuf docteur ?

Le bleu est une couleur douce et apaisante. Et explosive.

Si l'utilisation du Voxel représente la principale (pour en pas dire la seule) évolution technique, il y a bien entendu toute une série d'évolutions dans le jeu lui-même, à commencer par le Tiberium. S'il se récolte toujours de la même manière (une moissonneuse laboure le champ et va tout déposer dans une raffinerie qui convertit le tout en crédit, système à nouveau trainé depuis Dune 2), le minerai se décline désormais en deux versions, comme indiqué plus haut. Quelle différence entre le Tiberium vert et le Tiberium bleu? Simple, le bleu est explosif. Si vous avez une moissonneuse remplie de Tiberium bleu, évitez de vous la faire détruire au milieu de votre base, vous le regretteriez. Inversement, si vous êtes en visite (discrète ou non) dans une base adverse et qu'une moissonneuse semble bien remplie, la détruire pourrait faciliter le nettoyage, à moins que vous ne préferiez envoyer vos propres moissonneuses en cadeau surprise. Toujours dans le domaine du Tiberium, le minerai ne se contente plus d'endommager vos unités humaines, mais les transforme aussi en espèces de blobs qui se mettent à attaquer tout ce qui passe aux alentours. De même, des petits parasites occupent parfois les champs et attaquent eux aussi les visiteurs malheureux. Enfin, un troisième type de minerai est parfois présent, de couleur dorée et occupé par un croisement entre les vers de sable de Dune 2 et le Sarlacc de Star Wars. Cette bestiole se cache sous terre, augmente progressivement la taille du champ, attaque ce que vous lui envoyez et envoie des nuages toxiques. Rien que ça.

"Couvrez-moi pendant que je tire mon cable !"

Avec tout ça, on n'a pas encore parlé de la première évolution de tout jeu de stratégie qui se respecte : les nouvelles unités. Si Tiberian Sun n'a pas un très grand nombre d'unités au total (à peu près une dizaine pour chaque camp), il a tout de même quelques originalités, ou du moins quelques unités peu courantes. La plupart ont été récupérées de Dune 2 (sonic tank, buggy) et surtout de Tiberian Dawn (infanterie, ingénieur, tank, ...) mais les nouvelles marquent bien leur présence. Le NOD dispose de deux unités se déplaçant sous terre, un transporteur d'infanterie et un lance-flammes. Un espion caméléon invisible en mouvement et capable d'infiltrer les structures ennemies est aussi présent, ainsi qu'une tondeuse, non à gazon mais à Tiberium, qui peut notamment nettoyer les champs de Tiberium orange (cf plus haut) et charger sa cargaison dans un bâtiment qui fabriquera des missiles chimiques. Enfin, une unité spéciale fait son apparition sous la douce appellation de Commando Cyborg. Ce produit des expérimentations de Kane avec le Tiberium dispose d'une énorme puissance de feu alliée à une grande capacité de discrétion. À lui seul, un Commando Cyborg peut raser une base si elle n'est pas suffisamment défendue.

Le GDI contre-attaque

Un gros engin qui décharge plein de petits soldats, de quoi exciter notre rédac'chef.

Côté GDI, les unités sont plus classiques, les nouvelles unités étant une infanterie volante et deux unités aquatiques, transport d'infanterie et lance-missiles (qui a parlé d'unités-miroir?). Tout comme le NOD, une unité hyper-puissante-de-la-mort-qui-tue est disponible, avec un rôle identique mais une approche opposée. Le Mammoth Mark II est comme son nom l'indique une évolution du Mammoth Tank de Tiberian Dawn. Il s'agit en fait d'un croisement entre ce tank déjà balèse et un AT-AT (les quadripodes impériaux de Star Wars pour ceux qui ont hiberné pendant les 30 dernières années). Tout comme le Commando Cyborg, cette unité est particulièrement puissante, mais là ou le Cyborg est petit, rapide et relativement discret, le Mammoth donne un nouveau sens à l'expression 'un éléphant dans un magasin de porcelaine'. Il est gros, lent, mais particulièrement résistant. Mieux vaut avoir des bombardiers en support pour s'en débarrasser rapidement. Enfin, des attaques spéciales sont aussi présentes pour égayer l'ensemble (missile chimique, traqueur chasseur qui détruit instantanément une unité ennemie, quelle qu'elle soit).

