Test | Du Lovecraft en MMO avec The Secret World
29 août 2012

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The Secret World

Funcom et le MMO, c'est un peu ces histoires d'amours compliquées, pleines de potentiels gâchés, de promesses non-tenues, de frustrations et d'insatisfaction après des attentes parfois ambitieuses. Alors avec The Secret World, le joueur aguerri reste sur ses gardes : vont-ils encore se jouer de moi, sera-ce encore un de ces flirts d'été si vite consommé si vite oublié, ou est-ce la bonne cette fois-ci ? C'est non sans a-priori que nous nous sommes penché sur le petit dernier de Funcom, distribué par Electronic Arts.

Un monde underground

Le monde de The Secret World vous plonge derrière le voile occultant les mystères sous-jacents de notre univers. Oui, il y des sociétés secrètes. Oui, il y des phénomènes paranormaux. Oui, les fantômes, mort-vivants, aliens, démons existent. The Secret World innove avec cet environnement original et novateur pour un MMO. Au diable les verdoyantes prairies remplies de barbares se décapitant gaillardement à coup de hache ! Ici, vous oscillerez entre les États-Unis, l'Europe, l'Asie et l'Afrique de notre temps, la dimension fantastique en plus. Vous aurez le choix entre trois factions, chacune ayant sa vision du monde : les Illuminatis sont des comploteurs de haut-vol, utilisant la tromperie, la désinformation, la corruption pour maintenir leur pouvoir. Les Templiers, peut-être le moins secret de ces ordres, est un peu le bras armé des sociétés secrètes, utilisant des connections politiques anciennes et beaucoup d'argent pour financer leurs batailles. Et enfin, les Dragons, faction asiatique qui pense que l'ordre se trouve dans le chaos, et qui mise beaucoup sur l'effet papillon pour conduire ses plans. Si les différentes factions semblent alléchantes, l'influence de cette dernière sera malheureusement très réduite : une introduction différente, des skins d'armures différents, voila l'essentiel de ce qu'apportera votre faction, vu que 99% du reste du jeu est commun à tout le monde, peu importe ce choix initial.

Intronisation

L'île au Sud de Kingmouth est le thêatre de phénomène paranormaux.

Ce n'est pas seulement pour son background que The Secret World essaie d'innover. Le titre de Funcom regorge de tentatives, parfois heureuses, parfois moins, de dépoussiérer un peu le genre encrouté que peut-être le MMO. Dans sa promotion, The Secret World se vantait de ne pas avoir de gain de niveaux comme dans la plupart des RPGs traditionnels. A la place, vous recevez des points de compétences et des points de personnage lorsque vous complétez des missions. Ces points seront distribués dans une "roue de compétence", où toutes les compétences d'armes, de boost ou de soin sont accessibles. Donc, au lieux de bloquer sur une zone parce vous "n'avez pas le niveaux", vous bloquerez parce "vous n'avez pas assez de points de compétence". En bref, la supercherie ne fait pas illusion longtemps, et vous comprenez vite qu'il y a bien un système de leveling caché qu'il vous faudra respecter : vous ne pouvez pas aller n'importe où n'importe comment. De plus, vous pourrez disposez de deux armes interchangeables en combat selon les situations, ce qui peut paraître novateur à quiconque n'ayant pas fait la beta de Guild Wars 2. Mais là aussi, l'utilisation de ces dernières, principalement basée sur l'accumulation d'une énergie avec une attaque particulière, qui se décharge avec un grosse attaque finale, est un classique des MMO. Mais le système d'évolution, laissé totalement à la gestion du joueur, permet une personnalisation de son personnage bienvenue, même si cette liberté peut conduire à de biens mauvais choix. Pour guider le joueur dans son évolution, des archétypes sont proposés, qui, une fois complétés, débloque des skin d'armures assez classe pour frimer dans les soirées.

L'ordre nait du chaos

Voudrez-vous aider Justin Bieber avec ses histoires de Men In Black ?

