Dossier | Hyper-Devbox : Interview Exclusive
20 juil. 2003

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Pas besoin d'une production conséquente ou d'une renommée internationale pour titiller notre curiosité. Voici l'interview de la très sympathique équipe franco-japonaise d'Hyper-Devbox, un studio implanté au pays du Soleil Levant à l'origine du jeu ExZeus.

Première partie

Carlo Perconti
Pour commencer, pouvez-vous nous présenter vos parcours respectifs ? D'où venez-vous ?

Carlo Perconti : J'ai commencé à créer des jeux vidéo à l'âge de 17 ans (j'en ai maintenant 37) et toujours avec la même ferveur. J'ai débuté ma carrière à l'âge de 17 ans donc, dans la société LORICIELS comme Software Engineer. J'ai monté, en France, ma première société de développement de jeux, CHIP, laquelle a réalisé deux jeux pour PC, Commodore Amiga et Atari ST ("Joan of Arc" et "A journey in the center of earth"). De 1988 à 1992, j'ai travaillé comme Software Engineer en "Freelance" et réalisé, en collaboration avec RUSHWARE, 2 jeux pour Commodore Amiga, Atari ST, NES and SEGA MEGADRIVE ("The 3 musketeers", "Nile living God"). En 1992, j'ai fondé, en collaboration avec d'autres partenaires, la société ARCADE ZONE, où je me suis occupé de la programmation de "Legend" et de "Iron Commando" pour Super Nintendo. Plus tard, en 1995, je monté avec des amis, la société TOKA. Durant mes 5 Années à Toka, j'ai développé plusieurs 3D ENGINES pour PC, Playstation 1 et 2, Gamecube. J'ai travaillé sur les jeux "Burning Road" (PS1), "Explosive Racing" (PSX), "Legend 3D" (PSX), "Soulfighter" (DC), "Sky Surfer" (PS2), "Viva Rock Vegas" (PS2) et "Gunheart" (PS2). A la fin de l'année 2001, j'ai créé Hyper-Devbox.
Christophe Lebouil
Michel Golgevit : 1er prix de Trombone et d'harmonie.

Olivier Rabat : 1er prix de violon et de solfège.

M.O. & O.R. : Nous avons crée notre studio de création à l'âge de 22 ans et cela fait maintenant plus de 10 ans que nous composons, arrangeons et réalisons diverses musiques pub, film, variété et bien sûr jeu vidéo.

Christophe Lebouil : J'ai commencé la programmation de jeux vidéo en 1985, avec l'édition d'un jeu sur Amstrad chez Loriciel. J'ai travaillé ensuite chez Ubi-Soft, puis Ocean-France, toujours à l'époque des ordinateurs 8 et 16 bits. Après cela, j'ai rejoint Cryo-interactive, et réalisé des jeux sur Macintosh, PC et Gameboy. Enfin, j'ai travaillé à Toka, sur des jeux d'action pour PS2 et GameCube.

M.Higuchi : Je suis de la région du fukuoka au Japon, graphiste de formation.

H.Nakashima : Je suis de la région de Gifu au Japon, graphiste de formation. Nous avons fait les graphismes de plusieurs jeux qui ont été édités au Japon mais également des films d'animation à la télévision ainsi que des posters et la publication de différents ouvrages traitant de la modélisation 3D et de l'animation.

Michel Golgevit et Olivier Rabat

La situation géographique d'Hyper-Devbox est plutôt originale : une partie de votre équipe réside au Japon, véritable berceau du jeu vidéo. Y a t'il une raison particulière à ça ? Pouvez-vous nous l'expliquer ?

C.P. : C'est un choix personnel. Depuis déjà bien longtemps, je travaillais entre la France et le Japon, donc tout naturellement, quand l'opportunité s'est présentée de fonder Hyper-Devbox, j'ai voulu qu'une partie de la société soit au Japon. J'adore ce pays, j'y ai beaucoup de contacts et d'amis. Le "jeu", sous toutes ses formes, est aussi pris en considération et n'est pas dévalorisé comme dans certains autres pays.

Quels avantages tirez-vous de cette implantation japonaise ?

C.P. : Nombreux. Notre implantation au Japon nous permet de mieux "sentir" les grands changements dans l'industrie du jeux vidéo. Il n'est un secret pour personne que le Japon et les éditeurs Japonais influent et donnent souvent les grandes lignes directrices dans le domaine de la création de jeux vidéo. De plus, à part la Xbox, toutes les autres consoles sont japonaises et notre implantation au Japon nous permet d'avoir un accès plus rapide aux Kits de Développement et de rassurer les éditeurs locaux qui nous font confiance en développant dans leur proximité. Un exemple tout simple, ExZeus sera le 1er jeu non développé par un éditeur Japonais à être édité sur le système Arcade NAOMI. Je pense que c'est une grande fierté pour une société française comme Hyper-Devbox. Je ne pense pas que cela fut possible sans notre implantation au Japon.
M.Higuchi
Vous travaillez au milieu de studios expérimentés. Avez-vous déjà eu l'occasion de discuter avec eux de la situation actuelle du jeu vidéo ? Comment perçoivent-ils la crise que traverse les studios européens et en particulier français. En sont-ils informés ?

