Test | Marvel's Spider-Man : Miles Morales
30 nov. 2020

Noir c'est noir

Testé par sur
Marvel's Spider-Man : Miles Morales

Quand il n'y a plus d'espoir : violences, milices, fresque murale Black Lives Matter en jeu... Marvel's Spider-Man : Miles Morales tourne le dos à la Terre-1610 pour nous renvoyer à l'actualité dans ce qu'elle a de plus tragique. Un parti pris étonnant quand on connaît l'amour des développeurs pour le matériau original, qui laissait espérer beaucoup plus de folie et de délires – à l'image du film d'animation Spider-Man : New Generation.

L'histoire

Tout va bien dans la vie de Miles : il est pote avec Peter Parker, se fait des toiles avec lui (littéralement), apprend à boire son café tête à l'envers, dessine des costumes avec son ami Ganke Lee, ment à sa mère Rio Morales, capture Rhino, retrouve son amie d'enfance Phin Mason, renoue avec son oncle Aaron Davis, pense de temps en temps à son père décédé dans l'opus précédent... La routine. Tout dérape quand Peter Parker part en Europe quelques jours pour le Daily Bugle, laissant Miles en charge de New York. Une destruction du pont de Brooklyn (Braitwaithe Bridge en jeu) et d'Harlem plus tard, mission réussie. Miles a gagné en maturité et en compétences, découvrant de nouveaux pouvoirs qui rendraient jaloux Parker : l'invisibilité, si pratique pour les missions d'infiltration, et les décharges bio-électriques pour recharger les smartphones. Et les ennemis.
Miles remplace Peter Parker le temps d'un jeu.

Le principe

Vous pouvez combiner les deux nouveaux pouvoirs pour un max de dégâts : invisibilité et bio-énergie.

Marvel's Spider-Man : Miles Morales est la suite directe de Marvel's Spider-Man : un open world qui alterne action et infiltration. Pas besoin du jeu original pour y jouer, et pas besoin d'avoir fini le précédent non plus. Un résumé vous rappelle les aventures de Peter Parker, et un tuto vous explique les commandes même après six heures de jeu. Marvel's Spider-Man : Miles Morales est un jeu fast-food, un jeu arcade incroyablement accessible et facile, le blockbuster mainstream par excellence.

La difficulté est inférieure à celle des DLC La Ville qui ne dort jamais du précédent jeu. Les ennemis les plus coriaces y sont moins nombreux, même dans la dernière mission. Les Quick Time Events sont impossible à rater – le jeu se mettant sur pause au besoin, façon Marvel's Avengers. Et les boss sont faciles : même si vous perdez, vous revenez full life à l'étape où vous en étiez, avec l'armure fracturée de Rhino le laissant vulnérable à vos attaques bio-électriques par exemple. Couplées aux vies infinies, ces sauvegardes permissives rendent le jeu très court : 6 h environ pour un premier run, cinématiques comprises. Moins si vous tentez le New Game+.
Le blockbuster mainstream par excellence

Le gameplay

L'invisibilité facilite l'infiltration (ou la fuite).

Pour compenser, les développeurs ont eu la main lourde sur des objectifs annexes répétitifs. La carte est remplie d'icônes : caisses à looter, camps ennemis à nettoyer, vous connaissez le principe. Petite nouveauté : le Rôdeur (Prowler en VO) vous demande d'écouter votre environnement pour retrouver un son de référence, le tout dans des zones très précises. Une excellente idée qui met en avant le son 3D, remarquable, pour les joueurs bourgeois bien équipés. Quelques missions secondaires permettent d'aider le quartier d'Harlem (voir Anecdote plus bas) – des commerçants dévalisés, une habitante kidnappée par exemple. Rien de mémorable cependant. Pour le reste, la photocopieuse crache des objectifs copiés-collés et des « Crimes in progress » tirés de Marvel's Spider-Man jusqu'à l'écœurement. C'était déjà le talon d'Achille du précédent jeu, mais l'histoire autrement plus longue faisait alors illusion.

