Test | 7 Sins
29 juin 2005

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7 Sins

L'été, c'est la saison idéale pour faire des rencontres. Ca tombe bien : 7 Sins ne propose que ça. Rencontres avec des maîtresses dominatrices, des stars peu farouches, et même des hommes ! Autant d'expériences à priori plus exaltantes que votre flirt saisonnier consommé en vitesse au bal musette de Trifouillis-Les-Bains. Hélas, il y a des jeux qui se comportent comme certaines allumeuses : après un premier contact stimulant, on constate un écart décevant entre promesses et voeux exaucés.

Etre ou ne pas être un geek ?

Il faudrait avoir passé les quinze derniers mois dans un élevage d'ornithorynques au Pérou pour ne pas s'en être rendu compte : le sexe dans les jeux vidéo, c'est une affaire qui roule. Encore récemment, il était plus question de connotation salace que de libération sexuelle dans le petit monde des polygones. A ce titre, les éditeurs avaient le chic pour se dégoter des alibis drôles à se taper sur les cuisses. Imaginez un jeu uniquement basé sur la plastique alléchante d'une joyeuse bande de donzelles au QI de poêle à frire. Imaginez en plus que ladite plastique soit mise en valeur par des bikinis rétrécis au lavage, et la gestion de la loi de la gravité (qui influe sur le rebondissement irrésistible des poitrines gonflées à l'hélium). Impossible de proposer ça sans passer pour un provocateur misogyne, me direz-vous ? Que nenni ! En égarant les greluches sur une plage ensoleillée pour les faire jouer au volley, on justifie d'un seul coup leur semi-nudité affriolante et des zooms à la limite de la décence au sein de replay "sportifs". Il ne reste plus qu'à orner l'ensemble de la licence Dead or Alive et on tient un carton... Le temps passe : la recette séduit son petit monde, les joueurs assument leur perversité bien compréhensible, et les éditeurs ne pensent plus à cacher leur volonté d'en tirer profit. Tant et si bien que des jeux comme Singles ou Playboy: The Mansion voient le jour, des jeux où l'on se doit de gérer les relations amoureuses et sexuelles de nos avatars virtuels. Avec, bien sûr, des images sexuellement explicites à la clé.

Invitation à la débauche

Dans 7 sins, un homme peut piquer en douce du fric lors d'un tête à tête. L'inverse de la vraie vie: qui ne s'est jamais fait plumer au resto?

Me serais-je éloigné de mon sujet ? Eh bien non, parce que 7 Sins, c'est un peu la synthèse de tout ça. D'un côté, on prétend vous faire "goûter aux sept péchés capitaux", mais d'un autre, on insiste surtout sur celui de ces péchés qui a le plus de chance d'attirer le joueur solitaire, à savoir la luxure. Il suffit de regarder la jaquette : un beau brun en train de se faire masser par une charmante créature, avec de part et d'autre du premier plan deux jambes divinement galbées qui surgissent d'un string en cuir. Voilà qui devrait attirer le chaland ! Il en aura pour son argent, le bougre : ce 7 Sins assume ses aspirations. Certes, comme dans Playboy, la nudité absolue n'est pas atteinte puisqu'on reste en sous-vêtements, mais la simulation d'actes sexuels divers et variés est bien présente avec des mini-jeux relativement explicites et des situations que chacun jugera – au choix – cocasses ou ridicules.

Le topo

Avouez que pour jouer sous la douche, une jolie blonde c'est quand même plus marrant que le canard en plastique de votre enfance!

