Test | Ghosts 'n Goblins Resurrection
26 févr. 2021

Cuir, latex et caleçons rouillés

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Ghosts 'n Goblins Resurrection
  • Éditeur Capcom
  • Développeur Capcom
  • Sortie initiale 25 févr. 2021
  • Genres Action, Aventure, Plateformes

C'était bien, les années 80 : les baladeurs, les flippers dans les cafés, ces saletés de jeux vidéo à la maniabilité pourrie et à la difficulté immonde... Capcom a décidé de faire pleurer de nostalgie la Génération Y avec ce remake d'un classique. Pleurer de nostalgie et aussi de rage quits, attention.

L'histoire

Dans les années 80, les développeurs ne s'ennuyaient pas avec les scénarios. Un héros, une princesse, un démon / dragon / soldat / ninja / alien... et en trente secondes d'écrans fixes, c'était plié. Sans surprise, c'est comme ça que débute Ghosts 'n Goblins Resurrection – ça aurait pu tomber sur Mario, cette fois-ci c'est Arthur, chevalier courageux et exhibitionniste qui aime crapahuter en caleçon. Il faudrait expliquer Meetic et autres Adopte un Mec aux héros de jeux vidéo des années 80, ça vous épargnerait bien des ampoules aux doigts.
Une princesse croise un démon : que croyez-vous qu'il arriva… ?

Le principe

Vous noterez qu'Arthur était sur le point de conclure.

Ghosts 'n Goblins Resurrection s'inspire énormément de deux jeux mythiques des années 80 : Ghosts 'n Goblins sorti en 1985, et Ghouls 'n Ghosts en 1988 – si vous aviez une Super Nintendo, vous aviez sûrement la Super cartouche sur votre étagère d'ado, à côté de Castlevania IV. Le but est simple : vous commencez à gauche, et il faut aller à droite. De rien, testeur de jeux vidéo, c'est un métier, un sacerdoce. Bon, évidemment, le jeu regorge d'ennemis et de pièges : zombies, spectres, démons, trolls, et autres %$/*!@ de &%?§#£ de gargouilles – le démon rouge qui aura eu droit à sa propre série de jeux, notamment sur Game Boy et Super Nintendo. Petite particularité de la série : les ennemis déboulent non-stop, ce qui vous oblige à trouver le bon tempo pour avancer. Si vous êtes trop lent, vous vous faites submerger. Si vous allez trop vite... les pièges ou les chutes vous tuent. Cruel dilemme.
Les ennemis vous mettent la pression en déboulant non-stop

La maniabilité (d'époque)

Une fois que vous avez l'arbalète, ne changez plus d'arme.

Qui dit années 80 dit maniabilité rigide. Oh, vous avez sûrement oublié, tant la mémoire a tendance à gommer les blessures et à ne retenir que le meilleur de la vie, les belles rencontres. Des gens qui vous ont tendu la main, peut-être à un moment où vous ne pouviez pas, où vous étiez seul chez vous, confiné. Mais dans les années 80, les développeurs ne savaient pas programmer des sauts – enfin, sauf dans les Mario. Quand vous sautiez, vous aviez rarement la possibilité de bien diriger votre personnage en l'air.

Autre exemple : si les joueurs des Castlevania se souviennent des escaliers, sans doute les pires ennemis du jeu, les fans de Ghosts 'n Goblins ont les cheveux qui tombent en se rappelant des échelles. Impossible d'en attraper une en plein saut, pensez-vous ; cette innovation brillante date des années Mega Man. Douloureux quand le sol est tapissé d'ennemis ou qu'il s'effondre sous vos pieds. Tant pis, il faut se placer au pied de l'échelle pour qu'elle daigne vous autoriser à y grimper – c'était comme ça dans les années 80, et ça l'est encore dans cette suite spirituelle.

Un dernier exemple ? Les collisions. Ah, les collisions. Sans elles, le Joueur du Grenier n'existerait probablement pas. Si elles sont très précises dans Ghosts 'n Goblins comme dans ce nouvel opus (heureusement), elles déclenchent ce petit mouvement de recul bien fourbe qui aura permis aux revendeurs spécialisés de vendre tant de manettes neuves. Ces reculs en cas de blessure sont d'ailleurs souvent fournis avec des plateformes étroites et des ennemis volants, parce que quoi de plus rigolo que de tomber dans le vide après avoir été touché alors que vous étiez full life. Les programmeurs de ces collisions brûlent sans doute dans le lac de feu pour l'éternité, mais le mal est fait.
Les échelles, pires ennemies du jeu.

Les nouveautés

Après avoir investi toutes vos fées dans un sort, vous verrez que les ennemis sont immunisés (rires)

Vous êtes toujours là ? Vous admirez les beaux screenshots en vous disant que vous avez fini tous les From Software ? Et même en remplaçant la Dual Shock par des bongos ? Parfait, alors puisque vous faites partie de l'élite, dévoilons un peu ce que cet hymne aux années 80 propose de nouveau. Un, des graphismes somptueux. Oui, de rien, ça ne vous avait pas échappé, à Gamatomic non plus. Seize mots quand même sur la direction artistique somptueuse et le style aquarelle de toute beauté. Deux, des musiques orchestrales à faire crever de jalousie Danny Elfman – le thème principal est monstrueux, vous allez le mettre en sonnerie.

