Test | Mafia 2, L'incorruptible
17 sept. 2010

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Mafia II

Mafia 2 a marqué 2010 avant même son arrivée. Oui, le jeu de 2K Games était sûrement l'un des titres les plus attendus de ces dernières années. Il faut dire que le premier volet a été encensé lors de sa sortie en 2002, alors que les jeux à environnement ouvert n'en étaient qu'à leurs balbutiements. Cette suite avait donc de quoi susciter l'attente. Mais quelle direction a-t-elle pris ? S'est-elle cantonnée au jeu d'action/aventure ou a-t-elle suivi la mode de la liberté à gogo ? A vrai dire, on constate rapidement que Mafia reste Mafia. Et ce n'est peut-être pas plus mal. Explications.

Il Etait une fois en Amérique

La vie de Vito Scaletta n'est pas de celles qui font rêver. Arrivé en Amérique avec sa famille dans les années 20, il a troqué la pauvreté de sa Sicile natale contre celle d'Empire Bay. Alors que son père se tuait littéralement à la tâche pour gagner du pognon, le petit Vito faisait les quatre-cent coups avec son pote de toujours, Joe Barbaro, un jeune homme un peu grande gueule mais sympathique. Tout dérapa quand la police arrêta Vito pour cambriolage. C'était en 1943, il avait dix-huit ans et, par chance, la guerre battait son plein en Europe. Que voulez vous, tout était mieux que la prison en ce temps là. Il partit donc sur le front italien pendant deux ans, jusqu'aujourd'hui. Blessé par balle à la jambe, il obtint une permission d'un mois pour revenir aux Etats-Unis. Il ne tarde pas à retrouver Joe. Après avoir pris de leur nouvelles respectives, les deux amis abordent le retour de Vito au combat, une idée qu'ils n'apprécient guère. Joe propose alors de faire un "petit quelque chose" pour que Vito reste définitivement à Empire Bay. Ce dernier accepte l'offre sans hésiter. Sa «mama» et sa soeur n'apprécient pas spécialement Barbaro mais Vito a une autre vision des choses : il se souviendra toujours du temps que son père a passé à bosser comme un brave homme pour finalement «mourir dans la merde». Et il ne faut pas compter sur lui pour suivre la même voie...


Le scénario de Mafia 2 est passionnant. Si l'histoire respecte les codes et symboles du genre, ce sont surtout les personnages qui forcent le respect. En plus d'être attachants, ils sont criants de vérité dans leurs réactions et 2K Czech a mis un point d'honneur à apporter de la cohérence au récit. En évoquant le passé de Vito dès le début, les scénaristes évitent tout manichéisme abusif, défaut pourtant récurrent dans les jeux de gangsters. Non, nous n'incarnons pas un homme désireux de vivre le rêve américain et qui va finalement basculer dans la pègre comme par magie. Avant même que l'aventure ne commence, Vito a déjà perdu son rêve américain et ne peut s'empêcher de se comparer à son père. Et si son ascension peut vaguement faire penser à l'utopie américaine, cela n'est qu'une toile de fond parmi d'autres. Ce qui est véritablement intéressant, c'est le parallèle qu'on peut faire entre ce qu'est devenue sa famille et ce qui deviendra, au fil des missions et des emmerdes, son «autre famille». Ce soin apporté à l'histoire et aux personnages est conforté par une mise en scène cinématographique de grande classe, et par un doublage français excellent s'autorisant des écarts de langage paraissant naturels. Un mot également sur la fin de l'aventure qui apparemment fait débat. Celui-ci n'a pourtant pas lieu d'être puisque Mafia 2 se termine sur une ouverture réellement ingénieuse, laissant de multiple possibilités pour une éventuelle suite. D'ailleurs, vous pourrez déjà trouver un lien scénaristique entre Mafia 2 et son prédécesseur. Décidément, ils sont malins chez 2K Czech.

Entre Chicago et San Francisco

Bienvenue à Empire Bay.