Reste le gameplay bien rodé. Virevolter dans New York est incroyablement satisfaisant : les mouvements de base sont faciles mais le jeu réserve quand même une belle courbe de progression. Prendre de la hauteur ou de la vitesse n'est pas si simple, malgré l'ajout des pouvoirs Venom utilisables en pleine course. Et surtout en plein combat. Les combos permettent de recharger une barre de bio-électricité qui immobilise les ennemis. À condition d'investir de l'XP dans les compétences Venom, vous pouvez facilement contrôler les groupes ennemis – enfin, jusqu'à ce que certains adversaires munis de boucliers capables de contrer ces attaques ne viennent vous ralentir. L'autre pouvoir est l'invisibilité, très pratique pour visiter une scène de crime à la recherche d'indices en évitant la police, ou pour se transformer en Batman : Arkham Knight. Marvel's Spider-Man : Miles Morales reprend les combos et les esquives de son ancêtre (de 2015, déjà) et se pose en digne successeur des meilleurs Rocksteady.
Le digne successeur des meilleurs Rocksteady

La version PS5

Le ray tracing n'est pas flagrant, à moins de marcher dans les rues ou de ramper sur les façades.

Longtemps annoncé comme une exclu PS5, Marvel's Spider-Man : Miles Morales sort aussi sur PS4. Graphiquement, le jeu tourne à 60 fps sans les reflets ray tracing sur PS5, ou à 30 avec. Honnêtement, dans le feu de l'action, vous ne remarquerez pas les reflets vantés dans les vidéos de Digital Foundry. Sauf dans quelques phases à pied, quand on joue Miles sans son costume. Ou lors des combats dans des labos sponsorisés par Mr Propre. Non, le vrai avantage de la PS5, ce sont les temps de chargement : se téléporter d'un bout à l'autre de la ville est instantané, un vrai régal (sauf pour la durée de vie). Sur PS5 il est même possible de lancer un défi directement depuis les vignettes Trophées du menu pour aller plus vite. Ce qui fera hurler vos amis puristes qui platinent tous leurs jeux à la loyale, comme le joueur Korso Kabyl pour nous – vous en connaissez tous un.

Reste la DualSense, assez mal exploitée par rapport à Astro's Playroom et WRC 9, les deux références du lancement. Les vibrations manquent de subtilité, les attaques spéciales de pêche, les acrobaties d'imagination... Une impression de portage DualShock 2 basique. Heureusement le jeu est magnifique, les textures superbes. Les animations géniales trahissent la jeunesse et l'inexpérience de Miles. Sans oublier les effets spéciaux qui rendent si bien avec le mode Photo. Une vitrine tech de ce que peuvent faire les exclus Sony, et un nouveau coup de canif dans les productions Microsoft – pauvre Halo Infinite.

Un mot enfin sur Marvel's Spider-Man Remastered qui bénéficie de cette technique irréprochable. Et qui vous donnera envie de faire les DLC ou de platiner le jeu. Les sauvegardes PS4 vers PS5 sont enfin compatibles après bien des déboires, vous forçant quand même à patcher le jeu PS4, puis à exporter votre sauvegarde dans le menu principal sur PS4, avant de l'importer depuis le Remaster PS5 – on a connu plus simple, avec le Smart Delivery concurrent au hasard. Malgré le bad buzz, le changement de visage de Parker passe très bien. Il rend toujours justice à son histoire d'amour régulièrement contrariée avec Mary Jane et à son amitié trahie avec le Docteur Otto Octavius. Des émotions que l'on retrouve clairement dans Marvel's Spider-Man : Miles Morales, la famille y étant très présente aussi – entre affection et déceptions, là encore.
Le vrai avantage, ce sont les temps de chargement

Pour qui ?

La tenue New Generation donne des mouvements volontairement saccadés en hommage au film d'animation.

Marvel's Spider-Man : Miles Morales en met plein les yeux, et c'est bien ce qu'on demande à un jeu PS5 – en 60 fps s'il-vous-plaît. Si vous avez besoin d'un jeu vitrine pour justifier l'achat d'une PS5, ne cherchez plus, vous l'avez trouvé. Bon, sauf que le ray tracing n'est pas si visible en situation de jeu. Que la DualSense n'est pas bien exploitée. Qu'il sort aussi sur PS4 au final. Et que l'histoire tourne le dos au lore originel. Où est l'univers barré d'un Spider-Man : New Generation, le film d'animation culte auquel le jeu fait pourtant référence ? Le temps d'une pseudo-suite, d'une parenthèse entre deux épisodes canoniques, Insomniac aurait pu livrer un jeu moins proche du premier qu'avec un simple lifting Noël. Reste un jeu spectaculaire, très facile à prendre en main, aux temps de chargement incroyablement courts sur PS5. Après, si vous voulez vraiment une baffe technique ET une durée de vie en acier, pas de problème : Demon's Souls est là pour froisser votre égo et briser vos os un à un.
Où est l'univers barré d'un Spider-Man : New Generation ?

