Test | Three Kingdoms
29 mars 2001

Testé par sur
Three Kingdoms

Prendre l'Histoire comme toile de fond d'un jeu de stratégie en temps réel n'est pas vraiment une nouveauté. C'est en tous cas un moyen bien pratique pour ne pas perdre de temps à mettre en place un scénario puisqu'il est déjà écrit. Mais si Les Trois royaumes nous propose de revivre les grandes batailles de la Chine impériale, ce n'est pas seulement pour notre culture générale, c'est aussi pour notre plaisir de joueur. Test d'un autre âge ?

An 200 après Jésus Christ

Avec l'Egypte, la Chine est sans doute l'une des civilisations les plus intéressantes que le monde n'ait jamais connu : des inventions très utiles (le papier, le sismographe, la boussole), des monuments fabuleux (la Grande Muraille, les temples sacrés) et, surtout, un empire géographique et politique gigantesque. Mais, en abritant de nombreuses peuplades difficiles à concilier, sa superficie n'a pas toujours été un atout. C'est pour cette raison qu'entre deux inventions, les Chinois du 3ème siècle aimaient beaucoup se taper sur la figure, histoire de tenter de réunifier un peu tout ça. Cette période de l'histoire de la Chine est marquée par la férocité de ses guerres interminables et aussi par ses prouesses en matière de stratégie militaire. A tel point qu'aujourd'hui, des hommes d'affaires continuent à étudier les tactiques alors en vigueur afin de les appliquer dans le domaine économique... et que des développeurs les utilisent pour créer des jeux vidéo.

Il ne peut en rester qu’un

La Chine Ancienne est composée de trois royaumes, à la tête desquels on trouve des seigneurs charismatiques que le jeu va vous proposer d'incarner. Le premier, Cao Cao, veille de sa main de fer sur le territoire du nord, le royaume des Wei. Fin stratège, on lui aurait prédit qu'il était à la fois assez intelligent pour gouverner le monde et assez démoniaque pour y semer le trouble. Le royaume des Shu, à l'ouest, est dirigé par Liu Bei, un ancien membre de la famille impériale connu pour son humanité et sa vertu, mais surtout pour son habilité à obtenir le soutien indéfectible de chefs militaires hors pair. Sun Quan, quant à lui, a établi le royaume des Wu dans le sud de la Chine, en utilisant la Grande Rivière comme barrière naturelle pour se défendre contre les assauts de ses nombreux ennemis. Dans ce jeu, il s'agit pour vous de combattre ou de vous allier aux deux autres seigneurs afin de réunifier l'Empire Chinois. Précisons tout de même que le choix, en début de campagne, de l'un ou l'autre de ces personnages ne va avoir absolument aucune influence sur la suite. Simple soucis historique ou oubli monumental, à vrai dire, là n'est pas vraiment l'essentiel.

Un autre Age ?

Réglons donc le problème immédiatement : oui, Les Trois royaumes ressemble beaucoup à Age of Empire. Il s'agit en effet de collecter, produire et stocker des ressources pour constituer une armée digne de ce nom, dans un contexte historique très détaillé. Mais si, graphiquement, la ressemblance est flagrante, c'est sur le plan du réalisme que le jeu d'Overmax cherche à prendre ses distances. Moins d'unités, moins de bâtiments et une liberté d'action à première vue quelque peu restreinte, font du Destin du Dragon un produit sans doute plus austère que son homologue. Pourtant, au cours de votre progression, vous allez vite vous apercevoir que ce parti pris donne au jeu une plus grande profondeur. Vous en aurez moins, c'est vrai, mais vous contrôlerez plus et mieux. Pour rassurer les adeptes des massacres moyenâgeux, rappelons tout de même que cette gestion poussée va aller de pair avec une stratégie militaire musclée.

Revue des troupes

L'énumération des unités disponibles dans ce jeu ne va pas être très longue, en tous cas beaucoup moins que si nous étions dans un Total Annihilation. Et pour cause, nous sommes toujours dans une logique de reconstitution historique scrupuleuse. En fait, vous ne disposez "que" de 3 unités de bases (archers, piquiers, spadassins), auxquelles viennent s'ajouter des armements d'époque (échelles, catapultes, arcs à trois flèches, chariots de feu, etc.), donc relativement fragiles. Vos fantassins peuvent être associés à des chevaux (provenant de vos écuries ou récupérés sur le champ de bataille) pour devenir des… cavaliers. Côté maritime, rien de vraiment extraordinaire puisque votre chantier naval ne vous fournira que des navires de transport. En construisant des auberges, vous pourrez aussi recruter des guerriers, véritables meneurs d'hommes au magnétisme conséquent, qui vont avoir une influence importante sur la puissance d'attaque ou les attributs de défense de vos troupes.

A la base, le peuple

Le réalisme du jeu se caractérise d'abord par une utilisation on ne peut plus logique de vos sujets. Ici, plus question d'obtenir des soldats en cliquant simplement sur le bâtiment approprié. C'est en formant chacun de vos citoyens que vous pourrez constituer votre armée. En envoyant un travailleur de base dans un quartier de piquiers, par exemple, vous en ferez un sergent capable de défendre votre cité. Mais le plus intéressant, c'est que ce dernier pourra retrouver sa fonction initiale, tout en conservant en grande partie son niveau de formation militaire. Ainsi, en période de calme, vous aurez la possibilité d'assigner des soldats à la collecte des ressources. Quand vos relations extérieures vous y obligeront, vous n'aurez plus qu'à rappeler vos travailleurs sous les drapeaux (cela nécessite tout de même une remise à niveau mais elle est beaucoup plus rapide et moins coûteuse que la formation initiale).

Travailleurs !

