Test | Death Stranding
08 déc. 2019

Un jeu qui rattache

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Death Stranding

"Mon corps est composé à 70 % de films". Cette phrase de Hideo Kojima n'est pas anodine et prend tout son sens avec Death Stranding. De la mise en scène à la narration en passant par le choix de motion capturer de véritables acteurs (l'impeccable Norman Reedus en tête), tout dans le nouveau jeu du Maître respire le cinéma.

L'histoire

Le monde n'est plus. En tous cas dans la forme que nous lui connaissons. Les quelques survivants sont éparpillés sur la planète et ne peuvent plus communiquer entre eux. Pire, s'ils s'aventurent à quitter leurs abris, ils doivent faire face à des pluies devenues mortelles et surtout aux âmes des morts bloquées sur Terre, des "échoués" qui ne manqueront pas de les agripper et les entraîner dans l'au-delà s'ils s'approchent de trop près. Pour tenter de maintenir un semblant de cohésion et faire passer vivres et matériels entre chaque groupe d'humains, des porteurs officient au péril de leur vie. Parmi eux, Sam Porter Bridges, un homme à l'apparence ordinaire mais disposant d'une faculté salvatrice : être capable de revenir du monde des morts suite à un combat avec un échoué qui aurait mal tourné. C'est cette capacité qui va inciter l'organisation Bridges à le recruter pour reconnecter ce qui reste des États-Unis...

Pour l'aider dans cette mission qui s'annonce périlleuse et longue (il s'agit tout de même de traverser ce pays continent d'est en ouest), Bridges confie à Sam un BB (Brise Brouillard) lui permettant de repérer les échoués. Tout au long de l'aventure, le porteur solitaire phobique du contact va non seulement recréer du lien entre les survivants, mais également établir une connexion étonnante avec ce bébé bocal accroché à sa combinaison.
On laisse pas BB dans un coin

Les personnages

Ce bocal renferme un "outil" très utile auquel il sera impossible de ne pas s'attacher.

Ce qui donne du corps à ce scénario parfois complexe car joliment métaphorique, ce sont avant tout les personnages, pour certains joués par de véritables acteurs. Et quels acteurs ! De l'impeccable Norman Reedus (un rôle taillé sur mesure) à l'inquiétant et subtil Mads Mikkelsen, en passant par l'hypnotique et mélancolique Léa Seydoux, ce trio de tête participe à donner le relief indispensable à cette histoire de "reconnexions". Les rôles secondaires ne sont pas en reste et font intervenir des scans du réalisateur Guillermo del Toro (ami de Hideo Kojima) et de la trop rare Lindsay Wagner (star des 70's avec Super Jaimie).

Impossible de ne pas citer enfin un personnage à part : le terrain post-apocalyptique dans lequel Sam évolue. L'inspiration islandaise est évidente que ce soit dans ces champs de lave parsemés de monticules de roches tranchantes, ces orgues basaltiques qui bordent des chutes d'eau impressionnantes, ces failles profondes habillées de mousse presque verte fluo, ce ciel de caractère où apparaissent parfois arcs-en-ciel et aurores boréales, ou bien encore ces plages de sable noir si caractéristiques de l'île nordique. Associés à la musique – entre autres – du groupe islandais Low Roar qui intervient par petites touches impeccables, ces environnements austères à l'étrange pouvoir d'attraction offrent un écrin magique à votre aventure.
Un Reedus qui fait parfaitement son Norman

Le principe

Les paysages rappellent férocement la magnificence islandaise.

Death Stranding prend lieu et place dans un vaste open world où vous devez livrer des marchandises, le plus souvent à pied. Bien sûr, vous avez la possibilité d'utiliser quelques véhicules mais le terrain accidenté ne facilite pas les déplacements motorisés. Ajoutez à ça les pluies acides qui détériorent votre précieuse cargaison, des terroristes voleurs de marchandises, des échoués pour le moins collants dès lors qu'ils vous auront repéré, un sol rocailleux qui use vos chaussures à chaque pas, un équipement au poids vite conséquent à sélectionner avec soin pour être prêt pour chaque type de situation, et vous obtenez bien plus qu'une simple simulation de randonnée.

