Test | Resident Evil 3
05 avr. 2020

Le courage et la peur

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Resident Evil 3
  • Éditeur Capcom
  • Développeur Capcom
  • Sortie initiale 3 avr. 2020
  • Genres Action, Aventure, Survival

Qu'est-ce qui fait peur ? Vous allez fatalement vous poser la question en jouant à Resident Evil 3. Vous allez penser aux zombies bien sûr. Aux jump scares. Au Nemesis. Et vous aurez raison. Mais il reste un élément clef, indispensable, qui sépare les séries B des Triple A de l'horreur – ce que vous ressentez, ou pas, pour les protagonistes plongés en plein enfer. Du mépris ou de la haine pour les planqués qui tuent les autres pour survivre, comme dans le film Dernier train pour Busan. De la méfiance pour les blessés que l'épidémie va forcément métamorphoser. Du respect et de l'admiration enfin pour Jill Valentine, l'héroïne qui fait passer les autres avant sa propre sécurité. Celle qui va vous inspirer du courage à vous, joueur, quand elle vous forcera à affronter le Nemesis au lieu de le fuir. Celle que vous voudrez sauver à tout prix. Celle que vous aurez peur de voir souffrir ou pire : de voir mourir...

L'histoire

Des hurlements, un immeuble en flammes, un mur qui explose : Resident Evil 3 commence fort, bien plus fort que l'original sorti sur PSOne en 2000. Vous incarnez Jill Valentine, une ancienne des Special Tactics And Rescue Service, ou S.T.A.R.S., qui cherche à s'échapper de la ville de Racoon City, plongée dans le chaos au tout début de l'épidémie. Comme si slalomer entre les zombies ne suffisait pas, Jill est traquée par une créature infernale dopée au Virus-T, le Nemesis, pas encore tout à fait démoulé de sa combinaison noire Biohazard. Il va falloir trouver des munitions, des soins, et rétablir le courant d'une rame de métro pour fuir la ville, avec l'aide d'un mercenaire d'Umbrella, Carlos Oliveira – jouable lui aussi. Vous ne serez pas trop de deux pour échapper aux zombies, au Nemesis, et à un traître qui prend un malin plaisir à vous mettre des bâtons dans les roues...
Le prologue cuvée 2020 enterre l'original de 2000

Le principe

Jill Valentine fait penser aux héroïnes de James Cameron.

En quelques minutes seulement, ce remake montre tout ce qu'il a dans le ventre : réalisation somptueuse, mise en scène incroyable, ambiance sonore haut de gamme – c'est une claque, un des plus beaux jeux du moment. Pensez à Uncharted 4 : A Thief's End, ou encore à Shadow of the Tomb Raider pour le soin maniaque apporté aux modèles 3D, aux animations et aux cinématiques. Jill en particulier bénéficie d'un niveau de détail hallucinant – salissure, sueur, entailles – et a des expressions incroyables de naturel qui la rendent aussitôt attachante. D'abord parce qu'elle se prend plus de chutes et de gadins que Lara Croft et Nathan Drake réunis. Ensuite parce qu'elle fait preuve de ce courage et de cette détermination en pleine horreur qui rappellent les meilleures héroïnes du 7ᵉ art, Sarah Connor et Ellen Ripley en tête.

Impossible de ne pas penser à Linda Hamilton ou à Sigourney Weaver quand on équipe Jill avant un duel en arène face au Nemesis. Impossible de ne pas penser au film Aliens de James Cameron quand Jill fonce dans une sous-station électrique remplie d'araignées qui ont recouvert les murs de sécrétions organiques. Ou encore quand elle lâche Carlos et une poignée de survivants pour affronter le Nemesis en tête-à-tête dans une séquence anthologique.

C'est dans ces moments-là que Resident Evil 3 révèle toute la richesse de son gameplay. Quand le survival horror flippant force le joueur à intégrer ses mécaniques d'esquive, à regarder le danger en face, à utiliser les limites de l'intelligence artificielle pour affronter le danger, et sa peur. Pour aller au combat, parfois avec un simple couteau, au lieu de fuir. Au lieu de vider des chargeurs sur les zombies. Au lieu de courir comme un dératé sans regarder où aller sur la carte. Le tout pour finir dans une impasse, s'y faire croquer, gâcher une herbe de soin, voire une sauvegarde. C'est dans ces moments que le joueur contrôle sa peur malgré la musique stressante, les râles, les portes ou les vitres sur lesquelles les zombies tambourinent sans relâche. Et qu'il est dans sa zone, calme, imperturbable, pressant les boutons mécaniquement avec un timing parfait, enchaînant les headshots et les kills comme une des créatures Apex d'Umbrella.
Il faut affronter le danger et sa peur

Le gameplay

Blesser les Hunters à la tête (même à mains nues !) révèle leur point faible. Sinon : grenade.