Quant il ne vient pas gonfler les rangs de votre armée, un travailleur de base peut être assigné à différentes tâches, des tâches plus précises que dans Age of Empires. Le jeu part du principe que chaque bâtiment sensé produire quelque chose nécessite obligatoirement une main-d'œuvre. Logique. Ainsi, une écurie a besoin d'éleveurs pour fournir des chevaux, un atelier des machines d'artisans pour fournir des armements. La production est aussi conditionnée par le nombre de travailleurs présents à l'intérieur du bâtiment. Attention, il ne suffit pas d'y mettre un travailleur pour qu'il accomplisse de lui-même son dur labeur. C'est bien connu : un travailleur, c'est très fainéant. Si vous ne lui dîtes pas clairement ce qu'il doit faire (dans l'atelier : produire soit de l'alcool, soit de la nourriture) il restera sur son tas de paille à siffloter. C'est assez amusant car finalement très réaliste mais ça demande aussi plus de précision dans la gestion de la production de votre cité. Remarquez, une fois planifiée, vous n'aurez besoin de la modifier qu'à de rares occasions.

Pas que des machines

Un autre aspect vient souligner le pragmatisme dont ont fait preuve les développeurs dans ce jeu : la gestion physique de votre armée. En effet, vos troupes ont besoin de se reposer et de manger régulièrement. Lorsqu'elles sont à l'intérieur de votre cité, pas de problème : cette option est gérée automatiquement et vos soldats se "servent" dans vos entrepôts (nourriture et alcool…). Par contre, lors d'une campagne militaire, le déplacement de votre armée sur de longue distance ou bien encore le siège d'une ville ennemie, nécessite la mise en place de camps de ravitaillement. Ne pas prendre le soin d'en construire peut avoir des conséquences significatives sur la puissance de combat de votre régiment. Son efficacité va diminuer et, à long terme, les sergents pourront même perdre leurs qualifications. Le cas échéant, un soldat trop faible redevient systématiquement un travailleur de base.

Petits hics

En mode campagne ou escarmouche, c'est surtout votre rapidité qui va être sollicitée. Un seul de vos clics équivaut grosso modo à 5 clics de l'ordinateur. Alors que vous ne pouvez vous concentrer que sur une seule et même tâche, il mènera simultanément plusieurs actions différentes (la collecte de ressources, la préparation d'une armée, les recherches…). C'est un défaut inhérent aux STR qui disparaît lorsque vous affrontez des adversaires humains. En multi justement, Le Destin du Dragon s'en tire plutôt bien même si le manque de flexibilité de vos cités (vous ne pouvez pas en développer ailleurs que dans les endroits prévus à cet effet) est un peu contraignant. Mais la gestion du ravitaillement de vos troupes sur le champ de bataille offre une contrepartie très intéressante. L'intelligence artificielle, quant à elle, reste assez inégale. Un régiment ne prendra pas forcément le chemin le plus rapide pour se rendre à l'autre bout de la carte. Lors des combats, et notamment au cours d'un siège de votre cité, si vos unités de contact (piquiers et spadassins) sont en trop grand nombre, elles peuvent parfois se gêner et rester bloquées aux portes de la ville sans réagir aux attaques ennemies.

Chine pas Toc

Des nouveautés sympathiques ont été incorporées pour pimenter encore l'action. Des catastrophes naturelles peuvent ainsi intervenir de temps à autre et provoquer sur votre cité des dégâts directs (destruction d'une récolte) ou indirects (baisse du moral des troupes). Pour remédier à ces fléaux, vous avez la possibilité d'utiliser des temples pour faire des sacrifices. Ils vont aussi vous permettre d'améliorer certains aspects de votre royaume (redonner leur force à vos soldats, décupler leur puissance de combat…). Pour rester dans le domaine religieux, vos travailleurs peuvent également réparer des statues de bouddhas disséminées un peu partout sur la carte pour obtenir des bonus. Certaines machines de guerre s'avèrent très marrantes à utiliser. Le cerf-volant maléfique va vous permettre d'envoyer des fantassins derrière les lignes de défense de l'ennemi. A bord de ces engins, ils vont franchir les remparts des villes fortifiés pour pénétrer à l'intérieur. Ils vont pouvoir y tuer les travailleurs afin de compromettre la production.
Les Plus
  • Une prise en main familière
  • Des nouveautés de gameplay originales
  • Des actions plus réalistes
  • Le mélange Stratégie-Gestion-JdR
  • Un contexte historique rafraîchissant
Les Moins
  • Une action répétitive un poil trop rapide
  • Un pathfinding perfectible
  • Une IA en dents de scie
  • Pas de batailles navales
Résultat

S'il peut sembler moins complet, voir plus austère qu'Age of Empires (les graphismes sont un poil moins détaillés, les cartes sont plus "carrées", les villes moins flexibles), le Destin du Dragon apparaît surtout comme beaucoup plus réaliste. La gestion de vos citoyens est optimisée, la mise en place d'une stratégie militaire plutôt simplifiée et l'aspect diplomatique (alliance, commerce, etc.) plus poussé. Outre celles qui découlent d'un respect scrupuleux du contexte historique, ce soft apporte aussi son lot de vraies nouveautés (mettre au point une logistique de guerre, le recrutement de héros pour mener vos troupes, la gestion de la santé de votre armée…) qu'on ne trouve généralement pas aussi développées dans les STR « grand public ». Ce jeu peut donc être un choix judicieux pour ceux qui souhaitent de la stratégie réfléchie, plus proche de la réalité que celle assénée dans AOE et sans doute plus accessible et originale que ne peut l'être celle de Cossaks (qui, pour le coup, est très similaire au jeu de Microsoft). Si le Destin du Dragon n'est pas un jeu parfait, loin s'en faut, il a au moins le mérite de démontrer que ce n'est pas la profusion qui fait la qualité.

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