Test | Red Dead Redemption 2
20 nov. 2018

La chevauchée mélancolique

Testé par sur
Aussi disponible sur
Red Dead Redemption 2

Évoqué depuis plus de six ans mais officialisé fin 2016, Red Dead Redemption 2 débarque enfin, auréolé d'une hype comme on en croise rarement. Il faut dire qu'un jeu Rockstar non seulement ça ne se trouve pas sous les sabots d'un cheval – le catalogue du studio est peu fourni –, mais c'est aussi souvent l'assurance de ventes colossales (GTA V au hasard). Et pour savoir si tout ça n'est pas exagéré, il va falloir cracher votre chique et vous mettre en selle. Direction le Far West hollywoodien.

L'histoire

Voyager de région en région, et se faire la malle dès qu'on y a créé trop de problèmes, c'est un peu le passe-temps favori de la bande à Dutch van der Linde. Cela dit, la plupart ne sont pourtant pas de mauvais bougres. En plus d'être opportunistes (survie oblige), ils se révèlent parfois un peu simplistes dans leurs raisonnements et surtout très borderline concernant la loi. L'objectif qui les réunit tous : repartir de zéro. Seulement voilà, plus le temps passe, plus les braquages se multiplient et plus les perspectives de seconde chance s'évanouissent. Un cercle non vertueux au milieu duquel se retrouve Arthur Morgan, le personnage que vous incarnez. Tiraillé entre sa loyauté pour le groupe – il considère Dutch comme un père –, et ses pressentiments sur l'issue de cette fuite en avant, Arthur navigue donc en eaux troubles.

On le sait, Rockstar dispose d'une vraie capacité à raconter des histoires. Si les clichés ne sont pas évités, et même parfois soulignés avec un soupçon d'insolence, le scénario de Red Dead Redemption 2 se révèle accrocheur, bien huilé, dans la lignée des précédentes productions du studio. Il vous embarque dans une aventure à la fois collégiale et multiple mais aussi introspective, le personnage d'Arthur affichant petit à petit plus de reliefs que le début du jeu ne le laissait supposer. Des nouveautés rafraîchissantes font également leur apparition : un manichéisme plus discret ainsi qu'une place laissée aux personnages féminins moins caricaturale. Ça change de Grand Theft Auto V !
Bande pas molle et autres effets indésirables

L'ambiance

Les états d'âme d'Arthur sont représentés par ces interludes oniriques mettant en scène un cerf.

Bien au-delà de sa puissance narrative, l'ambiance de Red Dead Redemption 2 se révèle magistrale. À tel point que le personnage central du jeu, Arthur Morgan, apparaît finalement comme le faire-valoir de l'environnement dans lequel il évolue. Ainsi, le Far West sauvage, enneigé, pastoral, magnifique mais également brumeux, moite, poussiéreux, boueux, crasseux, belliqueux, apparaît aussi vivant que proche de son déclin. C'est lui le véritable héros de cette histoire et c'est avec un enthousiasme évident que vous allez le découvrir.

Visuellement, on en prend plein la vue, notamment grâce à des jeux de lumière savamment travaillés. Si la plupart des open world actuels sont aussi pimpants les uns que les autres, Red Dead Redemption 2 évite les surexpositions, les sur-contrastes et les couleurs vives un brin surnaturelles. Moins éblouissant sans doute – dans le sens premier du terme –, le jeu y gagne en intensité émotionnelle et contribue à vous plonger dans une mélancolie douce-amère, à l'exacte image de ce que peut ressentir Arthur Morgan. La bande sonore, matinée de guitare sèche et mélodies très "Western", apporte la touche finale à l'ensemble.
Un héros peut en cacher un autre

Le principe

On peut être un cowboy sans foi ni loi et prendre soin de son hygiène.

Red Dead Redemption 2 est un open world qui privilégie une progression non-punitive. Ainsi, vous n'êtes pas obligé de faire tout un tas d'actions dans le but d'obtenir un niveau suffisant vous permettant d'accéder à la suite de l'histoire. Et c'est là tout la force de ce jeu : vous laisser libre de parcourir le monde sans vous donner un instant l'impression de tourner en rond en attendant d'être assez expérimenté pour continuer. Si les activités annexes sont nombreuses, elles se révèlent à vous de manière très naturelle, en dehors de tout processus de leveling. Vous ne souhaitez pas chasser, cueillir des plantes médicinales, monter des feux de camp, pêcher des poissons, cambrioler des habitations, aider des PNJs ? Qu'à cela ne tienne : rien n'est obligatoire. Vous préférez découvrir le monde plutôt que participer aux missions principales et faire dérouler l'histoire du jeu ? Libre à vous de décider, de jongler entre l'une et l'autre de ces options.