Ce déclic se produit chez tout joueur de Resident Evil 3, plus ou moins tard. Non, il n'est pas recommandé de tuer tous les zombies (certains respawnent de toute façon). Oui, il est conseillé de les esquiver pour économiser du temps ou des munitions, en appuyant pile au bon moment sur une des gâchettes de la manette – juste quand leur animation d'attaque se déclenche. Trop tôt, et les zombies interrompent votre animation d'esquive – celle-ci ne vous donne hélas pas quelques frames d'invincibilité comme dans la plupart des jeux. Oubliez les roulades à la Dark Souls 3 ! Et si vous faites une esquive trop tard ? La sanction est immédiate. Vous êtes bon pour une morsure, voire un Game Over instantané face à certains ennemis qui ont des finish moves aussi sublimes que mortels – Lickers et Hunters en tête. Le prix à payer pour sentir cette poussée d'adrénaline en plein combat, mêlée de dopamine en cas de réussite.

Quand vous serez prêts, vous pourrez tenter des esquives sur les ennemis les plus redoutables comme les boss. Vous prendrez plaisir à balancer une grenade aveuglante pour mieux viser la tête des Hunters et faire voler en éclats leur carapace frontale, avant d'attaquer le crâne et la chair à découvert. Vous lâcherez un sourire en voyant les dégâts qu'ils subissent lorsque Carlos leur met un direct en pleine mâchoire, à mains nues, avant de lever son fusil d'assaut CQBR upgradé pour les achever d'une rafale. Vous serez même capable d'esquiver les attaques redoutables du Nemesis en pleine rue, d'aligner quelques coups de fusil à pompe pour le sonner, voire de réussir une esquive parfaite et de lui placer un tir en pleine tête super classe en slow motion. Entraînez-vous. Persévérez. C'est au prix de nombreux échecs que vous ressentirez l'exaltation de l'enchaînement idéal – esquive, visée, headshot. Les meilleurs feront le run parfait, pliant le jeu en deux heures chrono (hors cinématiques). Oui, c'est court. Mais il faut des heures et des heures d'entraînement pour en arriver là. Voire l'aide de quelques bonus débloqués après avoir fini plusieurs runs.
Le chat et les zombies

Le multi

En multi, choisissez les bonnes combinaisons de cartes pour tuer les survivants.

En comparaison, le multi fait pâle figure. Quatre survivants sans aucun charisme sont lâchés dans quelques arènes (quatre au lancement) et doivent s'échapper en ramassant des clefs, en ouvrant des portes, voire en détruisant des réservoirs. Un cinquième joueur, le Mastermind, place pièges et zombies à l'aide de caméras, et peut prendre possession de la plupart des ennemis pour attaquer les survivants directement. Un système de cartes à jouer et de cool downs évitent que le Mastermind ne puisse trop spammer la carte, et favorisent la complémentarité des attaques – comme placer un zombie pour ralentir un groupe, puis utiliser une tourelle mitrailleuse voire lance-missiles pour l'éliminer rapidement. À la sortie du jeu, le chrono trop serré et certaines cartes à jouer beaucoup trop puissantes comme les fameuses tourelles rendent la partie très déséquilibrée. Surtout que le matchmaking remplit les parties de survivants inexpérimentés. Les voir se précipiter à trois sur une mine donne envie de les achever soi-même – même si les dégâts subis font baisser le chrono. Dernier clou dans le cercueil de ce mode bancal : en cas de Game Over, un lien vers la boutique en ligne vous incite à acheter des boosts d'expérience vendus 30 € pour 50 utilisations. Non merci.
Après un Game Over, Capcom vous vend des boosts d'XP à 30 €

Pour qui ?

Attention, certains ennemis peuvent vous tuer en un coup.

