Test | A Plague Tale
21 mai 2019

Un plaisir noir

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A Plague Tale

Connu pour le mitigé FUEL, Asobo est resté relativement discret ces dernières années. Les projets sur lesquels le studio a travaillé ont souvent été des titres de commande, notamment sous la marque Disney. Mais dès ses premières images dévoilées, A Plague Tale a commencé à intriguer, s'offrant un attrait grandissant plus la date de sortie approchait. Il faut bien dire que le thème abordé est totalement différent de ceux de leurs précédentes productions. Alors, curieux ?

L'histoire

A Plague Tale prend place en 1348 durant la guerre de 100 ans, sur le territoire français. La famille De Rune vit tranquillement dans son domaine avec ses domestiques et tout ce que la noblesse peut procurer comme avantages. Pourtant, quelque chose cloche dans cette belle famille. Le jeune Hugo vit reclus dans sa chambre sous la surveillance permanente de sa mère. Sa sœur aînée, Amicia, se trouve exclue de ce schéma et essaie tant bien que mal de s'attirer la tendresse et l'amour paternel. Mais un jour ordinaire, la vie des deux enfants De Rune est brutalement bouleversée lorsque l'inquisition débarque dans le domaine familial à la recherche du petit garçon. Amicia et son frère doivent alors fuir et rejoindre au plus vite le docteur en charge d'Hugo. En effet, celui-ci est atteint d'une étrange maladie du sang qui se développe progressivement. Pour ne rien arranger aux problèmes de vos deux jeunes protagonistes, la peste sévit sur le vieux continent, période noire durant laquelle près de la moitié de la population est décédée de la maladie.

Derrière cette histoire fraternelle, se cache des sentiments forts et pour une fois bien exploités. En effet, les deux enfants apprennent progressivement à se connaître et à s'aimer tandis que leur innocence vole en éclats. La jeune Amicia, frêle aventurière au début du jeu, est propulsée gardienne de son petit frère. Elle va passer par de bien tristes et sanglantes étapes pour être la jeune adulte qui tentera de le sauver. Mais pour une fois, il n'y a pas de surabondance de bon sentiments ce qui permet de rendre crédible chaque personnage. Surtout qu'il faut saluer la qualité de la VF, proposant un doublage parfaitement réalisé (avec en prime des voix très connues).
Une nouvelle fraternité

L'immersion

Quelques interactions permettent d'avoir des petits échanges hors du temps entre vos protagonistes.

Ce qui est vraiment frappant pour ce jeu indé, c'est la qualité des éléments proposés, qui vous propulse littéralement dans les bottes de vos deux héros. Visuellement parlant, le jeu est vraiment beau, fourmille de détails dans les intérieurs comme dans les extérieurs. Absobo Studio a parfaitement retranscrit les environnements et vous vous demanderez souvent si vous jouez réellement à un jeu AA ou bien à un AAA. L'immersion est aussi rendue exquise par la bande son d'Olivier Derivière qui colle parfaitement à ce qu'il se passe à l'écran. Sans être prédominant, chaque thème rend l'action encore plus immersive. Chaque musique vous fait ressentir les sentiments de vos protagonistes et amplifie ce que vous voyez à l'écran. La VF de qualité accentue évidemment ce sentiment. Et seule la lourdeur des deux protagonistes et l'absence d'expressions faciales hors cinématique entravent le plaisir procuré par le jeu.
Un AA qui vaut peut-être un AAA

Le principe

La lumière est votre salut face aux rats. Le moindre écart, et vous êtes dévorés.

Amalgame de jeu narratif, d'infiltration, de puzzle et d'action, A Plague Tale est un subtile mélange qui utilise de nombreux éléments pour rendre son histoire vivante et crédible. À la troisième personne, vous incarnez Amicia, une jeune femme garçon manqué sur les bords, qui ne se balade jamais sans sa fronde et une poignée de cailloux. Les niveaux vous proposent souvent plusieurs situations (fuite, puzzle, infiltration, etc.) et de vos méninges sortira souvent la solution. L'alternance de tous ces genres est vite enrichie par l'alchimie qui vous permet de faire varier notablement le gameplay. Les bombes incendiaires, le gaz soporifique et autres gadgets permettent d'ouvrir de nouvelles voies si vous les utilisez correctement. En soit, le gameplay n'est pas extraordinaire, vous proposant ici et là des choses déjà vues, mais l'équilibre et le rythme du jeu compense largement cette faiblesse.