L'aspect réaliste trouve écho dans la direction artistique. Si la réalisation est loin d'être parfaite (sur consoles du moins), Empire Bay est une ville fictive magnifique et cohérente. S'inspirant d'agglomérations comme Chicago ou San Francisco, elle respire les années 40 et 50. Les démarches des habitants sont convaincantes, tout comme leurs animations pour échapper à la furie de votre véhicule. En revanche, les modèles sont peut nombreux et, pour peu que nous fassions attention, la ville paraît parfois peuplée de clones. Une remarque d'autant plus valable pour les ennemis : il n'est pas rare d'en voir deux ou trois placés les uns à côté des autres et avec le même visage. C'est le seul moment ou la cohérence visuelle de Mafia 2 s'effrite quelque peu. Comme je le disais auparavant, la technique est également perfectible. Si le jeu est globalement joli, l'aliasing se fait un peu trop présent, tout comme le clipping et le tearing communs aux jeux à environnements ouverts. On aurait aussi aimé avoir quelques détails en plus, comme la présence de vélos ou de traces de pas dans la neige. D'ailleurs, le jeu ne bénéficie pas de cycle jour/nuit, ni de météo aléatoire. Si l'idée peut choquer, elle n'a rien de surprenant dans Mafia : le premier volet souffrait déjà de la comparaison avec un certain Grand Theft Auto III en matière de la liberté et de superflu. Il en va de même pour Mafia 2. Ainsi, l'environnement ouvert n'est pas prétexte à une quelconque liberté, mais à de l'immersion renforçant l'impact du scénario. L'absence de cycle jour/nuit ne pose donc pas de problème en soi. L'apparition du jour, de la nuit et les variations météorologiques dépendent uniquement de notre progression dans le jeu, ce qui permet aux développeurs de maîtriser le rythme narratif et de varier l'ambiance lorsqu'il le faut.

Jamais sans ma caisse

Courses poursuites et filatures sont aux rendez-vous.

Avant d'aborder les combats à mains nues et les fusillades, attardons-nous sur les trajets en bagnoles. Chaque chapitre correspond à une journée importante de Vito. Afin de renforcer l'immersion, les développeurs nous obligent à effectuer tous les trajets que Vito est censé faire durant ces journées, y compris rentrer chez lui le soir. L'idée peut paraître idiote mais ne l'est pas : Empire Bay est relativement petite et les parcours les plus longs prennent rarement plus de deux ou trois minutes. De plus, la conduite est suffisamment agréable pour ne pas avoir l'impression de vivre un calvaire. On peut saluer la physique des voitures ainsi que la gestion des dégâts, chaque pièce importante étant susceptible de tomber en morceaux. Dans ce cas, rien de mieux que de réparer notre voiture chez le garagiste. Ce dernier peut également effectuer quelques retouches et améliorations, et modifier votre plaque d'immatriculation si besoin. Les policiers sillonnant la ville sont assez nombreux pour nous pousser à ne pas commettre d'excès de vitesse trop élevés. Une fonction limitant celle-ci est présente pour aider les moins attentifs d'entre nous. Comme auparavant, il nous faut aussi vérifier le niveau d'essence afin de ne pas tomber en rade. Si cela n'arrive qu'au bout d'un bon paquet de kilomètres, il est quand même préférable de faire le plein à une station service quand le voyant clignote. Enfin, bien que la météo ne soit pas aléatoire, celle-ci est prise en compte dans la conduite. Vous devez donc faire attention lorsque vous roulez sur de la neige ou quand il pleut. Amusant.

L'Oeil du tigre

Les combats à mains nues sont simplistes mais l'angle de caméra est dynamique.

Lorsqu'il ne parcourt pas la ville en bagnole, Vito peut changer de fringues. Bien que des boutiques soient présentes, ces dernières manquent de choix et vous n'y passerez que lorsque vous en aurez vraiment besoin. Notre héros dispose aussi de rossignols, autrement dit du matériel pour crocheter les serrures. Idéal pour voler des caisses avec un minimum de discrétion. La discrétion, un mot que l'on pourrait employer pour les quelques phases d'infiltration présentes dans l'aventure. Lors de celles-ci, Vito peut étrangler les gardes par derrière pour faire le ménage. Sous exploitées et plutôt simplistes dans leur construction, elles ont néanmoins le mérite d'être là pour varier les situations. Il est maintenant temps de parler de la caméra, souvent proche de Vito car très cinématographique. Oui, même dans les déplacements Mafia 2 garde ce côté cinéma qui le caractérise tant. Et c'est ce que certains joueurs ne semblent pas comprendre, reprochant à la caméra d'être injouable, principalement lors des combats à main nue où elle devient dynamique. Sauf qu'au contraire, la caméra a un placement complètement logique visuellement parlant. On est près de la baston et on a vraiment l'impression d'être dans un long métrage. Bien sûr, ce dynamisme n'est pas idéal pour jouer, mais les développeurs en ont eu conscience. Pour pallier à ce problème, ils ont conçu un système de combat simplifié et basé sur un timing simple pour, justement, éviter tout sentiment de frustration malvenu. A quoi servirait une caméra fixe puisqu'il suffit de maintenir une seule touche pour esquiver TOUS les coups ? Il ne nous reste alors plus qu'à riposter. Si les combats se limitent à des coups simples, des coups lourds et des contres, le jeu les dissémine si bien que l'impression d'une quelconque répétitivité ne se fait que rarement ressentir.

