Test | Super Mario 3D All-Stars
30 oct. 2020

L'art subtil d'une jouabilité

Testé par sur
Super Mario 3D All-Stars
  • Éditeur Nintendo
  • Développeur Nintendo
  • Sortie initiale 18 sept. 2020
  • Genre Plateformes

S'il n'y avait que peu de doutes sur la sortie de ces titres sur la présente ou les futures consoles de Nintendo, la déferlante des trois titres réunis ici étonne. Super Mario Galaxy sans sa suite paraît bien seul, Super Mario Sunshine mériterait les honneurs d'un chantier tel qu'a pu le connaître The Legend of Zelda : The Wind Waker et Super Mario 64 une recréation entière et totale. En contrepartie, nous avons droit à une compilation en édition limitée d'une grande impertinence.

Le principe

Cette compilation réunit les épisodes contemporains, exclusivement en 3D, de la série Super Mario. Les trois épisodes sont de véritables chefs-d'œuvre à découvrir et à redécouvrir qui ne posent que peu de problèmes quant à leur pertinence ludique.

Le souci se trouve plutôt dans leur légitimité technique à sortir en l'état, puisque les trois titres possèdent des défauts d'époque qui auraient mérité d'être corrigés. Après, Nintendo nous ayant habitué depuis la GameCube à un style graphique tout en symbolismes ronds et pastel, c'est à peine si Super Mario Sunshine et Super Mario Galaxy ont vieilli au regard d'un Super Mario Odyssey par exemple.

Une compilation à cheval donc, trop tôt pour Super Mario Sunshine et Super Mario Galaxy, bien trop tard pour Super Mario 64. Si elle n'était pas légitimée par le cadre limité de son édition et par l'exceptionnel de l'anniversaire de Mario, elle serait brûlée sur le bûcher, car pour ne rien arranger la jouabilité est à ce point indigeste que les retrouvailles avec ces jeux cultes s'en trouvent sabordées.
C'est à peine si Sunshine et Galaxy ont vieilli

La jouabilité

Visuellement fantastique.

Les titres présents n'ayant pas été retravaillés pour s'adapter à la Switch, c'est donc à celle-ci d'entrer au chausse-pied dans les jeux.

Sans entrer dans les détails, le contrôle antique de la caméra de Super Mario 64 se retrouve retranscrit tel quel sans aucune adaptation, ce qui a pour résultat de rendre le contrôle des caméras abominable. Passons sur le 4/3 qui en mode nomade vous donne l'impression de jouer à l'intérieur d'un autocollant Panini.

Super Mario Sunshine, qui avait pour lui une fluidité de mouvement exceptionnelle offrant à ses parkours urbains et à ses panoramas des hauteurs visionnaires pour l'époque, se pare maintenant d'une maniabilité en deux temps très désagréable. Super Mario Galaxy est encore celui qui souffre le moins, pour peu que vous ne soyez pas allergique au combo pointeur/tactile + manette.
Les titres présents n'ont pas été retravaillé pour s'adapter à la Switch

Super Mario 64

Super Mario 64 à bout de souffle.

Super Mario 64 est le chef-d'œuvre, celui qui a inventé la roue, fondateur jusqu'aux larmes pour quiconque l'ayant découvert à l'époque. Les autres l'ont sans doute découvert sur DS et déjà le jeu souffrait d'une maniabilité inadaptée, mais le bonheur de retrouver ce jeu culte avec quelques surprises inattendues avait fait passer la pilule.

Aujourd'hui sur Switch, la version qui nous arrive est insupportable. La ROM de la version 64 telle quelle, en 4/3, dans une abomination visuelle qui vous offre autant de plaisir que si vous jouiez à travers le judas d'une porte et un lissage excessif des textures dénature et achève le rendu original. Puis ses contrôles de la caméra, révolutionnaires à l'époque, sont aujourd'hui simplement inadmissibles : le ressenti est constamment imparfait, le placement des caméras toujours inexact et grossier. Jouer à ce jeu de nos jours avec la somme des expériences plus récentes est douloureux pour les plus vieux et juste impossible pour les plus jeunes.
La ROM de la version 64 telle quelle

Super Mario Sunshine

Des moments hors du temps.

Super Mario Sunshine est l'épisode le plus attendu, celui de la discorde. Chef-d'œuvre absolu pour certains, tellement en avance sur son temps. Bien avant Assassin's Creed, il permettait les conditions, les frissons, les sensations du parkour urbain, et bien avant Dark Souls il installe un monde cohérent, imbriqué, sensoriel qui vous permet d'observer au loin les niveaux à venir. Pour les autres, ce n'est qu'un jeu de plateforme compilé, imprécis, qu'un jet d'eau vient gâcher de sa présence parasite.

Qu'ils en soient rassurés, cette nouvelle version confirmera leur impression. La jouabilité, à l'époque pensée d'un seul bloc par la manette analogique permettait de doser le jet d'eau de l'arrosage en course jusqu'à l'arrêt total pour plus de précision, se retrouve ici décomposée sur deux touches différentes : un bouton pour s'arrêter et viser plus précisément avec le jet d'eau et l'autre pour courir en aspergeant.