Vous êtes beau, vous êtes jeune : le "latin lover" type, bien dans son corps et follement ambitieux, une sorte de Rastignac moderne. Votre projet ? Conquérir "Apple City", métropole évidemment inspirée de New York. Comment ? En vous servant de votre belle gueule d'amour, et de tout ce qui va avec : il vous suffira de séduire toutes celles (et tous ceux !) qui seront susceptibles de vous faire gravir les échelons du succès et de la célébrité. C'est ainsi que, commencé vendeur dans une boutique de luxe, vous finirez à la tête d'une puissante société, dans un bureau plus grand encore que l'appartement d'Hervé Gaymard. Attention, subtilité : chacun des sept chapitres jalonnant votre fulgurante ascension est consacré à un péché particulier : l'orgueil dans une boîte de nuit people, la luxure dans un club échangiste, etc. Sauf que, partout où vous irez, quelle que soit la situation, il sera avant tout question de drague : le but est invariablement d'éblouir plusieurs victimes potentielles par votre incommensurable charisme pour leur demander finalement une faveur sur l'oreiller (du genre "hypothèque ta quatrième villa en Floride pour financer mon élevage d'ornithorynques au Pérou", mais en moins folklorique).

La théorie de la bavette

Pourquoi les bourgeoises achèteraient des vêtements? Avec vous, elles passent leur temps à se déshabiller!

Puisque dans 7 Sins, la séduction occupe les deux tiers du temps de jeu, on est en droit d'espérer un système de dialogue addictif et percutant. Faudra repasser la semaine prochaine ! Simplistes et répétitives, les discussions amusent dans un premier temps, puis suscitent successivement indifférence et lassitude. Bien sûr, on se trouve dans un Sims-like, alors plutôt que de vraies paroles, les dialogues sont composés d'une mélasse de sons indéchiffrables. La compréhension passe du coup essentiellement par l'expressivité des intonations – au demeurant fort réussies –, traduites par des phrases qui s'affichent à l'écran. Hélas, si l'oreille est satisfaite, votre petit cerveau (mais si, vous savez, ce truc qui intéresse tant TF1), lui, est sous-exploité. Le principe est bon, pourtant : draguer quelqu'un, c'est titiller ses lubies, repérer ses points d'intérêt. Tout est une question de bon sens : un bref présentatif du personnage est disponible en appuyant sur R1, à vous de savoir l'interpréter. Par exemple, on se doute que votre patron véreux est sensible à la flatterie et aime parler d'argent, tandis qu'une bimbo écervelée ricanera à vos blagues de collégien et se laissera impressionner par vos anecdotes people inventées de toutes pièces (baby-sitting auprès de la nouvelle conquête de Michael Jackson, soirée Pictionary chez Schwarzy).

Devenez un fonctionnaire de la séduction

Au bout de 3 heures de jeu, on a tous, comme ce vigile, envie d'arranger la tête du héros à la ponceuse.

L'ennui, c'est qu'on vous mâche le travail : chaque type de comportement est associé à une icône (biceps contracté pour la frime, smiley rieur pour l'humour...) apposée aux répliques qui correspondent dans la boîte de dialogue. Résultat : on peut très bien choisir les icônes sans même lire les répliques, résumées d'ailleurs à une idée générale, comme "lui parler du suicide de mon hamster" (smiley "sensible" larmoyant). On aurait préféré progresser par tâtons en devinant soi-même à quelles catégories appartenaient les réparties, pour en déduire la plus appropriée. D'autre part, on ne construit finalement aucun dialogue : la "conversation" repose sur le fonctionnement binaire "réplique acceptée par l'interlocuteur/réplique rejetée". Pas moyen de rattraper une gaffe par une pirouette, pas moyen de continuer sur un même thème. Le système d'évolution de la relation ne fait rien pour estomper cette lassitude routinière. La séduction est décomposée en six étapes à franchir progressivement : premier contact, relation, flirt, amour, sexe, passion. Pour passer de l'une à l'autre, il est vivement conseillé de balader votre interlocuteur aux quatre coins du décor. Cela permet d'aborder de nouveaux sujets. Ainsi, on commence sur le canapé, on poursuit au bar, puis sur la piste de danse, et on finit à quatre pattes dans un coin discret. Pas mal conçu à première vue, sauf que l'on retrouve systématiquement ces éléments (ou d'autres similaires) dans tous les niveaux. Un bar dans un club de combat, vous y croyez, vous ? Moi non plus.

