Test | Demon's Souls
11 déc. 2020

Au nom du Fist

Testé par sur
Demon's Souls

C'est le jour de la marmotte ! Préparez-vous à endurer mille supplices dans Demon's Souls, le bourreau qui vous fait mourir en boucle. Brûlé, empalé, écrasé, électrocuté, tentaculé, empoisonné – la liste est longue comme un jour sans fin. Jusqu'à ce que vous trouviez la build de vos rêves, pour rouler sur le jeu et briser le cycle infernal.

Les Atomes 2020

Vous vous en doutez, chaque membre de la rédaction n'a matériellement pas pu jouer à tous les jeux testés durant cette année sur Gamatomic. Alors, plutôt que de vous proposer une sélection collégiale mais forcément faussée, chacun de nous a souhaité remettre en avant un jeu qui l'a particulièrement marqué sur ces derniers mois.

Pour ma part, j'ai donc choisi Demon's Souls. Pour mon premier Souls, quel choc ! Les combats éprouvants avec mon Chevalier, ces duels d'escrime où il faut bien estimer les distances, les parades, les contres, les esquives... Les premiers gadins aussi face à un Chevalier de la Tour trop résistant pour mon héros level 8. Les heures passées à discuter des meilleures builds avec mes amis damondamon, CCOX et newbios. Les tutos d'ExServ. Pour comprendre les mécaniques cryptiques de consommation d'âmes de héros légendaires lootés sur le champ de bataille, ou encore de coop imbuvable. Pour réussir enfin quelques parties avec des inconnus et les voir se faire aplatir sous mes yeux par des boss. Lutter contre le Flamelurker, et me rendre compte après l'avoir vaincu que j'avais des protections contre le feu dans mon inventaire – équipement auquel je n'avais pas pensé ! Bref, apprendre à la dure. Avec cette satisfaction, une fois le farm débloqué monde 4-3, de rouler sur ces mêmes ennemis qui me faisaient trembler quelques heures plus tôt. Un grand jeu, par le stress et la tension qu'il crée, par sa façon impitoyable de se montrer tour à tour frustrant et exaltant. Mais un grand jeu à l'équilibrage éclaté, digne héritier du matériau source de 2009.

Voilà, vous savez maintenant pourquoi Demon's Souls est indispensable à mes yeux. Si vous souhaitez en savoir plus – ce qui voudrait dire que j'ai rempli mon contrat d'influenceur –, je vous laisse continuer la lecture du test.
Ce jeu est le coup de cœur 2020 de Maverick et il vous explique pourquoi

L'histoire

Une communauté de fidèles adule la difficulté cryptique du jeu.

On ne va pas se mentir, le scénario de Demon's Souls est d'abord cryptique. L'action se passe dans un royaume médiéval démoniaque, Bolétaria, envahi par une brume épaisse et par des monstres qui mangent des âmes. Point. Débrouillez-vous avec ça, le jeu démarre au pied d'un château avec un dragon, des squelettes qui vous attaquent, pas le temps de lire des pages et des pages de texte – le lore de Demon's Souls est riche mais ne se livre pas facilement, à l'image du jeu. Il faudra explorer le premier niveau, écouter un enfant chauve dans le Nexus et parler avec les rares PNJ pour découvrir petit à petit des lambeaux d'histoire. Ou faire comme tous les amateurs de Souls : fouiner sur le Net et discuter avec ses amis.
Un royaume médiéval fantastique, une brume épaisse et des monstres dévoreurs d'âmes

Le principe

Quel plaisir de fumer enfin un boss après qu'il vous a rôti le croupion pendant des heures.

