Test | Mafia : Definitive Edition
09 oct. 2020

L'amour, la poudre et le sang

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Mafia : Definitive Edition
  • Éditeur 2K Games
  • Développeur Hangar 13
  • Sortie initiale 25 sept. 2020
  • Genre Action

Quelle surprise de rejouer à un monde ouvert de 2002. Découvrir Mafia : Definitive Edition 18 ans après, c'est revenir à l'origine d'un genre. Sans les complications successives, les surcouches graisseuses qui gênent les muscles. Sans les dizaines de marqueurs idiots qui polluent nos jeux modernes. C'est revenir à un monde ouvert court et brutal. À une histoire simple, violente et triste.

L'histoire

Tommy Angelo est chauffeur de taxi, et on ne peut pas dire que ce métier le passionne. Clients agressifs, méprisants... pas de quoi enflammer celui qui rêve d'étoiles, les pieds dans la misère des années 30. Sa vie va changer quand son taxi se fait braquer par Paulie Lombardo et Sam Trapani, deux membres de la famille Salieri. Poursuivi par les flics, à vous de faire vos preuves au volant... et de vous faire remarquer par les deux lascars qui deviendront vos plus proches amis. Engagé comme chauffeur par Don Ennio Salieri, Tommy va grimper les échelons face à la famille rivale Morello. Jusqu'à ce que sa carrière de mafieux ne mette à l'épreuve son amour pour Sarah Marino ainsi que son amitié pour Paulie et Sam...

Mafia : Definitive Edition est un jeu en monde ouvert qui se concentre sur son histoire. Et quelle histoire. Dès la première course-poursuite, on devine que les destins de Tommy, Paulie et Sam vont virer au drame, et le jeu prend un malin plaisir à vous l'annoncer régulièrement – que ce soit par Sarah ou par le consigliere du Don, Frank Colletti. C'est aussi un jeu qui fait l'impasse sur les surcouches ajoutées successivement par Rockstar, Rocksteady et Ubisoft, pour citer quelques créateurs de mondes ouverts remplis d'activités annexes.
De chauffeur de taxi à tueur à gage

Le mode Histoire

La célèbre course est de retour, plus facile que dans l'original. Sauf en difficulté Classique.

Pas de crafting, pas de personnalisation, pas de boutique en jeu pour acheter des costumes ou des voitures dans Mafia : Definitive Edition. Pour un jeu de 2020, ça surprend. Pas d'argent à gérer non plus. Pas de missions secondaires. Pas de mini-jeux. Pas de scripts qui se déclenchent à votre approche quand vous roulez en ville. Pas de tours à escalader pour révéler des actions ultra-répétitives à faire sur la carte. Pas d'icônes flashy pour vous distraire – Mafia : Definitive Edition enchaîne les 20 missions de son mode Histoire sans jamais dévier de sa trajectoire dramatique.

Ne soyez pas surpris : le remaster colle au jeu de 2002 comme un chewing-gum à la semelle. Et balaye d'un revers de la main 20 ans d'évolution de mondes ouverts. Honnêtement, après une multitude de jeux plus boursouflés les uns que les autres, où il faut crapahuter des heures pour looter des ressources indigentes et améliorer une arme de 5 %... répéter les mêmes « missions » d'infiltration en boucle comme dans Watch_Dogs 2... et le nettoyage de forts ennemis copiés-collés façon Assassin's Creed Odyssey... ce Mafia recentré fait du bien. Oubliez les tâches rébarbatives qui diluent l'intérêt des mondes ouverts actuels en gonflant artificiellement leur durée de vie : ce Mafia cogne et cogne bien.
Mafia ne dévie jamais de sa trajectoire dramatique

Le mode Circulation Libre

En Circulation Libre, à vous de retrouver cette voiture grâce à une carte postale.

Au passage, Mafia : Definitive Edition résout le vieux problème de nombreux mondes ouverts. Prenez Batman : Arkham Knight, au hasard : quand le scénario accélère, vous fixe un objectif urgent comme désamorcer une bombe... mais que vous passez quand même dix heures à butiner ressources et upgrades. Dans Mafia, quand il faut attaquer Morello en personne ou venger la mort d'un ami, pas question d'aller chercher les chats du copain (coucou Final Fantasy VII Remake) ou de récupérer 40 saletés pour augmenter le chargeur de votre mitrailleuse Thomson. Le jeu gère son tempo de main de maître. Il ralentit sciemment pour faire ressentir toute la tristesse du quotidien de Tommy Angelo ou de Paulie Lombardo. Quitte à vous faire marcher « inutilement » jusqu'au métro le plus proche. Avant d'accélérer avec une brutalité qui vous prend aux tripes... Le jeu vous emmène toujours quelque part, surtout quand il fait exprès de vous frustrer avec des scènes d'exposition (et de marche à pied) bien lentes.