Pan-pan !

T'as beau avoir un beau chapeau, ça ne va pas m'empêcher de te mettre un coup de fusil dans la tronche.

Nous arrivons au dernier gros morceau du gameplay : les fusillades. En tant que mafioso, Vito doit exécuter des cibles ou récupérer des marchandises, ce qui passe souvent par le défouraillage d'ennemis en bonne et due forme. Allons droit au but : les gunfights de Mafia 2 sont une réussite. Le jeu conserve son côté cinématographique tout en s'avérant parfaitement jouable, grâce à un système de couverture particulièrement bien pensé. Quand il se cache derrière un mur puis vise, Vito s'approche et bénéficie d'un angle très large, lui permettant de toucher des adversaires situés dans un angle quasi-fermé. Dans le même genre, si vous vous trouvez derrière une caisse, il vous suffit de vous déplacez pour que l'angle passe automatiquement du côté au dessus de celle-ci. Bien pratique. L'armement est conséquent sans être spécialement original : grenades, cocktails molotov, revolvers, pistolets, fusils, fusils à pompe et mitrailleuses (dont la fameuse Thompson, chère aux adeptes de cette période) sont à votre dispositions. Ces massacres sont aussi l'occasion de profiter du moteur du jeu permettant de détruire certaines parties des décors. Si un ennemi renverse une table pour se mettre à couvert, il vous suffit de sortir l'artillerie lourde pour voir celle-ci s'envoler en miette petit à petit et ainsi atteindre votre cible. Ce genre de cas reste sporadique et on finit par s'y habituer, mais il n'empêche que cela renforce une fois de plus l'impression de ce retrouver dans un film. Imaginez vous en plein gunfight, avec le carrelage du poteau derrière lequel vous êtes planqués qui s'envole sous les coups de fusils à pompes ennemis. C'est juste visuelle dans le cas présent, mais ça donne envie n'est-ce pas ? Je vous comprends, mais il y a encore plus fort : les animations et la localisation des dégâts. J'ai rarement vu des personnages avoir des mouvements aussi logiques lorsqu'ils se prennent un pruneau. Une nouvelle fois le réalisme est de la partie puisque trois balles suffisent pour venir à bout de vos opposants... et pour vous tuer, accessoirement. D'ailleurs, au rang des bémols nous pouvons citer les checkpoints, trop espacés et nous obligeant souvent à refaire une fusillade entière. Pas facile la vie de gangster.

Une Partie sonore à la hauteur

Et encore, vous n'entendez pas la musique.

L'excellente ambiance est portée par des musiques qui le sont tout autant. Bien qu'il n'y ait que trois radios, les chansons diffusées nous plongent avec classe dans les années 1940 et 1950. On peut par exemple citer des titres comme Jezebel de Frankie Laine (1951), Rock Around the Clock de Sonny Dae & His Knights (1954) ou Why Do Fools Fall in Love de Frankie Lymon & The Tennagers (1956). Toutefois, notons la présence de légers anachronismes tels que Money de Barrett Strong, initialement sortie en 1960, année non couverte par le jeu. Quoiqu'il en soit, ce n'est qu'un détail et les musiques du jeu sont savoureuses. Pour tout dire, elles donnent un côté ironique à certaines situations, à tel point qu'on se croit parfois dans un film de Tarantino. Les musiques des radios sont géniales, oui, mais cette remarque vaut aussi pour les pistes propres à Mafia 2. Dès le début de l'aventure, bon nombre de joueurs auront des frissons en voyant Vito revenir aux Etats-Unis, et ce en partie grâce à la musique orchestrée qui l'accompagne. Les différents bruitages ne sont pas en reste non plus et paraissent tout à fait crédibles, notamment en ce qui concerne ceux des armes à feu.

