Test | Detroit : Become Human
02 juil. 2018

Une aventure tout sauf boring

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Detroit

Un jeu, vraiment ? Le studio français Quantic Dream est un habitué du genre, particulièrement clivant, où le scénario est au cœur de titre. Si vous n'aimez pas les "jeux narratifs" où l'émotion prend le dessus sur l'action, passez votre chemin. Pour vous autres, Detroit se rapproche du diamant finement taillé, à la fois dans la continuité des titres du studio mais avec une approche qui lui est propre, cependant parfois un peu simple.

L'histoire

Les inspirations de Detroit sont nombreuses mais c'est Blade Runner qui saute aux yeux, pour l'émancipation des androïdes dans une société au bord de l'explosion. En 2038, à Détroit donc, chacun peut s'offrir pour quelques centaines de dollars une machine imitant à la perfection l'être humain, et programmée pour des tâches souvent pénibles. L'impact est double : l'espèce humaine délègue ses boulots ingrats, mais se plaint aussi de ne plus avoir de travail. Un sentiment de déjà vu ? Dans ce contexte où les androïdes sont à la fois populaires et détestés, certains d'entre eux brisent le mur invisible qui les lie à leur condition : le respect de leurs maîtres. Que se passe-t-il quand une prostituée androïde se fait frapper par un client pervers ? Normalement, elle ne réagit pas. Jusqu'à ce que l'une d'entre elles étrangle ce client et déclenche une tornade policière. Ces cas isolés commencent à inquiéter sérieusement l'entreprises qui produit ces androïdes déviants ainsi que les pouvoirs publics.

Connor, un androïde policier expérimental, est chargé de mener l'enquête en soutient d'un inspecteur humain renfrogné. Markus, un auxiliaire de vie d'un artiste âgé, est déboussolé après que son "père" décède sous ses yeux. Kara pète un transistor quand elle est la témoin d'actes de violence de son maître envers sa fille. Vous incarnez en parallèle ces trois personnages pour les accompagner dans leur quête de soi. À vous de décider de la ligne de conduite que vous adoptez, au fil des confrontations. Plutôt humain ou robot ?
Je ne suis pas un numéro !

Le principe

Bonne ambiance à Detroit !

Les moments les plus actifs du jeu se concentrent dans des phases de QTE où vous devez appuyer en un temps limité sur les bonnes touches qui apparaissent à l'écran. Donc pas de stress : vous êtes à mille lieues des jeux d'aventure nécessitant une courbe d'apprentissage complexe, que vous perdez dès que vous laissez de côté le jeu plus d'une semaine. Detroit est d'une fluidité exemplaire. Le titre est d'ailleurs plus simple à prendre en mains que le précédent jeu de Quantic Dream, Beyond : Two Souls. Le jeu est découpé en chapitres où vous déplacez votre personnage à la recherche d'interactions. Même si vous avez une impression de linéarité dans l'histoire, les multiples choix de dialogues et d'action déterminent votre ligne de conduite : androïde rebelle ou machine bien sage ? À vous de choisir, au fur et à mesure de subtiles embranchements. À la fin de chaque chapitre, un schéma des possibilités est affiché. Vous découvrez ainsi ce vers quoi vos choix vous ont amené. Vous pouvez par la suite rejouer le chapitre mais en réalité, votre personnalité se calque rapidement sur les personnages, rendant vos choix plutôt naturels.
Vivre ou laisser mourir

Le système de jeu

Le moment où vous vous demandez si vous avez pris les bonnes décisions

Les trois personnages ont une histoire et des enjeux différents. Comme vous vous en doutez, ils finiront par se croiser. Mais chacun a ses propres aspects qui auraient pu être développés dans leur propre jeu. Kara se projette en mère de famille après avoir enlevé la petite Alice et son impératif est de la maintenir en vie et au chaud. Quand vous devrez passer dehors votre première nuit de fugitive, plusieurs possibilités s'offrent à vous. Irez-vous braquer une supérette pour payer un motel ? Ou voler des vêtements chauds à un pauvre bougre endormi au lavomatique ? Quand un autre androïde déviant se cachant dans une maison abandonnée surgira avec un couteau à la main, jouerez-vous la carte de la franchise ou celle de la violence ? De son côté, Markus est un leader né. Rejoignant d'autres déviants paumés, il va mettre en place ce qui deviendra la révolution au cœur du jeu. Mais pour y parvenir, vous devrez choisir entre la démonstration de violence, quitte à tuer quelques humains au passage, ou toujours garder en tête la ligne pacifique que vous vous êtes fixée. Il sera souvent tentant de privilégier la violence : laisserez-vous vivre des gardes humains qui risqueront de vous dénoncer plus tard ?

