Test | Two Worlds : les bons, la brute et les méchants
28 juin 2007

Testé par Floralie, sur
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Two Worlds

Dur métier que celui de figurant dans un genre saturé comme l'est le RPG médiéval-fantastique PC. Humains et orques se sont tant affrontés, épée à la main, qu'ils mériteraient désormais d'aller boire le verre de l'amitié à la taverne du coin. Mais non, voilà que Reality Pump en remet une couche et les place au centre d'un énième conflit sans fin dans Two Worlds. Difficile de révolutionner le genre avec un synopsis pareil. Pourtant, les ambitions de ce titre sont réelles : à la croisée d'un hack & slash et d'un RPG non dirigiste à la Elder Scrolls, pétri de bonnes idées, Two Worlds entend marquer le genre de son empreinte. Indélébile ?

Une inspiration classique

Bienvenue à Thalmont, vaste contrée inhospitalière, ancienne terre naine colonisée depuis une petite centaine d'années par d'intrépides (et inconscients) humains. Vous y incarnez un mercenaire qui vend ses services au plus offrant. Mais dans cette époque troublée par la menace d'une invasion orque et par le renversement de pouvoir que vient de connaître Thalmont, votre sœur se fait enlever. Pour la délivrer, vous acceptez de travailler à la solde d'un énigmatique personnage. Celui-ci vous envoie à la recherche des cinq parties d'une puissante relique ayant appartenue à votre famille, dans le but de ressusciter Aziraal, le dieu des Orques. Comme dans beaucoup de jeux du genre (et notamment Gothic III, dont les similitudes scénaristiques sont grandes), la quête principale ne sert que de fil conducteur. Elle est surtout prétexte à l'exploration de l'univers, car Two Worlds est un jeu où la liberté d'action est de mise, et où vous tracez la plupart du temps votre propre chemin.

Et dieu créa... la brute !

Regard altier et pénétrant, expression d'une intelligence profonde... pas de doute, c'est bien vous !

Si la création de votre avatar se limite à une modification de son apparence physique, c'est aussi un mini-jeu en soi, qui vous fait vivre les émotions esthétiques d'un Pygmalion des temps modernes. D'un charisme de départ proche du zéro absolu, votre personnage fait figure d'un improbable rejeton de Steven Seagal et d'une moule avariée. A vous de le rendre le moins terrifiant possible pour la population locale. Le défi est de taille : toutes les modifications que vous pouvez lui apporter (morphologie, traits du visage, coiffure, couleur des cheveux) n'ont pour effet que de le rendre encore plus moche. Mais pas d'inquiétude : vous vous y faites vite, surtout avec un casque sur la tête ! Avant même de faire votre entrée dans le vaste monde, la cinématique d'introduction vous révèle déjà le manque de finesse des personnages tant au niveau de la modélisation que de l'animation. Il faut toutefois lui reconnaître un mérite : vous faire apercevoir les deux seules femmes du jeu. Les autres ont sans doute fui vers un autre monde (d'où le titre ?), tentant d'échapper à la brute.

Une liberté d'évolution appréciable

C'est dans les villes que les offres de quêtes sont les plus nombreuses.

Serez-vous guerrier, mage, voleur... ? Dans Two Worlds il n'existe aucune classe prédéfinie mais des points de paramètres (force, vitalité, dextérité, magie) et de compétences à répartir selon votre bon plaisir à chaque gain de niveau. Votre héros progresse grâce au système d'expérience classique, en complétant des quêtes ou en tuant des créatures. Il existe aussi d'autres façons d'améliorer votre personnage : certaines potions ou plantes augmentent définitivement une de ses caractéristiques et il est possible d'augmenter (ou de débloquer) certaines compétences au contact d'entraîneurs. Vous bénéficiez donc d'une liberté totale pour la construction et la progression de votre brute préférée ! Les possibilités sont illimitées, et les "touche-à-tout" se rendent compte avec grand plaisir qu'un personnage multi-classé tient aussi la route. Enfin, il est même possible de revenir sur la répartition de vos points en cours de jeu, pour en quelque sorte "changer de carrière". Votre guerrier peut se découvrir des talents de mage, votre voleur se muscler brusquement. Pas très réaliste, mais en phase avec le parti pris du jeu : le fun avant tout.

Un fun immédiat

L'inventaire à la Diablo dispose d'une fonction de réorganisation automatique.