C.P. : Oui, ils le sont. Je pense que la crise est "mondiale". Je ne peux que déplorer la fermeture des studios francais les uns après les autres. C'est peut-être dû au système d'accès au canaux de distribution et la non reconnaissance de cette industrie. Le développeur est dépendant de l'éditeur qui lui-même est dépendant de la distribution qui eux-même verrouillent de plus en plus les marchés. Il faut favoriser l'accès direct du public aux créations des développeurs. Internet peut y aider.

M.G. & O.R. : le jeu vidéo en France est surtout à l'heure actuelle un pôle de localisation. Dans le milieu musical, c'est très fermé et nous travaillons beaucoup par bouche à oreille.

C.L. : Oui, c'est assez inquiétant.

M.H. & H.N. : Nous pensons que le développement de la politique du "bas prix" progresse de manière inquiétante. Nous devons combattre en proposant des contenus innovants et créatifs.

Deuxième partie

H.Nakashima
Parlons maintenant de votre premier jeu : ExZeus. Comment le définiriez-vous ?

C.P. : ExZeus est un Shooting Game 3D, il en existe peu, nous l'avons situé dans la lignée "Space Harrier" et "Planet Harrier" de Sega, c'est de l'action pure. On ne fait pas dans le compromis, c'est de l'arcade. Le joueur en finissant un niveau doit être en sueur sinon c'est que l'on a raté notre but. J

M.H. & H.N. : C'est un shooting game avec pour héros des robots AMANOIDO. Nous avons particulièrement bûché sur le design des robots afin d'en faire des personnages avec des "consonances" humaines. Leur objetcif sera de sauver la Terre d'une invasion de cyborg. Nous pensons que ces robots, Sofia, Calista et Dynamis pourraient être les héros d'un futur dessin-animé.

Qui fait quoi sur ce jeu ? Pourriez-vous expliciter vos tâches respectives ?

C.P. : Je suis le Lead Programmeur, développant le gameplay avec Christophe, le moteur 3D et les outils nécessaires.

C.L. : Assistant Programmeur, j'ai réalisé une partie de l'interface, et également des réglages sur le gameplay, en prenant soin de tester les différentes phases du jeu. Il est délicat et très important d'avoir une difficulté bien dosée.

M.G. & O.R. : Musiciens et bruiteurs.

M.H. : J'ai été en charge du design des niveaux, des boss et des enemies d'ExZeus. J'ai voulu apporté une touche de mythologie Grecque au design, cela se remarque plus particulièrement dans les noms choisis pour les boss de fin de niveau.

M.H. & H.N. : Nous avons modélisé et texturé les designs créés afin de les rendre vivants à travers le puissant moteur 3D d'ExZeus.
Choisir un jeu d'arcade au background assez sommaire pour débuter, est-ce un moyen efficace de faire ses marques techniquement parlant (en se concentrant sur un moteur musclé notamment) ou bien une réelle envie de revenir au "jeu pur", qui met avant tout en avant un gameplay accrocheur ?

C.P. : Comme je l'ai dit précédemment, c'est vraiment dans l'idée de revenir au "jeu pur", une sorte de retour au source, tout en utilisant les toutes dernières technologie 3D, le tout à 60 FPS, fluide. Une prise en main rapide, et un plaisir instantané.

ExZeus propose au joueur 6 niveaux de jeu, 12 ennemis différents et 5 boss. Comparés aux productions actuelles, très friandes en caractéristiques surdimensionnées, ces chiffres pourraient paraître un peu justes. Comment souhaitez-vous justifier ces limitations ?

C.P. : ExZeus est un jeu d'action pur et intense. Nous donnons tout et tout de suite au joueur. Je pense que faire plus grand ou plus long n'aurait pas forcément apporté un plus au joueur, le jeu est déjà assez "challenge" avec son contenu actuel. Personne ne peut jouer à un jeu d'action intense plus que 30 ou 40 minutes d'affilés de toute façon. ExZeus apporte au joueur un défoulement, un plaisir rapide. C'est du "shoot".
L'environnement sonore de ce genre de jeu répond à des critères très précis (rythmes soutenus, fréquences rapides, bruitages référencés). Comment parvient-on à trouver son originalité dans un habillage audio qui semble difficilement modulable ?

M.G. & O.R. : La rencontre avec le réalisateur est primordiale. Il nous parle de son univers, nous montre des images et des références. A partir de là on élabore des maquettes qui vont évoluer tout au long de la construction du jeu. Ensuite quand on arrive vers la fin on se pose les questions d'enchainement des musiques, des interventions des bruitages, des coupures de fin de niveau etc. Alors on travaille sur les tonalités, les rythmiques, les différents instruments pour harmoniser le tout. L'originalité vient de la compréhension du ressenti du réalisateur (comme dans un film) et des compositeurs eux mêmes. Nous travaillons toujours au moins à 2 compositeurs pour mélanger nos deux styles.
ExZeus est disponible sur borne d'arcade, une plate-forme qui dispose d'un large public au Japon mais qui est nettement moins répandu en Europe. De ce fait, pensez-vous que le joueur européen sera aussi réceptif à ce genre de concept ?