La pêche au péché, un sport risqué et ennuyeux à la longue

"Tu connais celle de la blonde qui se retrouve au lit avec un loser en slip kangourou?"

Draguer, ce n'est pas seulement entretenir une conversation, c'est aussi savoir gérer ses sentiments. Vous êtes un arriviste, vous ne parlez aux gens que par intérêt, pas tellement par affinités : en conséquence, vos interlocuteurs vous stressent, vous énervent, mais vous excitent aussi. Ces trois émotions sont symbolisées par des jauges qui ont une fâcheuse tendance à se remplir contre votre gré : si l'une d'elles atteint son maximum, vous pétez les plombs en public, vous vous discréditez aux yeux de tout le monde, et devrez donc reprendre vos relations à zéro. Alors, comment évacuer cette pression constante ? Je disais un peu plus haut que les conversations occupaient les deux tiers du jeu : le tiers restant est composé de mini-jeux tous plus débiles les uns que les autres qui vous permettent de vous soulager et mettent en scène les sept péchés capitaux. Une petite montée de stress ? Contemplez vous dans le miroir pour stimuler votre orgueil ! La moutarde vous monte au nez ? Pissez dans le gobelet du patron pour chasser votre colère ! Le charme de votre interlocutrice commence à vous faire trop d'effet ? Rincez vous l'œil sur son décolleté pigeonnant : ça calmera votre libido (enfin c'est ce que prétend le jeu, moi ça me ferait plutôt l'effet inverse)! Comme la vie est un dilemme permanent, vous ne pouvez pas accomplir plus de sept péchés successifs, que seule une bonne action (ranger des archives, nettoyer une table) peut effacer. Mais les bonnes actions, c'est comme les soirées Scrabble avec tante Gisèle : ça vous énerve, ce qui se traduit par une nouvelle montée de la jauge correspondante ! En clair, vous passez votre temps à jongler avec vos jauges et votre cumul de péchés, ce qui vous contraint à interrompre cycliquement vos séances de drague pour vous adonner aux mini-jeux déjà mentionnés.

Le salace, ça lasse !

Pour séduire une femme, il faut se plier à ses lubies. Tant qu'elle ne vous demande pas d'écouter Pascal Obispo en boucle...

La progression se fait donc laborieuse et souvent pénible, d'autant que si les jeux proposés amusent au départ, leur répétitivité finit par irriter. Proposer autant de séquences en 2D avec des principes aussi archaïques à l'aube d'une nouvelle génération de consoles relève plus du foutage de gueule intégral que d'une audace décalée. Sans parler du mauvais goût affiché qui divisera les foules. Jugez par vous-même : dégommer les moustiques en dirigeant son jet d'urine dans les toilettes, s'empiffrer pour aller vomir dans un coin (passage trop facile, pompé sur les QTE de Shenmue), écraser (en rêve) au marteau des petits lapins innocents dont les viscères éclaboussent l'écran, etc. C'est souvent fun –pour un peu qu'on adhère à l'humour potache- mais aussi à la limite du jouable de temps en temps et surtout lassant, malgré la quantité honnête de jeux proposés (entre quinze et vingt). Ce reproche est surtout valable pour les mini-jeux sexuels, au nombre de trois ou quatre, qui interviennent quand votre relation avec quelqu'un a suffisamment évolué. A propos, si leurs consignes laissent espérer de purs instants de débauche, ce n'est pas avec le contenu proposé qu'une nonne sexagénaire pourra se dévergonder ! Par exemple, "chercher le point G" se résume à déplacer sur un fond bleu un curseur pour qu'il grossisse. De même, "caresser une conquête féminine" se réduit à déplacer un autre curseur sur le contour d'une silhouette. Seul l'exercice de "pelotage des glandes mammaires" (en déplaçant les deux josticks simultanément) commence à se rapprocher de la pornographie vidéoludique : dans l'ensemble, 7 Sins est moins pudibond que Playboy, mais ne choquera pas tante Gisèle si elle passe devant votre écran.