Ce choix de l'accessibilité se mesure avec satisfaction dès les premières minutes de jeu. La prise en main est rapide : l'utilisation conjointe du clavier (pour se déplacer et gérer ses raccourcis) et de la souris (pour attaquer) ne pose aucun problème. La caméra suit idéalement les mouvements de la souris. Les menus sont simples et intuitifs, à l'exception du journal des quêtes dont la lecture est plus laborieuse. Les chargements sont quasi-transparents, sauf à l'abord de certains donjons. L'univers particulièrement vaste vous offre un panel de quêtes annexes des plus typiques : rechercher un objet, tuer quelqu'un, nettoyer une grotte ou un donjon... Seule contrariété : les déplacements avec votre monture sont pénibles car votre canasson n'en fait qu'à sa tête. Il refuse de bouger alors que vous vous faites attaquer ou bien il se plante dans un arbre ou un rocher et vous passez dix minutes à essayer de le débloquer (non, la diplomatie n'est pas votre fort). Finalement rien ne vaut les portails de téléportation pour se déplacer rapidement sur la carte.

Un contre tous, tous contre un

Les combats contre plusieurs adversaires sont légion.

Vous vous en rendez vite compte, vous avez la plupart du temps à affronter plusieurs ennemis à la fois. Impossible de vous promener sans tomber sur un groupe de sangliers qui vous chargent, une meute de loups affamés ou des grizzlis au coup de patte mortel. Quand ce ne sont pas des bandits de grand chemin ou des orques qui vous barrent la route. Voilà pour les représentants les plus fréquents du vaste bestiaire de Two Worlds, qui comprend aussi mort-vivants de toute sorte, ogres, spectres et autres créatures plus exotiques... Courrez, évitez, frappez de près ou de loin…les combats sont particulièrement dynamiques bien que simplistes, ce qui rapproche Two Worlds d'un hack & slash, tout au moins au niveau du gameplay. Chose très appréciable, vous avez la capacité d'esquiver en temps réel une flèche ou un sort offensif; inversement, si votre ennemi bouge vous ne le touchez pas systématiquement.

Classique mais efficace

L'arc est un préalable bien utile avant passage au corps-à-corps.

Le jeu des compétences offre plusieurs techniques de combat classiques mais intéressantes comme parer avec un bouclier, désarmer, aveugler un ennemi avec de la poussière, combattre avec deux armes, assommer, poser des pièges. Les amateurs de combats furtifs disposent de plusieurs compétences dédiées comme la discrétion, l'attaque sournoise ou le vol à la tire. Les archers ont quant à eux la possibilité de bander leur arc plus rapidement, de tirer plusieurs flèches à la fois, de cibler les points sensibles de leur ennemi pour causer plus de dégâts. Le domaine de la magie s'articule autour d'un système de cartes, offertes en récompense des quêtes accomplies, à récupérer sur les ennemis vaincus, ou à dénicher chez les marchands. Chaque carte permet de lancer un sort qui appartient à une des cinq écoles de magie (air, feu, eau, terre et nécromancie). Certaines cartes particulières permettent d'améliorer un sort en réduisant son coût de mana ou en augmentant la durée de ses effets par exemple. Vous pouvez aussi fusionner plusieurs cartes identiques pour un effet accru. Un système original et intéressant.

La mort vous va si bien

La nuit, vos adversaires tombés cherchent leur revanche.

Première anicroche à ce tableau idyllique : pour peu que vous jouiez en mode normal, le jeu est trop facile, car la mort n'a aucune conséquence. Votre héros réapparaît simplement au mémorial de Maliel le plus proche, au meilleur de sa forme qui plus est. Vous pouvez alors retourner tranquillement achever votre opposant, puisque lui ne récupère pas sa vie. Nul besoin de dire que cela retire aux combats une grande partie de leur challenge. Pour ainsi dire, vous en oublieriez presque de sauvegarder votre partie. D'autant plus que les niveaux se gagnent assez vite, et que votre personnage a tendance à se transformer très tôt en super-héros ne craignant plus que certaines créatures particulièrement puissantes. Pour vous aider à affronter ces dernières, un système original de "fusion" permet de vous équiper en conséquence. Il consiste en effet à pouvoir fusionner deux pièces d'équipement identiques pour en obtenir une version plus puissante. Il est dès lors facile d'obtenir rapidement une arme infligeant des dégâts énormes. La pratique de l'alchimie et la profusion des potions (utilisables sans limitation durant un combat) accroissent encore l'impression de facilité que laisse le jeu.

Des relations sociales difficiles

Un pot de vin bien senti suffira à convaincre ce demeuré de vous laisser partir.