Au niveau des quêtes, une partie du jeu est très classiques (fed-ex, extermination, escorte), associé aux mécanismes habituels de grind et de gear-up (le fait de devoir tuer plein de monstre à la pelle, et le principe de trouver des items pour tuer des monstres plus forts), et vous verrez que The Secret World n'a pas toujours la fraicheur escomptée sur des points qu'il prétendait révolutionner. Mais en bien d'autres points, The Secret World réussi réellement à nous surprendre. Tout d'abord, une trame principal, assez scénarisée pour un MMO, remet la narration au centre du jeu, un peu ce que Star Wars : The Old Republic avait essayé de faire, ce qui est une tendance à encourager. Cet aspect est capital pour un jeu se basant surtout sur l'ambiance, et sur ce terrain, The Secret World se défend très bien. Ajoutez à cela cette nouvelle tendance à vouloir des combats dynamiques dans les MMO; le résultat est que les monstres de ce nouveau MMO sont vif. Vous devrez beaucoup bouger, esquiver, et même si au final la mécanique de base du jeu est vite répétitive, elle a le mérite de vous garder éveillé pendant les combats, nerveux et rapide à souhait. Mais la vraie innovation, la vraie surprise de The Secret World, ce sont les missions d'enquêtes, où il ne sera point question de faire parler vos muscles, mais votre cerveaux. Il s'agit parfois de résoudre une énigme réellement corsée par des connaissances personnelles, de la culture générale, un raisonnement mathématique, voire algorithmique, décoder du morse, faire de la cryptologie, ou alors chercher des informations sur internet... Bref de vraies enquêtes, de vraies énigmes, choses impensables pour un MMO avant cela. Cerise sur le gâteau : Funcom a créé de "vrais faux sites internet" sensés contenir des informations utiles pour certaines enquêtes ingame. Si ça ce n'est pas de la dévotion !

A la dure

Le cadre contemporain est novateur pour un MMO.

Pour l'instant, The Secret World nous donne un bilan plutôt positif pour un MMO, même s'il ne parvient à satisfaire certaines ambitions qu'il s'était lui-même fixé. En soit, les quelques innovations – importantes – qu'il apporte pourrait suffire à se créer une base de joueur pour ce style d'univers. Mais des petits défauts qui auraient facilement pu être évités viennent gâcher un peu le plaisir de jeu. Entre autre, The Secret World n'est pas du tout "User Friendly" : interface minimaliste, inventaire sobre et peu représentatif, icônes trop réduites pour vraiment les distinguer... Et j'en passe. Sur ces points, on à l'impression de revenir des années en arrière quand les MMO étaient encore trop obscurs et inaccessibles pour le grand public. Le côté "société secrète" peut aider à comprendre certains choix de design, mais concrètement, vous aurez vite du mal à comprendre quoi faire de vos objets, de vos devises, du système d'artisanat, au final très proche de celui de Minecraft. Un bon jeu est un jeu didactique, qui sait vous expliquer quoi faire, puis qui vous laisse seul découvrir toutes les possibilités offertes. Entre les MMO qui vous prennent par la main du début à la fin, et The Secret World qui vous laisse en rade sans rien vous expliquer du tout, il y a une sacrée marge, et c'est un peu dommage, cette austérité aurait facilement pu être évitée par quelques PNJs donnant juste les bases des interactions importantes dans l'univers. Le côté austère de l'interface est renforcée par un level design certes fait main, mais qui à une fâcheuse tendance à proposer des espaces un peu trop grand pour le contenu s'y trouvant, résultant parfois sur une impression de vide déroutant, et d'autres moments des paquets de monstres (au design souvent très travaillé) trop dense aurait mérité une meilleure "éparpillation".

Zombies, sorcellerie et Lovecraft

Toutes les zones de jeux sont reliées par l'Agartha.