Construisons, bâtissons

En hiver, rien de tel qu'un bon réacteur pour se réchauffer.

Toutes ces unités sont évidemment produites par des bâtiments, mais sur ce plan-là, il n'y a rien de spécial à mentionner tellement ils sont habituels et similaires. Des générateurs d'énergie, des défenses contre le sol et/ou l'air, l'éternelle raffinerie de Tiberium et ses silos, un bâtiment pour l'infanterie, un pour les véhicules, un pour les unités aériennes, et une pincée de bâtiments ne servant qu'à accéder à de nouvelles technologies. Au niveau des différences, si le NOD dispose de différents modèles de canons (lasers contre le sol et missiles contre l'air), le GDI de son côté doit d'abord construire un socle, et ensuite y ajouter au choix un canon sol-sol ou sol-air. Ça à l'air d'une différence bidon et pourtant ça peut se révéler pratique dans les parties, les socles pouvant être placés rapidement et pour pas cher tout autour de la base, et équipés des canons appropriés au dernier moment (ceux-ci se construisant du coup beaucoup plus vite). Le même système est utilisé pour les générateurs d'énergies, ceux du GDI pouvant se voir ajouter jusqu'à trois petits composants augmentant la capacité. Mais le NOD aussi a ses spécialités, comme par exemple le générateur furtif permettant de dissimuler tout ou partie de la base (ça rappelle quelquechose) et forçant l'adversaire à amener un radar mobile (lent et peu solide) avec ses troupes.

Certaines unités sont hybrides. Ici, un croisement entre un AT-ST et Pinocchio.

Le GDI et le NOD ont des unités et bâtiments globalement similaires (et totalement identiques pour une bonne partie), cependant on ne se retrouve pas pour autant dans une situation ou un camp est le miroir de l'autre. Les différences, même si elles ne sont pas aussi nombreuses et radicales que dans un Starcraft, donnent malgré tout un éventail de possibilités nettement plus étendu que dans Tiberian Dawn. Les possibilités de déplacement sous terre ou par voie maritime, les unités et armes spéciales et la somme de toutes les différences à première vue mineures (générateurs d'énergie, canons, Cyborg vs Mammoth, ...), tout ça permet au final d'avoir le choix entre de nombreuses tactiques, certes basées sur le même petit ensemble d'unités, mais bien différentes malgré tout. Un bon paquet de ces possibilités est dévoilé progressivement au travers des deux campagnes du jeu (une cinquantaine de missions au total), qui ajoutent au fur et à mesure de nouvelles unités aux troupes du joueur, mais la découverte de toutes les ressources du jeu repose principalement sur les parties à plusieurs, comme c'est toujours le cas pour les jeux de stratégie en temps-réel.

Le bon air de la campagne

Le briefing et le territoire de chaque mission s'affiche ici.

Les missions sont généralement assez variées, allant de l'exploration à la destruction massive en passant par l'infiltration, le sauvetage ou encore la mise hors-service de certains bâtiments. Encore une petite évolution de Tiberian Sun (il n'y a que ça décidément), de nombreuses missions se composent en fait de deux missions : une de préparation (blocage de l'arrivée de renforts, destruction de radars pour faciliter l'attaque) et une avec l'objectif final. Le joueur peut choisir de jouer les deux missions, la première facilitant la réussite de la deuxième, ou ne jouer que la deuxième, qui se trouve du coup plus difficile. Si ce dernier choix diminue considérablement le nombre de missions jouées s'il est fait à répétition, il a du moins le mérite de pouvoir varier le challenge lorsqu'on recommence une campagne après l'avoir terminée. Il faut aussi ajouter à ça le système déjà utilisé depuis Dune 2 (encore un), consistant à donner le choix au joueur entre plusieurs territoires à attaquer, avec une mission différente pour chaque, mais ne permettant pas de jouer aux autres missions sans recommencer le jeu (ou en récupérant une sauvegarde et en choisissant un autre territoire). Recette qui a fait ses preuves puisqu'elle permet de rejouer les campagnes plusieurs fois sans jouer les mêmes missions à chaque fois, augmentant du coup la durée de vie du jeu en solo.