En termes d'ennemis, vous en distinguez deux catégories qui vous amèneront à des comportements différents mais qui conduiront tous les deux à la mort si vous ne faites pas attention. Les soldats de l'inquisition sont les premiers que vous croisez. Le plus souvent vous devez les éviter sous peine de prendre un méchant coup d'épée. L'infiltration est alors votre meilleure arme, la diversion votre atout majeur. Vous pouvez lancer des cailloux sur des objets bruyants ou casser des pots en céramiques pour vous créer des opportunités. Mais ils peuvent aussi être tués, tout en sachant que le combat n'est pas le point fort d'Amicia (contrairement à une Lara Croft qui aurait massacré 40 ennemis à la minutes). Le second type d'ennemis est beaucoup plus effrayant. Les rats sont des ennemis redoutables qui ne craignent que la lumière. Armé d'une torche, vous avez une chance de passer mais n'espérez pas les vaincre. Et clairement, les passages de jeu avec les rats sont les plus difficiles et les plus stressants, donnant lieu à de redoutable puzzles. C'est aussi les rats qui font naître un sentiment de dégoût et de peur, faisant tourner le jeu parfois vers du gore.

Le jeu dispose d'un petit système de craft très bien dosé qui vous propose de fabriquer des éléments consommables d'alchimie (poudre pour rallumer des braises, éteindre des flammes...) ainsi que d'améliorer votre équipement par le biais d'atelier. Les deux éléments consomment les mêmes ingrédients, ce qui pousse rapidement à faire des choix entre l'action en aventure et l'amélioration. En effet, si durant un chapitre vous avez été repéré et avez utilisé la force plutôt que vos méninges, la sanction tombe rapidement et vous ne pouvez pas améliorer le stockage ou la fronde. Cela rend le système de craft encore plus intéressant. Enfin, sachez qu'il y a aussi tout une série de cadeaux, de fleurs pour Hugo et de curiosités à collecter tout au long de l'aventure.
Un subtil mélange de genres maîtrisés

Pour qui ?

Les phases d'infiltrations sont au début assez permissive.

Point important et réellement prédominant dans le jeu, c'est la perte d'innocence qui est mise en abyme ici. Absobo Studio n'hésite pas un instant à vous faire plonger dans l'horreur de la période historique, ne vous épargnant aucun des éléments vécus par vos deux protagonistes. Vous sombrez en même temps qu'eux et respirez en même temps qu'eux. Et si les puzzles sont plus ou moins difficiles, l'infiltration plus ou moins obligatoire, la partie horrifique est inéluctable dans un jeu immersif à souhait.
Attention, horreur en vue

L'anecdote

A l'heure des décisions difficiles, Amicia n'hésite pas une seconde, mais regrette longtemps.

Le jeu peut aussi se comparer à beaucoup d'autres jeux et films dans la transition de la jeune fille aventurière et innocente à la guerrière qui mènera sa mission à bien. Et les profils de Lara (Tomb Raider) et Katniss (Hunger Games) viennent tout de suite en tête. L'une des premières scènes va vous plonger dans ce même dilemme, qui va pourtant rapprocher Amicia de l'héroïne de cinéma plutôt que de celle de jeu vidéo. Quand vient l'heure du premier meurtre, la jeune fille doute, lutte contre le dégoût, mais poursuit son chemin tout en regrettant ses actes. Et en cela, le traitement du personnage est plus probant que l'aventurière Croft qui enchaînera les 250 morts dans l'heure qui suit. C'est l'un des éléments qui donne aussi l'impression de perdre notre innocence en même temps qu'elle.
Entre Lara et Katniss, Amicia a fait son choix
Les Plus
  • C'est bête à dire mais une vraie bonne VF
  • C'est vraiment joli, surtout pour du AA
  • Une bande son juste qui participe à la cohésion de l'aventure
  • Une histoire prenante qui n'en fait pas trop
  • Le rythme du jeu : il accélère,se pose, redémarre... sans jamais s'arrêter
  • Les rats et leurs comportements
Les Moins
  • Les animations faciales
  • Parfois trop scripté dans la progression
  • Une IA parfois très permissive
Résultat

À n'en pas douter, A Plague Tale est une excellente surprise, une pépite quasiment, pour peu que vous ne soyez pas allergique à ses quelques faiblesses. Tout au long de ses dix-sept chapitres, vous vivez une aventure passionnante, poignante et bien ficelée. La maîtrise du rythme est l'un des facteurs de réussite. Il accélère, ralentit, s'emballe et se pose sans jamais s'arrêter ce qui offre une aventure entière et jamais décousue, chose assez rare. L'immersion proposée par le jeu est aussi l'un des grands points forts : le visuel, les bruitages, la musique et même la VF participent tous à rendre l'aventure plus belle. Les quinze heures de jeu sont un vrai régal pour un jeu qui vaut absolument le détour.

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