Test | Chicken Police
12 janv. 2021

Le poulet montre les crocs

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Chicken Police - Paint in RED!

Vous êtes Sonny Featherland, un inspecteur relevé de ses fonctions à deux plumes de la retraite. Alors que la douce idée de sombrer dans un verre de whisky vous fait frétiller la crête de coq, vous plongez à la place dans une enquête sordide mêlant pègre, club privé et gratin de la ville. Immanquablement, votre flair de poulet vous mène de coups fourrés en trous à rats, épaulé de votre fidèle acolyte. Si la piste démarre par quelques miettes éparpillées, votre appétit de vieux roublard de la police sera largement comblé. Ça tombe bien, maintenant les poules ont des dents.

L'histoire

Suspendu du commissariat à quelques jours de la retraite et recyclé en détective privé qui se respecte, vos meilleurs amis sont un bon verre de whisky et quelques glaçons. Ce sont eux qui vous accompagneront pour célébrer le réveillon du 31 décembre, dans votre bureau, qui est aussi votre appartement. Mais en arrivant chez vous, quelque chose cloche : la porte est ouverte. Dans la pénombre, vous dégainez votre revolver et le pointez sur l'ombre qui se tient près de la fenêtre. Qui donc ose cambrioler le bureau d'un ancien flic ? Vous allumez la lumière pour découvrir une superbe créature apeurée. Elle est envoyée par une célèbre chanteuse et accessoirement petite amie d'un parrain mafieux suite à des menaces anonymes qu'elle a reçues. Vous vous apprêtez à éconduire la jeune assistante quand celle-ci prononce le prénom de votre ex-femme, disparue il y a quelques années. Finalement, le whisky et les glaçons ne serons pas vos compagnons de soirée en solitaire. Pour mettre la lumière sur cette affaire, vous vous rendez au commissariat emprunter les services de votre ancien partenaire, un jeune coq fougueux à la répartie plus vive que le sifflement des balles. Bienvenue dans Chicken Police !
Les poules montrent les dents !

Le principe

Posez les bonnes questions pour lui tirer les croquettes du nez.

Chicken Police est certes un jeu d'enquête, il emprunte à de nombreux genres. D'abord le point'n'click, lors des phases d'exploration de scènes où, au clic sur un objet ou une personne, un menu contextuel s'ouvre et vous autorise plusieurs actions, de l'observation commentée à des séquences de dialogue. L'aventure narrative ensuite, du fait des nombreux échanges avec les personnages, les dialogues bourrés de blagues et de références, permettant de faire avancer l'histoire mais sans l'influer. Le jeu d'enquête enfin, où les interrogatoires bien menés couplés à des pièces à relier sur un tableau de liège permettent à notre héros de résoudre progressivement ce puzzle. Tout cela sans grande difficulté : les interrogatoires peuvent plus ou moins bien se passer mais en influant juste sur votre réputation de fin limier. Pour progresser, vous explorez différents lieux : le commissariat, le cabaret, la maison close, une maison de week-end, un restaurant qui vous sert de QG... Mais sans avoir à les explorer de fond en comble ni assembler de manière aléatoire des objets à la Sam & Max. Seule l'ouverture d'un coffre-fort qui fera appel à une énigme liée à votre observation dans un autre lieu nécessitera de faire fonctionner vos méninges et votre flair. Pour le reste : installez-vous confortablement et profitez du film.
Le polar dont vous êtes le héros

L'ambiance

Toute l'intrigue tourne autour de l'art, sous toutes ses formes.

En surface, Chicken Police puise dans les codes classiques du film noir. Rien que les ouvertures de chapitre, à base de monologue torturé du héros, enfoncent le clou du cliché bien connu du détective solitaire et rejeté. Comment ne pas penser à L.A. Noire ou Grim Fandango ? L'équipe de The Wild Gentlemen y fait largement honneur, mais pas seulement : de nombreuses affiches de film des années 1950 ont été reproduites avec les personnages du jeu, tandis que les deux héros sont des auteurs de romans policiers de bas étage. Tout l'univers du jeu est un ensemble de références, jusqu'au héros Santiano "Sonny" Featherland, dont le nom est étrangement proche du plus célèbre des commissaires de police française : San Antonio.

Au fil des tableaux, les décors, la musique jazz lancinante, les dialogues joués à la perfection vous plongent dans les heures de gloire d'Hollywood, alternant séquences vidéo et séquences de jeu, sans jamais vous faire lâcher la manette.
Le film noir en trame de fond

Pour qui ?

Qui tire les ficelles ? Certainement pas un gros jambon...

Même si les interrogatoires peuvent vous apporter une petite dose de stress psychologique, la difficulté quasi absente du titre – que ce soit dans l'enquête ou les rares scènes d'action rythmées par vos coups de revolver – vous permettra de profiter de l'ambiance et de la narration. Cependant, le langage très adulte des personnages, leurs insinuations et l'humour aussi cru qu'un blanc de dinde tout juste sorti de son emballage appellent clairement Chicken Police à ne pas tomber entre toutes les pattes.

Si vous cherchez un titre à l'ambiance soignée et que vous n'êtes pas du genre à sauter les dialogues pour cliquer partout au hasard, Chicken Police vous intéressera à bien des égards.
Comme un bon vieux San Antonio

L'anecdote

Ces deux-là sont le moteur conversationnel dont on ne se lasse pas.

Au-delà des opportunités proposées par l'anthropomorphisme avec des dialogues animaliers à double sens, Chicken Police m'a étonné par la trame de fond qui se dessine sur ce thème. En effet, de manière classique, les animaux anthropomorphiques ont des problèmes malheureusement bien connus de nous tous : certains groupes sont dévalorisés, voire ghettoïsés, tandis que d'autres portent des pseudo-valeurs de pureté. Dans les dialogues, j'ai pu déceler des inquiétudes concernant les mœurs en vigueur : l'opposition des traditionnels qui prônent le concept de race et ne veulent pas se mélanger, contre ceux plus ouverts qui n'ont aucun problème à être en couple avec un animal d'une autre espèce. Un sombre écho à la réalité de l'époque transposée dans le jeu. Par ailleurs, une surcouche m'a sidéré : l'évocation de créatures mythiques, bipèdes et à visage humain. Comme si cette aventure se déroulait des siècles après la disparition de l'espèce humaine, qui aurait légué la Terre à des êtres anthropomorphes issus de laboratoires puis développant leur société intelligente par la suite. Les mythes fondateurs des villes sont évoqués, l'histoire est fortement présente : décidément, Chicken Police est plein de surprises.
Un jeu pas si bête
Les Plus
  • Une ambiance noire très bien rendue
  • Des dialogues qui vous tiennent en haleine
  • Un doublage en anglais d'excellente qualité
  • Le jeu intégralement en français sous-titré
  • Les blagues et références
  • À quand la suite ?
Les Moins
  • Un poil de difficulté supplémentaire aurait été le bienvenu
  • Un léger manque de lisibilité dans l'interface des dialogues, mais on pinaille
Résultat

Avec ses personnages animaliers, Chicken Police ne se contente pas de calquer les codes du polar noir, il se les approprie, s'en amuse, les ironise, va même jusqu'à en souligner l'absurdité par moments... tout cela pour mieux vous charmer, vous emmener avec lui, dans cette enquête aux apparences grossières mais aux liens plus subtils. Le tout en douceur, sans grande difficulté et avec un humour qui frôle le génie dans certaines répliques. Embarquez pour l'enquête d'un soir qui deviendra à coup sûr un de vos romans policiers favoris.

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Tribune libre