Ne vous fiez pas à cette direction artistique de toute beauté, à ces décors en 4K HDR 60 fps magnifiques, à cette utilisation parfaite de la DualSense. Méfiez-vous de cet écrin trompeur qui magnifie le jeu originel de 2009. Demon's Souls est une catin déguisée en princesse. Sa difficulté est brutale. Chaque combat est un puzzle dont il faut trouver la solution. D'abord parce que les ennemis ont des patterns qu'il faut apprendre par cœur, dans la douleur, chaque coup reçu faisant énormément de dégâts – même après des heures de jeu, certains ennemis peuvent encore vous one shooter. Ensuite parce que les timings sont serrés, précis, et que le jeu vous fait souvent pécher par gourmandise – vous pensez avoir le temps de placer un dernier coup, alors que non. Enfin parce que Demon's Souls a érigé la frustration en art avec quelques mécaniques simples. Perdre ses âmes, la monnaie du jeu, et revenir sur son cadavre sans mourir à nouveau pour les récupérer. Des checkpoints très espacés, disponibles uniquement après avoir vaincu un boss dans cette version. Et la fameuse jauge d'endurance. Pour faire simple, chaque action coûte de l'endurance. Attaquer en consomme. Faire une roulade aussi. Parer avec un bouclier : pareil. Courir... vous avez compris le principe.
Vous pensez avoir le temps de placer un dernier coup, alors que non

La difficulté

Le mode photo permet d'admirer le niveau de détail hallucinant. Et de jouer avec les poses !

L'endurance se régénère automatiquement à condition de ne rien faire. Autant dire qu'en plein combat, il faut garder un œil dessus et prendre des risques. Comme reculer. Ou baisser la garde si vous jouez un Chevalier. Impossible de bourriner donc : chaque combat ressemble à un duel d'escrime avec des pauses, des attaques brutales et rapides, des tentatives de contournement, des esquives bien timées et des contres difficiles à placer. Surtout dans les tunnels et les galeries souterraines où les mouvements sont réduits – dommage pour votre Claymore large comme un chariot et payée plusieurs milliers d'âmes. Rajoutez les herbes qui redonnent de la vie mais prennent une seconde à être consommées, seconde souvent utilisée par vos ennemis pour interrompre votre geste et donc votre régénération, et vous obtenez un jeu sévère et exigeant. Qui vous renvoie au début de la zone en cas de mort, sans feu de camp intermédiaire – dommage si vous êtes mort devant la porte du boss, ou face à lui. Un régal pour certains. Un supplice pour beaucoup.
Peu de checkpoints, pas de feu de camp – dommage si vous êtes mort devant le boss

La trahison

Répartissez-vous les rôles en coop : un qui loote, un qui attaque par exemple.

Le premier niveau de Demon's Souls est fantastique. Chaque combat est une épreuve dont la victoire procure une immense fierté. Vous vous souviendrez longtemps de ce duel intense sur un pont face au Red Eye Knight. De cette dague redoutable que vous avez équipée, qui consomme peu d'endurance et qui permet, après avoir déséquilibré votre adversaire grâce à une parade parfaitement timée au bouclier, de placer un coup mortel. Une parade qui aurait entraîné votre mort si vous l'aviez ratée... Ces débuts sont prometteurs, et le jeu mérite à ce moment la note maximale. Cette idylle ne dure malheureusement pas longtemps.

D'abord parce que le level design des niveaux suivants est parfois décevant. Avec notamment moins de raccourcis pour revenir à votre carcasse fumante et récupérer les âmes perdues en cas de décès. Le monde 4-2 est un cas d'école. C'est un niveau petit, resserré, mais blindé d'ennemis, souvent dans des passages exigus. Sans aucun raccourci jusqu'au boss – sachant qu'il faut le battre pour activer un point de sauvegarde et de téléportation. Même chose face au Rôdeur Enflammé (Flamelurker en VO), ce démon de feu tout droit sorti d'un bestseller Blizzard. C'est normalement une vraie expédition pour arriver jusqu'à lui, ponctuée de nombreux combats pénibles dans des tunnels. Enfin, à moins que... à moins que vous ne cherchiez des tutos en ligne et découvriez un moyen d'éviter des chutes normalement mortelles, pour revenir face à lui en 2 minutes chrono. Une exception ? Non... Même pour le battre, il existe des glitchs à exploiter, en le coinçant dans le décor jusqu'à ce que son IA reset. Est-ce de la triche ? Ou un moyen de contourner la difficulté parfois insurmontable du jeu selon l'arme équipée ou la build choisie, encourageant les joueurs à ruser... ? À finir le jeu avec le wiki qui va bien sur les genoux... ?