Alors oui, Resident Evil 3 se termine en une poignée d'heures – cinq ou sept sûrement, cinématiques comprises, pour votre premier run. Oui, on repasse brièvement par le commissariat du génialissime Resident Evil 2 avec les mêmes décors recyclés, et les mêmes éclairages. Et oui, le multi est nul. Bref, on sent que sortir un second remake en un an, c'était un peu rapide. Mais quelle claque. Quels graphismes. Quelle mise en scène. Quel soin maniaque du détail : le verre qui crisse sous les pieds de Carlos dans l'hôpital, les voix dans la manette sur PlayStation 4, les enceintes arrières très bien utilisées ou encore la lumière de la DualShock 4 qui reflète la santé du joueur. Quelle ambiance ! Et quelles montagnes russes. Alors à vous de voir : pour le même prix, est-ce que vous préférez un énième open world rempli de vide que vous abandonnerez au bout de soixante heures mollassonnes, ou un Space Mountain rapide et nerveux qui va vous faire hurler – de peur d'abord, de plaisir ensuite ?
Sortir un autre remake en un an, c'était ambitieux

L'anecdote

Vous allez découvrir comment Marvin Branagh se fait bêtement avoir...

Si vous avez déjà lu quelques articles sur Resident Evil 3, vous savez que ce remake fait l'impasse sur pas mal d'éléments de l'original. Oui, il manque des niveaux entiers comme le beffroi ou le parc. Sont également absents certains monstres comme les araignées ou une variante des Hunters. Plus un boss. Et le choix des itinéraires bis, avec fins alternatives – en gros, si vous êtes resté bloqué sur le Resident Evil 3 : Nemesis de 2000, ça va piquer. Après, des ajouts significatifs font quand même passer la pilule, outre la réalisation et la mise en scène AAA. Le nouveau prologue est absolument incroyable. Il vous plonge en pleine apocalypse zombie comme seuls quelques rares jeux ont réussi à le faire. Côté gameplay, l'esquive change vraiment la façon d'appréhender les combats, même par rapport au remake de Resident Evil 2. De nouveaux décors font aussi leur apparition comme le magasin de jouets Megaman ou le chantier en construction. Les décors s'enchaînent d'ailleurs remarquablement bien, puisque vous pouvez souvent voir au loin les endroits que vous allez (ou avez) visités, le tout sans temps de chargement. Le commissariat arrive plus tard et réserve de gros clins d'œil au remake de Resident Evil 2 dont l'action se déroule en parallèle de celui-ci. Vous découvrez par exemple comment certains policiers sont blessés ou tués, dont Marvin Branagh qui vous sauve les miches dans Resident Evil 2. Carlos lâche aussi quelques commentaires sur Leon Kennedy dans certaines salles. Enfin des bonus comme des armes ou des objets peuvent être achetés dans une boutique virtuelle en finissant le jeu une première fois. Pas besoin de sortir la carte bleue comme en multi pour ça : il suffit de remplir des défis en jeu pour gagner des crédits, comme tuer X zombies avec telle ou telle arme. Sans oublier des artworks, et des modèles 3D sublimes à observer sous toutes les coutures. Du vrai fan service !
Ce remake réserve de gros clins d'œil à Resident Evil 2
Les Plus
  • Réalisation AAA : modélisations, animations, éclairages, musiques et bruitages au top
  • Mise en scène digne de Naughty Dog
  • Jill Valentine crève l'écran (Carlos moins)
  • Le Nemesis fait le job, et plutôt bien
Les Moins
  • Court, très court : entre 5 h et 7 h pour un premier run, voire 2 h pour les pros, hors cinématiques
  • Il manque le beffroi, le parc, un boss, des monstres, etc. par rapport à 2000 (mais c'est plus joli et plus jouable)
  • Le multi bancal – pourquoi pas plus de niveaux en solo, ou un mode coop à la place ?
Résultat

Le remake de Resident Evil 3 est plus bancal que le précédent. Plus court, plus action, avec des niveaux entiers qui manquent à l'appel, handicapé par un multi anecdotique, il souffre à priori de la comparaison avec un Resident Evil 2 déjà bradé partout. A priori. Mais ce serait faire l'impasse sur une réalisation et une mise en scène hallucinantes qui tiennent clairement tête à un Uncharted 4 : A Thief's End, notamment en termes de modélisation et d'expressions faciales. Ce serait surtout faire l'impasse sur Jill Valentine, sur son courage, sur sa personnalité de femme forte qui se révèle face à l'horreur absolue incarnée par ce Nemesis cauchemardesque, déformé par ses mutations successives – humanoïde d'abord, alienoïde ensuite. Au jeu de la belle (avec un flingue) et de la bête, Resident Evil 3 place la barre très haut, au niveau des meilleurs films qui opposent des femmes à des monstres, du mythique Aliens de James Cameron en passant par les très efficaces Crawl d'Alexandre Aja, Us de Jordan Peele ou encore Sans un bruit (A Quiet Place) de John Krasinski. Certes le jeu est court. Mais pas plus que ces films qui soufflent l'angoisse et l'excitation, et dont les héroïnes mémorables nous inspirent un courage mêlé de peur.

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