En parallèle, plus qu'un simple jeu d'action/aventure, Red Dead Redemption 2 apparaît comme une véritable simulation de cowboy. Capturer des chevaux sauvages au lasso, les apprivoiser, prendre soin de votre monture, pister les animaux sauvages (le bestiaire est impressionnant de diversité), cuisiner à votre feu de camp, vous adonner aux joies de l'artisanat, jouer les fermiers en réunissant un troupeau de moutons égarés, boire un whisky au saloon du coin, faire une partie de poker, louer une chambre, prendre un bain (accompagné ou non), attaquer une diligence ou un train et bien sûr braquer une banque... Cette diversité, associée au fait que vous n'ayez pas à atteindre un niveau particulier pour réaliser ces actions, permet de maintenir votre intérêt à un bon niveau, chose que d'autre jeux du genre ne parviennent pas toujours à faire.
Réveillez le cowboy contemplatif qui sommeille en vous

Le multi

L'effet de groupe peut entraîner vers des décisions irréversibles.

Au moment de la rédaction de ce test, le mode multijoueur de Red Dead Redemption 2 n'est pas encore accessible. Il est annoncé pour la fin novembre 2018. Profitez-en pour (re)faire un tour dans la prairie et revenez nous voir prochainement : ce paragraphe sera mis à jour en conséquence.
Prochainement sur vos écrans

Pour qui ?

Ceux qui n'aiment pas attendre n'auront qu'à prendre le train.

Quiconque aura goûté au premier Red Dead Redemption sera bien sûr tenté de se plonger dans ce préquel, même si les liens scénaristiques sont quasi inexistants. Les adeptes de l'open world et de l'exploration en auront clairement pour leur argent tant le monde proposé est généreux et non-punitif (contrairement à un Assassin's Creed Odyssey par exemple). Les excités de la gâchette devraient également y trouver leur compte même si le challenge reste plutôt accessible côté action et que le parti pris simulation et réalisme peut les refroidir (le déplacement rapide est moins accessible que chez la concurrence notamment). Et évidemment, si vous êtes fan de western, impossible de ne pas profiter des qualités narratives de ce Red Dead Redemption 2 très cinématographique.
Ratisser large n'est pas toujours un défaut

L'anecdote

Toujours les mêmes qui rament...

Pour un jeu qui traite de la Conquête de l'Ouest et de son éveil au monde moderne, on ne peut pas dire que Red Dead Redemption 2 fasse dans la subtilité coté caricature. Ainsi, la place des Amérindiens y est toujours aussi limitée, cantonnée aux espaces sauvages alors que tous n'étaient pas des nomades. Ce n'est là que l'un des détails "historiques" intéressants à relever dans ce jeu. Si le thème vous parle, je vous conseille la lecture de cet article du Monde.fr.
Une conquête de l'Ouest stéréotypée ?
Les Plus
  • Le parti pris contemplatif et atmosphérique
  • Une simulation de cowboy réjouissante
  • Pas de leveling punitif
  • Des personnages féminins moins caricaturaux
  • La complicité cheval/cavalier
  • Un scénario de bonne tenue qui évite les redites
  • Des jeux de lumière impeccables
  • Une bande sonore qui donne envie de se mettre à la guitare
Les Moins
  • Un héros un peu lourdaud dans ses déplacements
  • Un peu trop facile ?
  • Les Amérindiens cantonnés à des rôles stéréotypés
Résultat

L'open world, tout le monde connaît. Les représentants du genre – surexploité ? - s'affichent souvent au sommet des ventes. Avec Red Dead Redemption 2, Rockstar prouve brillamment que l'on peut associer maîtrise scénaristique et liberté du joueur. En prenant à contre-pied le réflexe du "tout action" parfois un peu indigeste, le jeu ose le contemplatif, l'atmosphérique et la simulation tout en conservant l'intensité nécessaire à votre intérêt. S'il n'évite bien sûr pas la caricature hollywoodienne, il offre néanmoins une expérience Far West "à la carte" qui peut convenir aussi bien aux excités de la gâchette qu'aux explorateurs solitaires.

Partagez ce test
Tribune libre