Trois, des pouvoirs magiques à acheter avec les petites fées récupérées (difficilement) dans les niveaux – ces petites garces vous fuient systématiquement, déclenchant des courses-poursuites très souvent mortelles pour vous. Quatre, des graphismes et des animations à tomber par terre, même si vous étiez assis par terre – certes vous l'aviez déjà lu au-dessus, mais cela contribue tellement à vous motiver après avoir raté une de ces sales fées du démon. Cinq, un mode de difficulté « Laquais » avec des vies infinies, et qui vous traite de puceau si vous avez le malheur de le choisir – impossible de changer la difficulté en cours de route, Laquais un jour, Laquais toujours. Cinq point deux : un mode de difficulté légendaire pour transformer le jeu en shoot 'em up et les joueurs en créatures de cuir et de latex bâillonnées ; et un mode contre le chrono, arrêtez de MMhmMMHHhmHh d'aise, évidemment que ça vous fait plaisir. Et six : voir ci-dessous.
Ni remaster, ni remake : une réinvention réussie de deux chefs-d'œuvre

Le multi

Le petit Jésus flottant est un deuxième joueur. Qui ne fait rien en l'occurrence – changez d'ami.

Parce qu'il n'y a rien de plus triste que de souffrir seul, Ghosts 'n Goblins Resurrection vous propose de la coop. Oh, pas de la coop à la mode des années 80, quand chaque victime devait jouer à tour de rôle – oui Super Mario Bros sur NES, Luigi te voit. Non, de la vraie coop, en simultané : un qui dirige Arthur, l'autre un spectre doté de pouvoirs disponibles à la volée. Comme construire un pont spectral, élu pouvoir le plus pourri de 2021, même si l'année ne fait que commencer. Circulez, vous n'êtes pas dans Lemmings ici. Plus intéressant : attraper Arthur et l'emporter tel un Tails gothique. Ou générer un bouclier de protection. Le second joueur peut passer d'un pouvoir à l'autre à tout moment, mais disparaît quelques secondes s'il se fait toucher. Vous n'alliez quand même pas finir le jeu en mode « Laquais » et en coop, espèces de fieffés... jouvenceaux... ?
Un autre joueur peut vous rejoindre à tout moment

Pour qui ?

Vous avez bien fait de garder l'arbalète.

Si vous aimez vraiment tout des années 80, les crayons et leurs cassettes audio, les joggings fluos et les bornes d'arcade gloutonnes, ce Ghosts 'n Goblins Resurrection est fait pour vous. Quelle Madeleine de Sade délicieuse. Alors certes, les nouveaux venus ou les paresseux peuvent le finir avec les vies illimitées, eux qui sont biberonnés aux jeux faciles des années 20XX (et aux rembobinages des émulateurs modernes, quelle déchéance). Les autres souffriront en silence. Chercheront tous les coffres. Attraperont toutes ces traînées de fées. Débloqueront tous les pouvoirs... le tout pendant des dizaines d'heures de plaisir coupable. Car après tout cher Salieri, comme le chante le poète en tournée : « C'est si bon de souffrir ; Succombe au charme ; Donne tes larmes... »
Des heures et des heures de souffrances délicieuses

L'anecdote

La situation est parfois comment dire... tendue.

Rejouer à Ghosts 'n Goblins Resurrection rappelle à quel point les jeux des années 80 étaient difficiles. Pas Shovel Knight difficiles : plutôt Ninja Gaiden difficiles. J'ai parlé de la maniabilité, c'est un coup à prendre. Comme les collisions qui vous font reculer et souvent tomber. Sans oublier les vagues d'ennemis incessantes qui ont presque disparu des jeux modernes – le Ghosts 'n Goblins de 1985 proposait le même type de challenge qu'un Contra (Probotector en Europe). C'est presque l'invention des run and gun : mitrailler et foncer. Quitte à faire des erreurs. Bêtes. Fatales. Si vous cherchez un exemple récent de ce type très particulier de difficulté, regardez du côté de Cuphead. Et apprenez à vous méfier des jeux ultra difficiles aux graphismes adorables.
Méfiez-vous des jeux mignons
Les Plus
  • Enfin une vraie réinvention d'un classique, soignée, avec des nouveautés : ça fait plaisir
  • La direction artistique, les musiques
  • Les compétences à débloquer
  • 30 € seulement, ça va
Les Moins
  • Cette maniabilité années 80 du démon
  • Vous allez détester les fées...
Résultat

Capcom a pensé à tous les joueurs. Les vétérans qui retrouveront une maniabilité et une difficulté d'époque. Les nouveaux venus qui pourront finir le jeu et s'amuser à tout débloquer facilement avec les vies infinies. Et les parents qui feront découvrir les jeux de leur enfance à leur descendance avec le mode coop. Le tout avec une réalisation somptueuse qui vous pousse toujours à vous acharner, à vous dépasser, et ce malgré des sauts tendus comme des strings rouillés. Vivement des suites – coucou Gargoyle's Quest.

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