Du côté du PvP, il est notable de voir que les oppositions et rivalités entre les factions n'apparaissent pour ainsi dire pas du tout au niveau du scénario. Il vous reste trois champ de batailles pour qu'Illuminatis, Dragon et Templiers se tapent joyeusement sur la tronche. Ces champs de batailles sont assez classiques, une prise d'objectif avec des reliques, un "king of the hill" à Stonehenge – une bonne idée – et une prise de points en Asie, avec des combats plus basés sur le nombre que sur la stratégie. Concrètement, l'expérience fût légèrement chaotique, et nous avons préféré nous attarder sur la partie histoire du jeu, ce qui malgré tout en dit long. Non, là où le jeu semble encore une fois se distinguer, ce sont sur les instances. Le temps de jeu imparti par EA pour ce test ne nous ayant permis que de voir la première instance du jeu, Polaris, nous pouvons dire ceci : elles ont l'air mémorables et spectaculaires. Peu de trash (un peu quand même), l'ambiance aquatique après les quêtes de la ville de Kingsmouth (oui, il s'agit bien la contraction de Kingsport et Innsmouth, Funcom le revendique haut et fort) amène un point d'orgue après une longue épopée Lovecraftienne fort bienvenue dans un MMO. Du monstre gluant à tentacule, et des combats assez spectaculaires donnèrent un expérience de fin d'abonnement laissant un petit goût de reviens-y. Seulement sont-elles toutes de cette qualité ? Il faudra un bon paquet d'heures de grind ennuyeux et rébarbatif avant d'y avoir accès, et cela est bien dommage, beaucoup de joueur risquent de se détourner de The Secret World avant d'avoir pu admirer ses aspects les plus charmants.

Manque d'illumination

Les énigmes viennent dépoussièrer un genre qui s'enlise un peu.

Ajouter encore à la liste des problèmes une réalisation que nous considérerons de passable : le jeu peut être beau, sans être non plus à tomber par terre, mais les ressources demandées sont vraiment trop nombreuses pour le rendu final, limitant l'accès aux gros PC. Il arrive souvent d'être coincé dans un décors suite à une mauvaise roulade, l'animation figée donne une impression de beta encore en travaux, et le contenu général semble très limité – pour un abonnement de 14 euros et des bananes par mois. Car tout le problème vient de là. Initialement, The Secret World devait être un jeu avec un modèle économique moderne, mais EA a eut la mauvaise idée de mettre un abonnement comme mode de paiement. Un abonnement très faible, pourquoi pas, mais entre le prix du jeu, l'abonnement mensuel, le jeu n'en vaut malheureusement pas la chandelle, surtout après avoir goûté à un Guild Wars 2 en tout point supérieur (on pourra juste préférer l'univers contemporain par goût personnel), et qui est gratuit. L'abonnement semble être un "coup" de la part d'EA qui sait très bien que son jeu va passe en Free to Play très vite, mais qui espère grappiller quelques liasses avant cette inéluctabilité. Faîtes comme moi : attendez que The Secret World passe en F2P, comme [Star Wars (étrange coïncidence avec la sortie du bébé d'Arenanet ?). Vous savourerez un jeu intéressant, et qui a le mérite de tenter de faire un peu avancer les choses, quitte à se casser les dents.
Les Plus
  • De nombreuses innovations, ce qui donne un coup de jeune au genre
  • L'ambiance
  • Les quêtes d'investigations
  • Le système de combat assez dynamique
  • Une forte narration, plutot bien ficelée
Les Moins
  • Sans être moche, le jeu demande beaucoup trop de ressources pour le rendu final
  • Pas toujours très "user friendly"
  • Un rendu final "pas terminé"
  • L'abonnement trop élevé au vu de la prestation
Résultat

The Secret World est un bon MMO RPG, novateur à la fois pour son univers, et par quelques touches par-ci par-là, certaines ratées, d'autres géniales. Funcom poursuit ce qu'il a entreprit avec Age of Conan, un jeu très perfectible à sa sortie, et qui n'a été vraiment complet qu'après deux ans de patchs et d'extensions. Difficile donc de juger un jeu dont on sait pertinemment ne pas avoir aperçu la totalité du potentiel malgré des semaines de tests. Reste qu'il sera plus facile de s'investir dans le titre quand il sera plus complet, et surtout moins cher, car son vrai défaut pour le moment, c'est son rapport qualité/prix, et beaucoup de joueurs préfèreront des jeux payant de meilleure facture, ou des jeux moins bons, mais gratuits. En souhaitant bonne route à ce petit Ovni du MMO qui a le mérite d'essayer de nouvelles choses.

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