C.P. : Je pense que oui. L'arcade est avant tout une vitrine, et a souvent été une pépinière des grands succès console, y compris en Europe. ExZeus est un jeu d'arcade, mais il n'est pas nécessaire d'aller "en Arcade" pour l'apprécier. Je pense également que la notion de joueur européen, américain, japonais, etc. se réduit de plus en plus, pour devenir une notion plus globale et générale. Si vous aimez l'action, peu importe votre nationalité et/ou votre culture, vous aimerez ExZeus.

Les jeux d'arcade ne sont pas légion sur PC et, à première vue, sont nettement plus adaptés à l'univers et aux attentes des joueurs sur consoles. N'est-ce pas risqué de proposer un tel produit uniquement sur PC alors qu'il ne s'agit pourtant pas du support le plus rentable ?

C.P. : Le PC est tout simplement le format qui a été fini le plus rapidement. Nous avons donc souhaité le mettre à la disposition des joueurs. Quand à la rentabilité, ExZeus est un jeu pour l'arcade avant tout, donc sa rentabilité se fera sur l'arcade, mais le jeu sera porté sur console s'il obtient un bon succès. C'est le joueur qui décidera.

Troisième partie

ExZeus sera-t'il disponible sur d'autres plates-formes ?

C.P. : Certainement, tout dépendra du succès du jeu en Arcade, il est encore un peu tôt pour en parler. Evidemment les versions Consoles seront un peu différentes, mais respecterons l'esprit et le fun d'ExZeus Arcade.

Les commandes du jeu disposent d'une personnalisation assez limitée (l'utilisation des flèches de direction est obligatoire par exemple) et, dans la FAQ (Foire Aux Questions) de ExZeus, vous préconisez l'utilisation du Joystick. En bridant l'adaptation du jeu à l'architecture et aux fonctionnalités propres au PC, ne pensez-vous pas aller directement à l'encontre de votre postulat de départ ("Nous allons transformer votre PC en console") ?

C.P. : Non, bien au contraire. Ce qui fait la différence d'une console avec un PC, c'est le hardware et/ou les fonctionnalités fixées. Je ne pense pas que suggérer un Joystick pour un jeu d'action Arcade soit à l'encontre de l'esprit console. Quant à la limite des flèches (clavier), si un clavier comporte des flèches de direction, c'est bien pour que l'on s'en serve pour diriger quelque chose :o)
La distribution d'ExZeus est assez originale puisqu'elle se fait par internet (le joueur télécharge le jeu et achète un code pour déverrouiller la version complète). Qu'est-ce qui a motivé ce choix ?

C.P. : Le shareware est-il si original ? Je pense que les jeux PC ont cette particularité de pouvoir être acheté directement par le joueur par le biais d'internet. C'est un plus, en ce sens que cela rejoint un peu l'esprit de l'arcade où le joueur entre dans une salle et choisit le jeu qu'il souhaite. Les canaux de distributions classiques sont essentiels mais parfois saturés ou mal adaptés. Pour ma part, je ne vois pas ce qui est le plus "originale" : acheter un jeu sur internet ou bien dans un supermarché à coté des Fruits & Légumes ?

Pensez-vous à un circuit de distribution plus traditionnel pour l'avenir ?

C.P. : Oui, c'est possible. Tout dépendra des possibilités qui se présenteront à nous. De toute façon, pour les marchés Console, il est, pour le moment, obligatoire de passer par les circuits de distribution traditionnels.

Depuis mai dernier, un concours est organisé pour récompenser les meilleurs scores obtenus sur ExZeus (le gagnant empochera un premier prix de 1000 US$). Quelle est le but recherché par ce genre d'évènement au demeurant plutôt sympathique ?

C.P. : Un but de promotion bien sûr, ainsi qu'un but de revenir aux sources des jeux vidéo avec des concours sur l'habilité des joueurs. Cela n'existe presque pas ou plus. Nous avons pensé que tant qu'à faire un concours, autant le faire sur cette habilité plutôt que d'user du traditionnel tirage au sort.
Pour finir, pourriez-vous maintenant nous parler de vos futurs projets ?

C.P. : Nous allons continuer dans l'action pour l'Arcade, et également nous lancer dans le RPG-ACTION, avec une adaptation de "L'île au Tresor / Treasure Island" de Robert Louis Stevenson.

C.L. : Je prépare actuelement un jeu d'action avec des éléments de RPG.

M.G. & O.R. : Nous développons 2 nouveaux artistes en variété et nous rencontrons des personnes à l'étranger (Japon et Etats Unis) pour développer nos créations internationales. Nous apprécions particulièrement le mélange des cultures musicales.

M.H. & H.N. : Nous souhaitons développer les graphismes de nouveaux jeux avec pour mots clefs : "Intérêt" et "Rafraîchissant". La collaboration avec Hyper-Devbox a été très enrichissante pour nous, nous souhaitons continuer cette collaboration et la développer.
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