Plus on est de fous, plus on latte

Enfin, l'option multijoueur n'est pas en reste. Tous les modes de connexion habituels sont supportés (IPX, modem, série, Internet via Westwood Chat) et peuvent accueillir jusqu'à 8 joueurs. 25 cartes sont disponibles ainsi qu'un générateur de cartes aléatoires permettant de choisir la fréquence des pentes, collines, champs de Tiberium, etc. Non, il n'y a pas d'éditeur de cartes, oui 25 c'est peu, non il n'y a pas encore d'éditeur développé par des fans externes à Westwood comme ça a pu être le cas pour d'autres jeux. On peut régler de nombreux paramètres, tels que l'activation du Fog of War, les ponts destructibles ou non (réparables par un ingénieur si un local de réparation est à côté du pont, ce qui n'est pas toujours le cas), le niveau technologique maximum, la difficulté, ou encore le nombre de joueurs micro (ils jouent les uns contre les autres). Les alliances entre joueurs sont bien sûr supportées. Il y a donc suffisamment d'options pour donner de quoi faire lors des parties multi-joueurs, mais quelques problèmes viennent noircir le tableau. Les cartes générées aléatoirement sont souvent déséquilibrées (un problème qui touche aussi Age of Empire 2) et une version réduite de la carte est toujours visible par les joueurs avant de lancer la partie, sans possibilité de la faire disparaitre. La surprise de la découverte du terrain qui est l'un des atouts majeurs de la génération aléatoire est donc totalement éliminée. Ça ne gâche pas tout, mais il aurait été facile pour Westwood de l'éviter.

Le vert se mélange au bleu, le bon se mélange au mauvais. Coïncidence ?

Ça à l'air bien ? Tiberian Sun à l'air d'être le meilleur RTS de tous les temps ? Ben non malheureusement, j'ai gardé le pire pour la fin, en version concentrée. Par où commencer... Tiens, par le début pour changer. L'interface.
Comme précisé au début de ce test, Westwood a repris intégralement l'interface de Command & Conquer premier du nom. Rien n'a bougé, si ce n'est l'apparition du système de waypoints, ce dernier étant loin d'être parfait. Certes, il permet de définir une trajectoire bien précise. Certes, en un clic de souris, on peut envoyer ses unités sur ce trajet. Seulement voilà, elles ont tendance à ne pas réagir si elles se font attaquer (pas pratique pour patrouiller) et impossible de leur dire de parcourir un circuit en boucle. Les waypoints ne servent que pour aller d'un point A à un point B en espérant ne pas être interrompu en cours de route. Mais ce n'est encore qu'une goutte d'eau comparé aux autres lourdeurs de l'interface.

Une interface préhistorique

Car si on s'y retrouve facilement vu sa ressemblance avec celle de Tiberian Dawn (et pour cause), cette interface à 4 ans! Ou plutôt 6 puisque déjà Dune 2 utilisait une interface similaire. On ne compte pas le nombre de jeux de stratégie temps-réel disposant d'une meilleure interface, plus ergonomique et surtout permettant plus d'actions sans devenir lourdes. Le système utilisé par Westwood depuis Dune 2, le seul qu'ils aient jamais réussi à faire, est un modèle de lourdeur. Aligner tous les bâtiments disponibles sur une colonne et toutes les unités sur une autre, ok c'est simple, mais quand il y en a beaucoup, on passe son temps à faire scroller la liste pour choisir ses constructions. Et encore, pas besoin qu'ils soient très nombreux, après tout Tiberian Sun n'en a pas tant que ça, et on passe déjà notre temps à faire défiler la liste. Ajoutez à ça que l'ordre d'apparition des icônes n'est pas toujours le même mais dépend de l'ordre dans lequel les constructions correspondantes deviennent accessibles, et vous pouvez oublier l'argument comme quoi on peut rapidement sélectionner un bâtiment quand on est habitué à son emplacement dans la liste. S'obstiner à conserver cette interface antédéluvienne est une énorme erreur de designing qui gêne beaucoup Tiberian Sun, pour peu qu'on ait goûté aux interfaces "récentes" (Starcraft/TA en tête). Erreur de designing qui ne vient pas seule d'ailleurs.