Pourtant, il s'agit bien là du point d'entrée de Death Stranding : marcher, escalader, franchir, traverser, bref parcourir le pays pour relier les gens entre eux et leur offrir une chance de survie. Compte tenu du nombre d'obstacles auxquels vous êtes confronté, qu'ils soient géographiques, humains ou même surnaturels, il vous appartient de bien réfléchir à votre parcours. Et même si les différents chapitres du jeu contiennent des passages obligés, vous pouvez opter pour une confrontation directe, une infiltration stratégique ou bien même un contournement qui n'est pas forcément la solution la plus facile. C'est là que le choix de votre équipement entre en ligne de compte : plus vous portez d'objets, plus vous êtes lourd. Donc lent. Donc vulnérable.
Bien plus qu'une simulation postale

Pour qui ?

Comptez une bonne cinquantaine d'heures pour venir à bout de ce périple.

Death Stranding n'est probablement pas à mettre entre toutes les mains. Les habitués des open world à la Assassin's Creed Odyssey ou même Horizon Zero Dawn peuvent rester sur leur faim. Ici, pas ou peu d'action non-stop ni de voyages rapides pour tracer plus vite. Le parti pris de Death Stranding consiste à vous offrir une liberté dans vos choix de parcours en prenant surtout le temps de les apprécier. Sam Porter est un voyageur solitaire qui porte du poids sur ses épaules, de par sa charge de marchandises bien sûr mais également compte tenu de la mission vitale qui lui est confiée. Et ce mélange de sentiment de solitude profonde lors de ses treks, de satisfaction quand il apporte aux survivants ce dont ils ont besoin, et de terreur lors de ses confrontations avec des créatures spectrales est parfaitement rendu et donne au final une expérience assez magique pour les joueurs qui sauront en profiter.
Pas que pour les Sherpas

Le multi

Oh, un clin d'œil à une autre exclusivité PlayStation 4 !

Même s'il n'existe pas de mode multijoueur à proprement parler dans Death Stranding, vous avez la possibilité de jouer l'aventure en ligne et ainsi de profiter d'interactions différées avec les autres joueurs. Concrètement, il s'agit de profiter de matériels (échelle, corde, etc.) mis à disposition par des porteurs du monde entier lors de leurs propres parcours. Vous pouvez même vous associer à la mise en place de structures telles que des routes, ponts ou abris en y ajoutant tout ou partie des matériaux dont vous disposez pour finaliser leur construction. Un système de likes est aussi disponible pour remercier vos confrères afin de rendre ces échanges encore un peu plus visibles. C'est peut-être léger comme interactions, mais ce lien si mince soit-il donne à votre aventure à première vue solitaire une saveur particulière. C'est en tout cas un bel écho à ce processus de "re-liaison" auquel l'histoire vous invite à participer.
Ultra moderne solitude

L'anecdote

Si vous vous appelez Willy, ce genre d'image risque de vous faire mal.

Le titre Death Stranding s'inspire de l'échouage des mammifères marins ("cetacean stranding" en anglais). C'est pour cette raison que l'on retrouve de nombreux cétacés échoués dans plusieurs séquences du jeu. Comme pour le Death Stranding, l'explication de ce phénomène reste assez floue. Son utilisation dans la nouvelle production de Hideo Kojima renforce son aspect métaphorique et contribue à vous plonger dans une ambiance particulière. Si vous êtes plutôt du genre métaphysique, voilà qui ne devrait pas vous déplaire.
Dans quel état j'ère ?
Les Plus
  • La meilleure simulation de trek jamais faite
  • Un environnement faussement uniforme à l'étrange pouvoir d'attraction
  • Une narration parfaitement maîtrisée
  • Des morceaux musicaux hypnotisants
  • Des personnages impeccables
  • La sensation de vivre l'aventure à plusieurs malgré l'absence de multi
  • La mise en scène digne d'un passionné de cinéma (mention spéciale au générique de fin)
Les Moins
  • Quelques séquences trop lacrymales
  • Une ambiance métaphysique qui peut dérouter
Résultat

Résumer Death Stranding à une simulation de randonnée est un raccourci dans lequel il est facile de s'engouffrer. Mais une réalisation très soignée, une mise en scène impeccable, une narration astucieuse, un gameplay parfaitement rodé et des personnages bien écrits ont tôt fait d'élargir votre première impression. En pratique, le jeu offre autant de relief que ses paysages, grâce également à une empreinte graphique et une atmosphère qui osent une fausse uniformité et se révèlent particulièrement attractives. Et même si Hideo Kojima peut parfois donner le sentiment qu'il recycle ses idées, il prouve une fois encore qu'il n'est pas qu'un simple nom du jeu vidéo. C'est un auteur, un grand, dont la passion du cinéma transpire à l'écran et vous donne accès à une expérience assez unique.

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