Ainsi des phases de jeu pensées pour être jouées sans transition, de manière instinctive et dans une certaine partition se retrouvent caduques. Le jeu imbrique les situations et fonctionne sur une cohabitation d'ennemis qui vous impose d'arroser dans tous les sens pour les éliminer, puis de vous stopper net, d'arroser un point bien précis ; cela sur une parenthèse de temps très courte qui était justement possible grâce à la gâchette analogique. En passant sur une jouabilité à deux touches, le rapport à l'action change complètement puisqu'elle se trouve décomposée et le jeu n'est plus le même. Les sensations et le jeu sont dénaturés : de quelque chose d'intuitif on passe à quelque chose de raisonné qui doit s'anticiper et qui entre donc en contradiction avec le feeling et le rythme du jeu original.
Les sensations et le jeu sont dénaturés

Super Mario Galaxy

Le vide intersidéral.

Super Mario Galaxy ne s'en sort pas trop mal : il ne souffre que de la comparaison avec Super Mario Odyssey. Ses niveaux, certes spectaculaires à l'époque, paraîtront bien vides, simplistes et étriqués pour la nouvelle génération biberonnée à Super Mario Odyssey. C'est toujours d'une grande beauté contemplative, mais aujourd'hui plus que jamais sa structure expérimentale paraît fragile autant qu'elle éblouit. Mario s'élance dans l'espace, explorant plusieurs galaxies qui s'apparentent à des petites planètes autarciques à l'intérieur desquelles il faut trouver un certain nombre d'étoiles. Ce sont de magnifiques et poétiques idées qui condensent très artistiquement la mythologie Super Mario, des collages divers parfois harmonieux, parfois disparates qui travaillent nos souvenirs et les codes de cet univers. Magistral.

Par contre la structure classique des jeux Mario (récupérer un certain nombres d'étoiles par niveau) pèse plus lourd ici qu'ailleurs, puisque cet espace paraît bien confiné : les planètes sont riquiqui, les ennemis répétitifs et les chemins circulaires annihilent toute possibilité d'exploration. Ce qui constitue l'un des grand bonheur des Mario en 3D, c'est-à-dire la découverte, la déambulation, la promenade, les chemins de traverse que le joueur se crée par les possibilités induites par les capacités de Mario, disparaît à la faveur d'une démarche mécanique, « intense mais aussi destinée à s'évanouir après représentation ».
Super Mario Galaxy ne s'en sort pas trop mal

Pour qui ?

Un jeu à l'image de sa carte.

Cette compilation se destine surtout aux collectionneurs. Découvrir Super Mario 64 et Super Mario Sunshine pour la première fois ainsi est une souffrance et vous n'allez prendre que peu de plaisir à les parcourir dans les conditions imposées par la Switch. Une édition limitée dans le temps qui doit le rester, en espérant que Nintendo fasse convenablement honneur à ses jeux dans un futur proche.
Cette compilation se destine surtout aux collectionneurs

L'anecdote

Les expressions de Mario sont toujours un régal !

On se réjouira des légères améliorations graphiques qui rendent Super Mario Sunshine moins flou et Super Mario Galaxy étincelant ; on s'endormira en écoutant les trois OST, la console en veille, et on pleurera... Je me faisais une telle joie de rejouer à Super Mario Sunshine mais pas dans ces conditions, quelle horreur ! Le jeu a perdu de son énergie, de cette extase allègre et agile à bondir, à asperger, à défier la gravité et retenir le corps en suspension.

À tel point que si Super Mario Sunshine est celui qui va le plus attirer les enfants de part la liberté et la taille de ses environnements, rapidement la jouabilité trop complexe à maîtriser – entre les différents jets d'eau et leurs touches, les caméras, les ennemis et les surfaces à nettoyer – les fera abdiquer. Mon fils en tout cas n'a pas insisté, il est vite retourné sur Super Mario Odyssey. Alors si vous espérez faire découvrir ces vieilles gloires à vos marmots espérons que les vôtres ne sont pas comme le mien.
On s'endormira en écoutant les trois OST
Les Plus
  • Mario Galaxy est toujours aussi bon
  • Le fonctionnement des OST en veille
  • La HD sur Sunshine et Galaxy leur vont à merveille
Les Moins
  • Mario 64 aujourd'hui devenu injouable
  • Mario Galaxy est devenu un tout autre jeu
Résultat

Trois jeux cultes réunis en une compilation ! Oui, mais pourquoi faire ? Alors même que le minimum qui consistait à penser sérieusement la maniabilité de chacun d'entre eux pour les particularités de la Switch ne l'a pas été. En l'état si Super Mario Galaxy s'en sort sans dommage, pour les autres c'est tout simplement injouable ou dénaturé. Quel intérêt de se tirer les cheveux, de faire des concessions sur son plaisir et de remettre en question ces œuvres dans des conditions aussi sabordées ? Nintendo est certes habitué à quelques portages paresseux mais jamais comme ici, où Super Mario Sunshine change fondamentalement de nature... À ce prix autant retourner à Super Mario Odyssey qui, lui, est un chef-d'œuvre parfaitement pensé sur la forme pour tout les publics et dont il reste d'innombrables étoiles à découvrir.

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