Connor l'apprenti flic est sans doute le personnage le plus attendu, mais le plus réussi. Avec entre les mains des dizaines de cas d'androïdes déviants, vous enquêtez sur plusieurs scènes de crime en essayant de connecter les indices. Connor bénéficie d'un système de jeu plus avancé avec une capacité d'analyse de terrain et de déduction, qui rend ses chapitres plus interactifs que les autres. Jeune bleu de la police, il doit sans cesse tenter de se faire respecter sans jamais froisser son coéquipier particulièrement remonté contre les androïdes. Gagner son amitié vous semblera être une activité parallèle distrayante, au regard de l'enquête principale, mais cela se révèlera payant sur le long terme...
Trois salles, trois ambiances

Pour qui ?

Les enquêtes de Connor, on en demande encore !

Vous l'aurez compris, Detroit n'a rien d'un jeu d'action au monde ouvert comme c'est la tendance. À total contre-courant, Quantic Dream enchaine les succès en proposant des jeux à l'implication poussée. Non, il ne s'agit pas d'un film interactif. Il s'agit de multiples scénarios, que vous affinez au fur et à mesure pour vous glisser sur l'une des lignes possibles. Detroit est aussi un jeu graphiquement très réussi. Avec son studio de motion capture, Quantic Dream n'est pas en reste pour proposer des personnages aux visages bien détaillés, capables de restituer les moindres émotions liées à l'histoire. Comme d'habitude, plusieurs acteurs ont prêté leur corps et leur voix pour enregistrer les scènes, le tout sous la direction de David Cage, le patron du studio.

Côté histoire, Detroit est à mi-chemin entre le roman SF un peu naïf et un film de M. Night Shyamalan, avec un gros twist à la fin mais que vous voyez venir depuis la moitié du jeu. Il y a d'excellentes idées mais malheureusement, l'univers du jeu semble bloqué aux frontières des chapitres et on voudrait en savoir plus. Comment est-il possible que des androïdes soient capables de manier autant d'objets avec autant de facilité ? Pourquoi sont-ils des êtres indépendants et incapables de partager une intelligence collective qui les rendrait plus forts ? Pourquoi ont-ils des muscles de fillettes de 8 ans alors qu'ils sont en acier ? S'ils sont libres, les androïdes paieront-ils des impôts ? Mais bon. Le jeu n'est pas là pour ça. Le jeu est là pour vous mettre à la place de populations qui subissent une forme violente de ségrégation au quotidien, et cela n'a jamais été aussi parlant que dans notre société contemporaine. L'autre fait peur, alors on se protège en le cloisonnant, en l'isolant, voire en l'éliminant.
R. Daneel Olivaw aime ça !

L'anecdote

Tuerez-vous un androïde pour quelques informations ?

Nombreux sont les moments où je me suis retrouvé plongé dans le doute. Est-ce que je réponds de manière un peu plus sèche à mon coéquipier ? Ou est-ce que je m'écrase en tant qu'androïde docile ? Je n'ai quasiment jamais regretté mes choix. Mais j'avoue que voir ma relation se dégrader entre deux personnages m'a fait suffisamment mal pour recommencer le chapitre et écraser ma sauvegarde. Une fois le jeu terminé, alors que je pensais avoir fait les bons choix avec Kara et la petite Alice en épargnant des vies humaines, je me suis rendu compte que cela menait indubitablement à la mort d'un personnage. J'ai donc recommencé cette mission en étant un peu plus égoïste et c'est tout un chapitre, inconnu jusqu'alors, qui s'est ouvert à moi. Si certains choix peuvent sembler anecdotiques, d'autres vous récompensent – ou vous privent – de pans entiers du jeu. Ainsi, en faisant de l'apprenti flic Connor un véritable enfoiré, vous pouvez vous retrouver à contrer la révolution androïde. Mais malgré tous mes efforts, je n'ai pas réussi à débloquer ces séquences de jeu. Pour moi, Connor sera toujours un gentil naïf, plutôt malin et humaniste.
Les regrets c'est pour les faibles
Les Plus
  • Prise en mains simple et immédiate
  • Votre personnalité sculpte le jeu au fur et à mesure
  • Des personnages attachants
  • Les chapitres de Connor nettement au-dessus
Les Moins
  • Les séquences de QTE sont très difficiles à rater
  • Un poil lent à se mettre en place
  • Les 3 aventures auraient mérité chacune un jeu complet
Résultat

L'équipe de Quantic Dream a fourni un boulot remarquable. Quels que soient vos choix et les embranchements, l'histoire reste logique et consistante. Certaines branches vous couperont net dans votre élan d'émancipation androïde, à vous de bien faire attention aux conséquences de vos paroles (et accessoirement de vos actes, mais ça n'est clairement pas là où se joue l'action). Alors certes, il ne faut pas abandonner le jeu quand votre mission principale sera de laver la vaisselle ou servir un petit-déjeuner : cela participe à la construction de l'intrigue. C'est cela qui est intéressant dans Detroit : entre deux actes décisifs, vous vivez des moments de vie sans enjeu particulier, si ce n'est vous demander si votre personnage n'est finalement pas plus humain que ses maîtres...

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