L'anecdote

Les violences policières sont régulièrement suggérées avec Roxxon, mais jamais assumées.

Si vous êtes fan des comics, l'histoire du jeu vous fera hausser un sourcil façon Spock. Non, Peter Parker n'est pas mort, tué par le Bouffon Vert. Non, Miles Morales n'est pas dans un univers « Ultimate » parallèle. Pas de boss Kangourou en vue. Pas de Taskmaster. Les seuls boss que vous croisez sont Rhino et Tinkerer, plus un dont nous ne parlons pas pour éviter de spoiler. Bref, Miles est bien ancré dans le New York actuel. Ou plutôt dans Harlem. Insomniac a mis le paquet sur ce quartier, au point que ses habitants Noirs appellent Miles Morales « notre Spider-Man ». Là où Peter Parker était le héros de tous les New-Yorkais avant d'être celui du Queens, Miles se concentre sur son quartier et ses habitants. Jusque dans les missions secondaires, toutes situées à deux pas de chez lui.

Marvel's Spider-Man : Miles Morales est un jeu faussement engagé. Son casting est constitué d'Hispaniques et de Noirs qui se démènent contre la méga corporation Roxxon et son CEO transparent, Simon Krieger. Un méchant pathétique dont les milices privées enchaînent les bavures. C'est un Blanc, le seul du jeu. Chacun jugera le scénario selon ses sensibilités. Personnellement, sans parler pour la rédaction dans son ensemble, j'ai été déçu par cette approche. Sans son costume, Miles Morales vit dans une bulle où tout le monde l'aime, lui claque des high fives dans la rue, le tout dans un Harlem idéal et caricatural. Pourquoi ne pas nous avoir montré Miles sans costume harassé par la police ? Fouillé dans la rue ? Brutalisé même ? Défendu par sa mère, candidate aux prochaines élections municipales dans le jeu ? Ce n'est que dans son costume anonyme que Miles est mis en joue ou tabassé par Roxxon, ce qui annule toute réflexion sur les bavures policières racistes. Quant à Rio Morales, elle sert malheureusement de potiche.

Faute d'ambition, le jeu sent la récupération à plein nez. La mise en scène d'une bavure contre Spider-Man, les minorités oppressées par un blanc caricatural, la référence au mouvement Black Lives Matter, tout est trop superficiel. Trop maladroit. Une occasion ratée de partir soit dans le délire des réalités alternatives du multivers comme dans le film Spider-Man : New Generation, soit de délivrer une histoire marquante et réaliste qui fasse écho au quotidien de beaucoup. Peut-être était-ce trop demander à un blockbuster tiraillé entre ses développeurs californiens et le besoin de rentabilité mainstream de Marvel.
Peter Parker était le héros de tous les New-Yorkais, Miles se contente d'Harlem
Les Plus
  • Les combats à la Rocksteady
  • La réalisation, les 60 fps sur PS5
  • Les animations qui tranchent avec celles de Peter Parker
  • Un Miles Morales émouvant
Les Moins
  • Six heures seulement pour boucler l'histoire, en traînant un peu
  • Toujours pas de multijoueur, pas de coop Peter & Miles
  • Surfer sur l'actualité sans traiter le fond : racisme et violences policières
Résultat

Vous aimez les films de Michael Bay ? Vous aimerez Marvel's Spider-Man : Miles Morales. Séquences spectaculaires, gameplay intuitif inspiré des jeux Rocksteady, sauvegardes qui permettent de recommencer immédiatement sans rien perdre de sa progression... Un jeu facile, rapide, vite consommé. C'est une superbe démo technologique, un jeu de lancement parfait. N'espérez pas y passer des dizaines d'heures par contre : après avoir plié la campagne principale en un week-end, la constellation d'objectifs copiés-collés vous donnera des boutons. Reste que ce lancement de console trouve son équilibre entre jeux accessibles (Marvel's Spider-Man : Miles Morales, DiRT 5) et exigeants (Demon's Souls, WRC 9). À vous de choisir votre camp.

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