Une question de point de vue

Croyez-moi, vous n'allez pas passer votre temps à acheter des armes.

Malgré ces éloges, Mafia 2 ne plaira pas à tout le monde. Une certaine vision du jeu vidéo est nécessaire pour l'apprécier à sa juste valeur, voire l'apprécier tout court. 2K Czech a décidé de mettre l'environnement au service de l'histoire et cela ne fera pas l'unanimité. Les joueurs ayant envie de "gratter" dans l'espoir de trouver des à-côtés intéressants risquent d'être déçus. Mafia 2 n'est pas Grand Theft Auto et il ne faut pas s'attendre à une pléthore de missions secondaires, les seuls défis annexes consistant à trouver des posters de pin-up et à arracher des avis de recherche dans la ville. D'autre part, certaines idées ont été intégrées dans l'unique but de servir le scénario. On pense notamment aux armureries ou aux boutiques de vêtements, finalement assez anecdotiques et dans lesquelles nous n'allons que très rarement. Pour faire simple, les développeur ont imaginé ce que nous ferions dans la peau de Vito Scaletta et non en temps que joueur. Ainsi, si vous jouez sans flâner, juste pour vivre l'histoire de notre héros, il y a de grandes chances pour que vous trouviez Mafia 2 exceptionnel. A contrario, si vous êtes du genre à musarder alors qu'un personnage vous téléphone en vous disant de rappliquer le plus vite possible, c'est une autre histoire. La durée de vie du soft va dans le sens de ces explications puisqu'elle s'apparente à celle d'un jeu d'action : prévoyez une douzaine d'heures pour boucler l'aventure. Une fois tout cela saisi, on comprend ce que 2K Czech a cherché à faire avec son titre. Un choix audacieux qui, en quelque sorte, correspond à une façon atypique de narrer une histoire dans un soft d'action.
Les Plus
  • Mafia 2 est enfin sorti
  • Une plongée dans les années 40/50
  • La cohérence de l'ensemble
  • Une histoire excellente
  • Des personnages attachants
  • Pas ou peu de réactions "neuneus"
  • La fin, très ingénieuse malgré tout.
  • Le côté cinématographique omniprésent
  • Tout de même agréable visuellement
  • Le moteur physique
  • Certaines animations vraiment réussies
  • Les combat à mains nues, simpliste mais assez bien pensés sur le plan de l'immersion
  • Les phases d'infiltration, sympas bien que pas assez exploitées
  • Les gunfights, vraiment excellents
  • Les musiques
  • Un doublage français plutôt génial
Les Moins
  • Quand même largement perfectible techniquement (aliasing, clipping, tearing, etc.)
  • Des PNJ clonés par endroits
  • Une certaine vision du jeu vidéo en général est nécessaire pour comprendre certains choix des développeurs
  • Certains à-côtés sont tout de même assez inutiles (les armureries par exemple)
  • On veut la suite (et pas dans huit ans) !
  • Des checkpoints pas assez fréquents
Résultat

Mafia 2, c'est avant tout un parti pris, celui du tout cinéma. Dans un monde où le joueur accepte tout et n'importe quoi contre un peu de liberté (Assassin's Creed 2 en est le meilleur exemple), le choix de 2K Czech est courageux. Ici, pas de quêtes secondaires idiotes pour gonfler la durée de vie, non, Mafia 2 nous plonge dans un univers, une ambiance, une histoire. Alors certes, on n'a pas envie de changer nos habits toutes les cinq secondes, ni de passer à l'armurerie pour se faire un arsenal pouvant être récupéré sur les ennemis ; mais le jeu nous place dans la peau d'un héros, un vrai, attachant et crédible et qui nous fait vivre une trame bien ficelée. Si vous êtes de ceux qui prennent plus de plaisir à faire tout et n'importe quoi plutôt qu'à suivre une histoire, il est possible que vous n'accrochiez pas au soft de 2K Czech. Les autres, ceux qui sont près à entrer dans la peau de Vito Scaletta, risquent de se souvenir de Mafia 2 pendant longtemps.

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