Après, si jamais vous voulez malgré tout collectionner les renards empaillés, débloquer des voitures ou faire des missions annexes, c'est possible. Mais il faut lancer un autre mode de jeu, Circulation Libre, accessible à tout moment. Là, la ville de Lost Heaven se laisse découvrir à votre rythme. C'est comme si les développeurs avaient coupé leur jeu en deux : 20 missions linéaires dans le mode Histoire avec des personnages complexes et attachants d'un côté. Et de l'autre, un monde ouvert dans Circulation Libre pour platiner le jeu à 100 %. À noter que dans ce mode Circulation Libre, le jeu ne vous donne aucune indication. Il faut être curieux pour trouver des cartes postales épinglées à un mur, qui sont autant d'indices pour dénicher des bolides surpuissants planqués aux quatre coins de la ville. Le choix peut surprendre. Au final, la suppression des icônes qui polluent permet de se concentrer sur l'exploration en Circulation Libre, et sur le scénario en Histoire. Ce qui donne une idée de ce qu'auraient pu être les mondes ouverts actuels s'ils avaient suivi l'ossature de celui-ci : de bons personnages ; une bonne histoire ; et pas des listes de courses, avec des activités redondantes pour cocher des cases.
Un monde ouvert coupé en deux

Pour qui ?

Vous pouvez rejouer n'importe quelle mission et changer la difficulté à la volée.

Si vous aimez les histoires qui finissent mal, Mafia : Definitive Edition est fait pour vous. L'ambiance des années 30, les clins d'œil à De Palma, Scorsese ou Coppola feront chavirer votre petit cœur mafieux. À condition quand même de surmonter quelques faiblesses. Comme l'absence de multijoueur. Ou un clipping très présent, notamment quand on sort de Lost Heaven. Une IA souvent aux fraises, surtout si vous essayez de rusher. Une durée de vie de 7-10 heures pour le mode Histoire. Et un système de couverture mou du genou qui devient un vrai handicap quand on joue en Difficile ou en Classique – vous allez haïr les cocktails Molotov.

Si vous aimez la collectionnite aigüe en revanche : le loot, le craft, les babioles à ramasser et les cartes qui brillent de mille activités nulles et répétitives... passez votre chemin. Ubisoft vous propose chaque hiver deux magnifiques alternatives qui vous encrasseront les artères comme un menu Maxi Best Of bien gras. Et si vous aimez les bonnes histoires avec quand même de la collectionnite... ? Les jeux Rockstar sont toujours en promo, faites-vous plaisir. Ou Marvel's Spider-Man ressort sur PS5. De son côté, Mafia : Definitive Edition est une exception, un ovni. Un Super Soldat démoulé de la glace avec le charme suranné d'une époque révolue.
Vous aimez les histoires qui finissent mal ?

L'anecdote

Certaines scènes sont très cinématographiques avec leurs non-dits. Une exception dans le jeu vidéo.

Contrairement à beaucoup de mondes ouverts, l'histoire de Mafia est très resserrée : 20 missions c'est court, surtout face aux canons du genre. En ligne droite façon speed run, c'est 7 heures de jeu environ. Mais on ne va pas se mentir, mieux vaut 7 heures efficaces que 100 heures de radotage – 20 missions, c'est suffisamment court pour que vous n'ayez pas envie de vous crever les tympans en entendant un Dan Houser surmené faire dire à Dutch van der Linde pour la centième fois « qu'il a un plan ».

C'est sans doute grâce à cette intrigue resserrée que le jeu parvient à être finement dialogué. Tommy Angelo, Sarah Marino et Paulie Lombardo jouent beaucoup sur les non-dits, une rareté dans le jeu vidéo. Comme après cette course-poursuite éprouvante : Tommy rentre chez lui en état de choc, Sarah découvre du sang sur son manteau. Un silence, une demande en mariage, Sarah qui enlace Tommy sans répondre – la caméra s'éloigne pudiquement et dévoile un appartement pauvre mais bien tenu. On imagine la vie que Sarah accepte implicitement : la violence de l'homme qu'elle aime, au lieu d'une vie paisible sans argent. La règle d'or du cinéma, montrer au lieu de dire, fonctionne à plein. Dans le jeu vidéo, seuls Naughty Dog, Insomniac Games et Santa Monica Studio arrivent à faire aussi bien.
La règle d'or du cinéma : montrer au lieu de dire
Les Plus
  • L'histoire, les personnages
  • Les années 30, plutôt rares dans les jeux vidéo
  • Des véhicules superbes, les vraies stars du jeu
  • Un mode Histoire qui va à l'essentiel
  • Un excellent suivi (mode noir et blanc, etc)
Les Moins
  • Un mode Histoire qui se finit en moins de 10 h
  • Pas de multijoueur
  • Une IA basique, une maniabilité pataude, un système de couverture lourdaud
  • Du clipping, des visages et animations faciales parfois ratés selon les éclairages
Résultat

20 missions, 2 familles, 1 drame : Mafia : Definitive Edition n'a rien perdu de son efficacité 18 ans après. La refonte graphique sublime le matériau d'origine malgré quelques imperfections (clipping, maniabilité pataude, visages pas toujours réussis selon les éclairages). Alors non, il n'y a pas d'activités annexes – elles sont planquées dans un mode de jeu à part. Non, il n'y pas de crafting etc., ni de microtransactions qui fleurissent pourtant dans nos jeux vendus 70 et bientôt 80 €. Ce remake ne garde que le muscle de son histoire dramatique, sans s'attarder sur la graisse qui émousse l'intérêt et finit par dissuader les joueurs de finir ces mondes ouverts McDonaldesques. Ça tombe bien, des McDonald's on en trouve à tous les coins de rue. Alors que des bonnes histoires...

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