Plus bas, toujours plus bas

Infestation de termites ? Une seule solution : tout brûler.

Toujours lié à l'interface mais aussi au désir de Westwood d'éviter de tomber dans le bourrinage excessif de Red Alert (des tanks, des tanks et rien que des tanks), plusieurs couches de limites ont été fixées dans le jeu. Tout d'abord la moins gênante, les deux unités les plus puissantes du jeu, le Mammoth Mark II (GDI) et le Commando Cyborg (NOD) ne peuvent exister qu'en un seul exemplaire. Il faut donc attendre qu'elles soient détruites pour pouvoir en faire une autre. But de la manoeuvre, éviter de se retrouver avec des armées de Commandos Cyborgs impossibles à stopper. L'intention est louable, mais la mesure est un poil excessive. Puisqu'on ne peut aussi avoir qu'un seul missile, traqueur chasseur et autres à la fois, on se retrouve dans une situation où les parties reposent principalement sur des unités pouvant être construites en masse.

Une jeep prise pour cible par 30 unités. Paix à son âme.

Ah mais Westwood a pensé à ça aussi et a mis une limitation supplémentaire. Pas plus de 5 constructions ne peuvent être lancées par bâtiment. Donc on peut au maximum construire simultanément une chaîne de 5 unités d'infanterie, une autre de 5 véhicules terrestres/souterrains/aquatiques et encore une de 5 unités aériennes. Contourner la limite en construisant plusieurs bâtiments de construction? Oui c'est logique. Non ça ne marche pas. Vous pouvez avoir 50 Barracks, il sera quand même impossible de chaîner plus de 5 unités d'infanterie. Pire encore, toutes les unités construites sortent du même bâtiment. La seule chose à laquelle peuvent servir des bâtiments supplémentaires, c'est pour déplacer la production ailleurs, auquel cas le bâtiment précédent ne sert plus à rien. C'est particulièrement rageant lorsqu'on nage dans les ressources, qu'on a une ouverture pour attaquer un adversaire, mais qu'il faut tellement de temps pour créer ses troupes que quand on est enfin prêt, l'autre a eu tout le temps de refaire son économie et de remonter ses défenses.

Quand y en a plus, y en a encore

On en arrive à un problème qui apparait particulièrement dans les parties à plusieurs, à savoir que ça peut durer longtemps. Trèèès longtemps. Un joueur envoie ses troupes à l'attaque d'un autre, il est repoussé, mais les défenses de l'autre son endommagées et il doit les reconstruire, en plus d'essayer de se monter une armée pour repasser sur l'offensive. Pendant ce temps le premier reconstruit ses troupes et prépare ses défenses en cas de contre-attaque. Si la contre-attaque arrive, la situation se répète dans l'autre sens, puis dans l'autre, puis dans l'autre, ad vitam eternam, jusqu'à ce qu'un des joueurs réussisse, malgré le blocage lié aux constructions, à mettre au point une attaque mortelle. Selon les joueurs, cette situation ne se présente pas forcément à chaque fois (heureusement), mais entre la limite en nombre de construction, la limite en nombre d'unités puissantes, l'excellent rapport puissance/prix des défenses et la lourdeur de l'interface, c'est décidément pas le pied et rapidement frustrant. Toutes les décisions prises par Westwood au niveau du gameplay partent d'une bonne intention, mais dans la pratique, c'est désastreux. Aujourd'hui en tout cas.

The Westwood-Files : Combattre le passé

Petit clin d'oeil à C&C1, avec une raffinerie, un command center et des silos du premier épisode.