Seconde déception : la dimension sociale de l'univers. Hormis les personnages-clés qui vous dévoilent progressivement la toile de fond de l'histoire, la plupart des PNJ vous répètent la même chose lorsque vous leur parlez. En plus, vous êtes obligé de parler à tout le monde car rien ne signale ceux qui ont des quêtes à vous proposer. Votre part de conversation se résume à accepter ou refuser une quête: un peu léger, mais notre brute pouvait-elle avoir plus de deux mots à son vocabulaire ? D'ailleurs, bizarrement, votre mercenaire reste toujours extrêmement courtois et polis. Impossible de jouer le méchant de service de façon crédible. Allez... vous pouvez tout de même vous rapprocher du côté obscur si vous touchez (volontairement ou non) un villageois. Vous avez alors le choix entre payer une amende de 1000 pièces d'argent (réduite en cas de corruption) ou prendre vos jambes à votre cou et ne plus pouvoir remettre les pieds dans ce bled sous peine de vous faire lyncher par la population locale. De toute façon votre réputation auprès des différentes factions ne peut qu'augmenter : elle ne baisse jamais, même en volant ou tuant un de leurs membres. Votre influence n'émane véritablement que de votre comportement lors des moments décisifs du scénario : aider un clan à renverser l'autre, sauver une ville ou la perdre.

Une immersion ratée

Vides et dépouillés, les donjons ne brillent que par les rencontres que vous y faites.

La sensation d'immersion n'est pas non plus le fort de Two Worlds, et vous vous en rendez vite compte. La vie locale grince un peu: faucheurs de blé et bûcherons coupent toujours au même endroit, au mieux quelques personnes se déplacent et ouvrent une porte, notamment pour aller dormir. Non seulement les PNJ que vous rencontrez manquent cruellement de personnalité, mais en plus il vous faut croiser leurs clones dans la ville d'à côté. Plus grave, le comportement des autochtones laisse parfois perplexe... Passons sur le PNJ qui reste bloqué à l'entrée d'une porte qu'il vous faut absolument ouvrir pour poursuivre votre quête. Mais prenez soin par exemple de ne jamais ramener de créatures dans un village, car certes les habitants vous aident à combattre, mais les flèches se perdent, les boules de feu éclaboussent et les maladroits se jettent sous les épées. Résultat : une stupide bagarre généralisée qui dure des heures et au cours de laquelle certains villageois finissent par en tuer d'autres. Marrant, mais pas très crédible, une fois de plus.

Une réalisation en demi-teinte

Les textures sont d'une indéniable qualité.

Qu'en est-il du soin apporté à la réalisation ? Il prouve plus que jamais que Two Worlds est un jeu plein de contradictions. Le moteur graphique entend vous en mettre plein la vue avec des paysages variés et d'une profondeur de champ phénoménale, mais il faudra pour cela supporter un clipping irritant, et parfois même étrange (arbres qui disparaissent lorsqu'on s'en approche). Les changements de météo (pluie, brouillard) assez réguliers, les effets de lumière très réussis et le rendu des plans d'eau : tout est fait pour renforcer le réalisme de l'univers. Mais n'est-ce pas une vaine ambition si l'on s'en réfère aux innombrables bugs et problèmes de collision : ennemis qui s'emboîtent comme des poupées russes, personnages ou projectiles qui traversent les murs, créatures à la verticale des parois, rochers qui vous avalent les jambes... Enfin, l'atout maître du rendu graphique du jeu, ce sont les textures : celles-ci sont vraiment magnifiques, et d'un niveau de détail inédit. Mais elle sont plaquées sur des personnages mal modélisés, et qui souffrent d'une animation boiteuse. Bref, le rendu visuel de Two Worlds n'est pas à la hauteur de ce que le joueur d'Oblivion est désormais en droit d'attendre. La dimension sonore, plus quelconque, est néanmoins d'une bonne qualité d'ensemble. Mention spéciale pour la musique d'intro, décalée et jouissive. Impossible par contre de passer sous silence le doublage en français catastrophique, qui ne laisse ressentir aucune émotion crédible chez vos interlocuteurs.
Les Plus
  • La liberté d'action dans un monde vaste et varié
  • Les nombreuses possibilités d'évolution de votre personnage
  • Le fun et la simplicité d'un hack & slash
Les Moins
  • La réalisation en demi-teinte
  • La faiblesse de l'IA, les bugs et les problèmes de collision qui nuisent au réalisme
  • La présence de nombreux clones et l'absence inexpliquée des femmes
  • Les montures difficilement contrôlables
Résultat

Finalement la révolution annoncée n'a pas eu lieu et Two Worlds ne parvient malheureusement pas à faire oublier la concurrence. Difficile de viser la simplicité et le plaisir de jeu tout en multipliant les ambitions démesurées. Mal calibrées, mal intégrées, mal exploitées, les bonnes idées de départ finissent par desservir le titre des studios Reality Pump. Oblivion et Gothic III sont des jeux sans doute plus difficiles d'accès, mais finalement plus gratifiants, car mieux réalisés et plus immersifs. Mais Two Worlds reste une bonne alternative pour les férus du genre qui auraient retourné en long et en large les deux titres précités. Ils prendront un certain plaisir à parcourir cet univers immense, une meute de loups à leur trousse...

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