Test | Murdered : Soul Suspect
31 août 2014

Âmes intransigeantes s'abstenir

Testé par sur
Aussi disponible sur
Murdered

Un jeu d'investigation où vous incarnez un policier contraint d'enquêter sur sa propre mort pour trouver le repos éternel. Voilà ce que propose Airtight Games. Si le concept est plaisant, il n'est pas pour autant inédit : Ghost Trick en est un bon exemple. L'exploration de l'au-delà, ou plutôt de l'avant au-delà, est ici différente, mais vaut-elle le détour pour autant ?

L'histoire

Une fenêtre qui se brise, une chute en arrière du troisième étage d'une maison, les souvenirs d'une vie passée qui défilent, et l'impact. Dur. Brutal. Les pavés se teintent doucement de rouge, et avant que vous ne puissiez vous relever, sept détonations rugissent à bout portant dans votre poitrine. Vous vous remettez sur pieds en vous époussetant et en contemplant votre cadavre sans vie, gisant sur le sol. Vous êtes mort, vous, Ronan O'Connor, délinquant dans votre jeunesse, policier talentueux ces dernières années. Comment êtes-vous mort ? Assassiné. Par qui ? Par le tueur en série sévissant depuis plusieurs semaines que vous traquiez, baptisé par la presse le Crieur des Morts. Pourquoi êtes-vous mort si brutalement, si impitoyablement et si violemment alors que le tueur n'utilise jamais d'arme à feu ? C'est ce que vous devez découvrir à tout prix si vous souhaitez atteindre l'au-delà et rejoindre votre femme bien-aimée décédée il y a deux ans. En attendant, vous êtes coincé à Salem, Massachusetts, ville tristement célèbre pour ses fameux procès de sorcellerie au XVIIè siècle. Dans cette ville chargée d'histoire à l'ambiance toute particulière, vous devez remonter indice par indice, piste par piste, en compagnie d'une jeune médium de quinze ans, Joy, au caractère bien trempé qui ne manquera pas de vous suggérer d'aller en enfer.

L'histoire de Murdered : Soul Suspect peut paraître assez simpliste au bout de seulement quelques heures de jeu. Cependant, rien n'est tout blanc ni tout noir (la preuve, vous êtes gris), et la révélation finale a de quoi étonner. C'est avec donc un certain intérêt que vous accompagnez Ronan dans son enquête, même si celle-ci est plombée par pas mal de défauts, notamment une certaine sous-exploitation dans le gameplay.
Sanka, t'es mort ? Yeah man

Le principe

Les âmes ayant laissé quelque chose en suspens ne peuvent pas rejoindre l'au-delà.

Enquêter, ça vous connaît. Vous savez le faire, vous savez raisonner et poser les bonnes questions, interroger les bonnes personnes et utiliser le bon levier pour les faire parler. Mais, mort, pouvez-vous faire tout cela ? Pouvez-vous enquêter aussi bien alors que vous êtes invisible et inaudible pour tout le monde, exceptée une jeune adolescente ? Pouvez-vous vous déplacer aussi librement que d'habitude ? Oui et non. Pouvez-vous bouger des objets, examiner sous tous les angles une preuve ? Non plus. Alors comment éviter de passer à côté de quelque chose ? En utilisant vos capacités spectrales que vous apprenez au fur et à mesure. A titre d'exemple, vous ne pouvez pénétrer dans un bâtiment que si une porte ou une fenêtre est déjà ouverte, mais une fois dedans, libre à vous de traverser les murs comme bon vous semble et de refaire la tapisserie à coups de résidus ectoplasmiques.

Pour les interrogatoires, c'est presque pareil. Presque. Il vous suffit de prendre possession d'une personne, de lire ses pensées, ou de les lui suggérer. Comment ? En sélectionnant une preuve dite pertinente récoltée au cours de votre enquête. Si votre instinct ne vous trompe pas, la personne pensera alors immédiatement à la preuve, à ce qu'elle représente pour elle et à pléthores d'éléments qui y sont liés. En ce qui concerne les indices, clefs de voûte du jeu, vous les récoltez soit par ce procédé, soit par exploration et observation. Bien entendu, Joy, le jeune médium qui elle peut vous voir, vous entendre et vous parler, va jouer un rôle important dans l'aventure. Grâce à elle, vous pouvez avoir accès à plus d'indices, entrer et sortir de certains lieux, être protégé des âmes damnées (des bras aux mains crochues sortant du sol et tentant d'attraper tout ce qui est gris et ectoplasmique comme vous), etc. Outre cela, une de ses actions favorites est de vous dire d'aller vous faire voir en enfer, rebelle comme elle est. Le duo atypique que vous formez fonctionne plutôt bien, dans le sens où il est dynamique, amusant et équilibré. Si la manière d'avancer dans l'enquête est simple, elle l'est peut-être trop, malheureusement, et également rébarbative. Toujours le même schéma s'impose à vous : récolter des indices, prendre possession d'une ou deux personnes maximum, tirer des conclusions. Une fois cela fait quelque part, vous pouvez aller à l'endroit suivant. Inutile de vous cacher que l'aventure manque de rythme et tend parfois à s'essouffler à cause de cette mise en scène trop dénuée de reliefs et de contrastes.
Les esprits vaporeux fument aussi