Quel paradoxe que ce jeu. Avec ses armes indexées sur des statistiques, comme la fameuse Épée de Sang Bleu sur la Chance qui permet des builds redoutables. Ses sorts trop puissants, la Flèche cherche âme débloquée après le monde 3-3 notamment. Ses glitchs, dont certains ont été patchés et d'autres non – certains Youtubeurs en ont même fait leur signature. Sans aller jusque-là, les connaisseurs font les niveaux dans un ordre précis pour récupérer tel ou tel objet, peaufiner une build, farmer des âmes à l'Autel des Tempêtes (Shrine of Storms), etc. En quelques heures, ils obtiennent un perso plus puissant que les joueurs débutants qui font et refont inlassablement les niveaux en mourant à chaque détour de couloir. Et qui se retrouvent parfois bloqués face à un boss. Ce qui ouvre un débat clef, passionnant, qui va diviser les joueurs. Quand un jeu repose autant sur un équilibre délicat entre risques et récompenses en combat, ne doit-il pas éviter tout abus ? Armes trop puissantes, glitchs, IA, exploits, boss faciles à battre avec telle ou telle magie... ? Sans oublier les problèmes de lock et de caméra qui peuvent faire rager, surtout quand on perd 20 minutes de progression. Voire 10 000 âmes...
Faut-il jouer à la loyale quand le jeu a autant de failles : IA, glitchs, sorts surpuissants… ?

Le multi

En coop, comme vous êtes obligé d'avoir une forme humaine, vous vous ferez souvent envahir...

Si c'est votre premier Souls, jouer en coop est une bonne idée. Invoquer un ou plusieurs alliés permet de distraire les ennemis, de palier un mauvais choix de classe de départ (la magie donne un réel avantage) et de vaincre les boss plus facilement. N'espérez pas rouler sur le jeu pour autant. Le multi de Demon's Souls est hyper contraignant, beaucoup plus que ses successeurs, au point que certains sites proposent des tutos aussi longs que ce test. La pire contrainte est la limite de niveau. Elle vous empêche de jouer avec un ami qui aurait plus de 10 niveaux que vous – attention à bien leveler ensemble si vous jouez en coop sur la durée. Il faut aussi supporter un système pénible de pierres à poser au sol, de joueur host qui doit être sous forme humaine et... de PvP impossible à désactiver.

À partir du moment où vous jouez sous forme humaine en ligne, vous pouvez vous faire envahir par d'autres joueurs. Même si vous avez mis un mot de passe. L'idée étant de rééquilibrer la difficulté, la forme humaine vous donnant plus de vie que la forme spectrale. C'est amusant si vous avez la Meat Cleaver, une épée scalée sur la Force et la Dextérité, capable d'aplatir littéralement un ennemi. Ça l'est moins quand vous démarrez et que vous ne savez pas encore rouler comme un panda bourré pour esquiver attaques lourdes et projectiles magiques. Surtout vu le déséquilibre des classes et des builds, et la violence de certains sorts end game qui peuvent carrément faire perdre un level à vos ennemis en PvP. Jouer en coop est possible mais pas évident, ce qui risque de frustrer ceux qui espéraient découvrir le jeu au calme avec des amis plus expérimentés.
Le jeu en coop a ses propres contraintes : level cap et PvP

Pour qui ?

Si vous mourez avant d'avoir vaincu le boss, vous devez retraverser le niveau. Punitif...