Car c'est bien là tout le problème de Tiberian Sun : le temps. Le jeu aurait été excellent s'il était sorti avant Total Annihilation et Starcraft, mais pas après. Aujourd'hui, quand on compare C&C2 aux derniers bons RTS sortis ('bons', donc on exclut TAK), on en revient systématiquement à la même conclusion : le jeu est bien, on sent le travail qui a été effectué par Westwood sur les possibilités stratégiques et tactiques du jeu, mais il aurait dû sortir il y a deux ans, ou alors Westwood aurait dû décider d'un concept en se projetant plus loin dans le futur pour ne pas se retrouver dépassé par les événements. Ou encore, pour parler franchement, Westwood aurait dû se secouer davantage et arrêter de s'accrocher bêtement à un concept, mais surtout à une interface et à un style de jeu qui date de 7 ans et qui a depuis été grandement amélioré par tout le monde... sauf eux. Jusqu'à présent, Westwood n'a réellement créé que trois jeux. Eye of the Beholder, Kyrandia et Dune 2. La recette d'EOB a duré jusqu'à Lands of Lore 1, après quoi les deux épisodes suivants ont été des horreurs, la recette Kyrandia a été réutilisée deux fois avant d'être abandonnée, et la recette de Dune 2, la plus lucrative, vient d'être utilisée une nouvelle fois, à peine améliorée, pour Tiberian Sun. Côté originalité, il y a mieux non? Ok, Westwood n'est pas la seule boîte à s'accrocher aux vieilles recettes de peur de se gaufrer en essayant d'innover (quelqu'un a parlé d'Eidos?) mais ce n'est pas parce que plusieurs font la même chose qu'on doit leur donner raison. Mais ça, c'est aux joueurs de le leur faire comprendre.

Une ville abandonnée, légèrement en ruines.

Tiberian Sun pose un sacré cas de conscience. D'un côté, il y a beaucoup de bonnes choses, tant au niveau des unités que de la stratégie que de l'ambiance que du scénario, mais le tableau est assombri (pour ne pas dire gâché) par un concept daté. Westwood ferait vraiment mieux d'arrêter de vouloir rester accroché à l'héritage de Dune 2. Ok, tout comme Eye of the Beholder et Lands of Lore pour les jeux de rôles et Kyrandia pour les jeux d'aventure, Dune 2 est le jeu qui a rendu Westwood célèbre dans le domaine des jeux de stratégie temps-réel dont ils ont lancé la mode avec Blizzard (et non, Warcraft n'a jamais été repompé sur Dune 2, n'importe qui qui a joué aux deux peut le voir). Mais ce n'est pas une raison pour s'y accrocher encore après tant d'années. Lands of Lore 2 et 3 ont été des ratages complets, tant sur le concept que sur la technique, et apparemment, Westwood n'a pas encore saisi le problème puisqu'ils font les mêmes erreurs avec Command & Conquer. Il reste à espérer qu'ils se reprendront pour la suite de la série. Un troisième épisode, Tiberian Twilight (un nouveau RTS), est déjà prévu, devant être l'avant-dernier volet de la série, suivi de C&C : Renegade (jeu en 3D subjective). D'ici là, on devrait voir débarquer un mission disk pour TS ainsi que la suite de Red Alert, utilisant le moteur de TS. Autrement dit, tout comme Red Alert n'était qu'une resucée de Command & Conquer dans un univers différent, la suite risque fort d'être exactement la même chose avec Tiberian Sun, donc avec les mêmes défauts. Si ça se confirme, ça confirmera aussi que Westwood est décidément bien engagé sur la pente descendante... et pas très pressé d'en sortir.
Les Plus
  • Bourré de petites améliorations
  • "Enrobage" cinématique
Les Moins
  • Interface datée (4 ans !)
  • Design daté (4 ans !)
  • Graphismes datés (2 ans !)
  • Parties trop souvent longues et ennuyeuses
Résultat

Tiberian Sun est un jeu de stratégie pas si mal que ça, qui ne tient certes pas la route comparé à la concurrence, ancienne comme nouvelle (SC et TA pour les anciens, AoE2 et Homeworld pour les nouveaux), mais qui peut tout de même être recommandé à ceux qui ont envie d'un peu de changement et qui n'ont pas succombé aux derniers arrivants (doit pas y en avoir beaucoup mais bon).

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