La paresse, péché mignon des développeurs ?

Non, ce n'est pas un parcours fléché belge, mais un mini-jeu pour voler de l'argent.

Les petits gars de MonteCristo ont raison de sortir un jeu sur le péché : ils connaissent bien leur sujet, surtout la paresse. Comment expliquer autrement le retard technique qu'accuse le titre ? Le problème, ce n'est pas tant les décors : on ne s'étonne pas qu'il s'agisse uniquement de lieux clos (c'est un Sims-Like), et on s'offusque à peine du fait que les murs deviennent transparents pour un oui pour un non : après tout, on y gagne en visibilité. Le problème, ce n'est pas non plus la map d'Apple City en une dimension qui a au moins le mérite de faire rire aux éclats à sa découverte. Non, le problème ce serait plutôt ces temps de chargements scandaleusement longs qui surviennent à tout bout de champ, alors que, justement, le niveau technique du jeu ne les justifie pas. Pour charger la map, puis pour charger un niveau, avant un mini-jeu, après un mini-jeu... C'est tellement exaspérant qu'on en finirait par trouver plus relaxantes les soirées Scrabble avec tante Gisèle. Quant aux filles avec lesquelles vous finissez au plumard (puisqu'il n'y a que ça qui vous intéresse, bande de petits cochons), elles sont certes bien foutues, mais leur modélisation s'avère relativement terne et sans relief (au sens figuré). De toute façon, vous les verrez tout au plus en sous-vêtements, alors pas de regrets à avoir.
Les Plus
  • Le mauvais goût
  • L'humour souvent corrosif
  • La tête de vainqueur du héros
Les Moins
  • Le mauvais goût !
  • Le simplisme des dialogues
  • La répétitivité des mini-jeux
  • La répétitivité de la drague
  • Le déséquilibre constant jauges/péchés
  • La morale douteuse même pas démontrée avec brio
  • Pas assez d'ornithorynques !
Résultat

C'est indéniable : 7 Sins se révèle plutôt fun et excitant pendant la première heure de jeu. Passé ce délai, chaque niveau semble calqué sur le précédent et si les décors changent, les mini-jeux, eux, demeurent identiques. Ainsi, accumuler les aventures finit par ennuyer, que ce soit au lit, dans une douche ou un sauna. Dommage que le titre pèche par sa répétitivité, car paradoxalement, les situations peuvent s'avérer agréablement variées, mêlant fantasmes communs et scènes burlesques : s'envoyer la jolie secrétaire sur la photocopieuse ou une cliente dans une cabine d'essayage, se faire donner la fessée en public, pratiquer l'amour entre hommes dans les toilettes du bureau... Autant de passages soulignant inéluctablement l'aspect racoleur du titre, qui place la luxure au premier plan. Quitte à reléguer les autres péchés au rang de faire-valoir, ce qui prouve bien l'hypocrisie de la démarche. Et quitte, aussi, à faire l'apologie de l'arrivisme, de l'intéressement, et de tout un tas d'autres vices répréhensibles (la maltraitance des lapins, par exemple !), confortablement drapés sous un voile humoristique. Condamnable ou pas, à vous de trancher. L'impertinence est la bienvenue quand elle est servie par des jeux de qualité. Ici, on peut douter de la sincérité du projet, plus opportuniste que constructif. Bref, l'expérience peut valoir le coup entre potes pendant cinq minutes si l'un de vous a trouvé le jeu sur son chemin ; autrement, n'investissez pas dans cette semi-arnaque et privilégiez les vraies relations. Surtout à ce prix là, il faudrait vraiment être une victime. Envoyez plutôt vos dons aux élevages d'ornithorynques ou offrez à tante Gisèle l'édition deluxe du Scrabble !

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