Ce n'est peut-être pas le meilleur des Souls pour démarrer – contrairement à un Dark Souls III plus moderne. Mais ce Demon's Souls a tellement d'allure qu'il fait de l'œil à tous, y compris à ceux qui ne se sont encore jamais fait fouetter l'ego par un Souls. Ceux-là devraient y réfléchir à deux fois avant de payer les 80 € exorbitants réclamés par Sony. La difficulté inégale, le level design de 2009, l'absence de checkpoints entre les boss, la coop restrictive et le PvP imposé rendent l'expérience frustrante. Il faut aussi aimer discuter avec des experts, fouiller les fandoms et les wikis, regarder les tutos sur YouTube, découvrir les meilleures builds, armes et sorts. Cela fait partie du charme de la série pour ses fans les plus hardcore. Ceux qui, après avoir farmé des âmes et débloqué une build abusée, se moquent d'ennemis soudain impuissants. Difficile de ne pas y voir un jeu mal équilibré et au level design daté pour les autres, qui risquent d'abandonner après quelques heures de supplice et d'impatience. Notamment quand il faut refaire tout un niveau, pour mourir encore une fois devant le même boss. Face aux jeux mainstream qui font tout pour éviter la frustration (coucou Marvel's Spider-Man : Miles Morales), quitte à rogner sur la peur de tout perdre et sur la sensation d'accomplissement une fois l'obstacle vaincu, ce Demon's Souls a le courage de proposer une philosophie radicalement opposée.
Demon's Souls oscille entre rage et fierté, mélange rare au milieu des fournées de jeux mainstream

L'anecdote

Le Panthéon du Nexus permet de voir les builds des autres joueurs – ici un Chevalier devenu Magot.

C'est décidé, vous allez sauter le pas ? Ce sera votre premier Souls ? Quelques conseils alors. Ne regardez aucune vidéo. Aucun wiki. Lancez le jeu, choisissez la classe qui vous fait plaisir, et démarrez une partie. Gardez en tête que c'est votre premier run, que vous allez faire des erreurs, tâtonner. Que oui, vous allez peut-être payer 2 000 âmes une arbalète moisie que vous auriez eu gratos plus loin dans le jeu – au lieu de retourner au Nexus pour gonfler vos stats. Vous allez peut-être souffrir face au boss 1-2 parce que vous n'êtes que niveau 8 ; que vous ne saviez pas qu'on pouvait consommer les âmes des soldats errants lootées dans le premier niveau ; puis les dépenser pour augmenter la Vitalité, l'Endurance et la Force de votre Chevalier – et revenir botter les fesses du Chevalier de la Tour tant détesté.

C'est normal. Tôt ou tard, vous allez tout recommencer. Refaire un perso. Repartir de zéro. Et trouver le style qui vous convient. Avec l'aide de quelques amis que je salue dans mon cas – damondamon, CCOX et newbios dont je vous conseille le mook. Et de Youtubeurs passionnés comme Ex Serv. Il propose des tutos pour faire chaque niveau à la loyale – son guide des classes de départ est un must. Même sans amis, vous êtes en bonne compagnie avec lui !
Gardez en tête que lors de votre premier run, vous allez faire des erreurs
Les Plus
  • L'école du skill : la précision du gameplay, les duels éreintants
  • Frustrant, atroce parfois, mais qui donne toujours envie d'y revenir par fierté
  • La direction artistique
  • La réalisation technique
  • Les temps de chargement ridiculement courts (quelques secondes)
  • L'utilisation de la DualSense
Les Moins
  • Les problèmes de lock et de caméra
  • La difficulté en dents de scie selon les classes et les builds
  • Un trop gros avantage à la magie vs builds au corps-à-corps
  • Le coop avec son level cap de 10 niveaux d'écart
  • Le PvP impossible à désactiver en ligne sous forme humaine
  • L'absence de checkpoints avant les boss
Résultat

Quelle tristesse. Avec sa réalisation somptueuse et son mode Performance à 60 fps, Demon's Souls avait toutes les qualités requises pour réconcilier les fans avec les novices des Souls. C'était sans compter sur le respect scrupuleux, compréhensible mais regrettable, de la matière originelle de 2009. Magie trop puissante, armes indexées sur une compétence qui permettent de one shooter beaucoup d'ennemis et de rouler sur le jeu comme sur le PvP... Si les fans ont intégré ces limites au point de faire des runs parfaits et d'en tirer satisfaction, impossible de ne pas y voir une trahison : de la dextérité et de la difficulté revendiquées, de ces combats dantesques gagnés à la sueur de votre skill – après de nombreux échecs qui auront enflammé votre ego. Dommage qu'un jeu aussi exigeant soit parfois cassé dans son gameplay. Que, faute d'équilibre, ce titre exceptionnel, tour à tour frustrant et exaltant, n'aille pas toujours au bout de son concept génial.

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