Pour qui ?

Certains indices vous évoquent des flashbacks, bien que vous n'étiez pas présent.

Murdered : Soul Suspect n'est pas un jeu pour tout le monde. Très vite, le sentiment d'être pris par la main et d'évoluer dans univers trop peu approfondi vous saisi. Jugez plutôt : sur une scène de crime, le nombre d'indices déjà récoltés et à récolter sont inscrits sur le bas de l'écran ; quand vous devez choisir les indices les plus pertinents pour tirer des conclusions et faire avancer l'enquête, peu importe le nombre d'erreurs commises en les sélectionnant, vous pouvez tous les faire à la suite jusqu'à trouver le bon. Un peu trop élémentaire, mon cher Watson. Par ailleurs, quand vous prenez possession de personnes, que ce soit des témoins clés, des policiers en patrouille ou de simple passants, leurs pensées se résument à deux lignes de dialogues. Deux. Encore mieux, il n'est pas rare de voir une personne assise à un café et cent mètres plus loin, de croiser son jumeau. Puis son triplé. Et bien sûr, avec les mêmes pensées. Le background est littéralement laissé de côté au profit de l'enquête, ce qui est dommage car dans un tel cadre que Salem, il aurait été intéressant d'approfondir tous les aspects de la ville. Ces petites choses prises séparément ne semblent pas bien graves mais au fil du jeu finissent par lasser. Voilà pourquoi ceux qui chipotent scrupuleusement et font très attention aux détails ne trouveront pas leur compte. Les autres, plus indulgents voire expéditifs dans l'aventure, sauront tout de même apprécier à sa juste valeur l'originalité du scénario.
Chipote pas et t'auras un Chipotle gratuit

L'anecdote

Spero Patronum ! Ah non, c'est pas le bon jeu.

Dans chaque lieu que vous explorez se trouvent des fragments de mémoire, d'un souvenir, incarnés en une collection d'objets. Ainsi, dans le commissariat de Salem, vous trouvez de vieux fusils datant de la guerre de Sécession ; dans un immeuble résidentiel, ce sont des ballons d'eau chaude que vous devez débusquer, et ainsi de suite. Quand vous les découvrez tous, vous débloquez un récit bonus contant une histoire de fantôme. Certains sont inquiétants, et pas qu'un peu. Un conseil : fouillez bien l'église et l'immeuble résidentiel.
Scream louder, harder, better
Les Plus
  • L'histoire, bien menée
  • Les petites enquêtes annexes pour aider votre prochain à rejoindre l'au-delà
  • Le tandem Joy-Ronan
  • Un bon début, une très bonne fin...
Les Moins
  • Le schéma d'enqûete, trop répétitif
  • Un gameplay sous-exploité
  • Un background délaissé
  • Des PNJ sans âme
  • Pas beaucoup de challenge
  • ...mais un milieu un peu creux
Résultat

Murdered : Soul Suspect est doté de quelques bons aspects, notamment d'un scénario original et d'un final étonnant. Mais il est loin d'être dénué de défauts. Un gameplay trop peu exploité, une ambiance pas assez approfondie, un déroulement de l'enquête répétitif et le sentiment d'être constamment pris par la main ont de quoi en dérouter plus d'un. Mais ce n'est pas pour autant que le jeu d'Airtight Games doit être brûlé sur le bûcher, pendu, noyé, ou encore broyé sous les pierres comme les sorcières de Salem autrefois. Murdered : Soul Suspect a du potentiel, pas toujours très apparent certes, mais il mérite le bénéfice du doute jusqu'au bout et non un jugement expéditif, quoiqu'en disent les plus intransigeants.

Partagez ce test
Tribune libre